Patrick Buisson: «Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme»
Buisson annonce donc l'échec du courant libéral-conservateur. C'est un homme intelligent certes, mais il sous-estime de grands changements disruptifs en-cours et à venir dont la 1ère étape a été l'élection de Macron en 2017, accompagnée de l'effondrement du PS, de l'échec de LR et de l'impuissance du RN. La 2nde étape a eu lieu aux européennes avec l'effondrement de LFI et de LR.
Mais il suffirait d'un leader charismatique pour rassembler les droites et Buisson aurait alors tort.
Patrick Buisson et Marion Maréchal, les coulisses d’une rupture politique
RÉCIT - Rien ne va plus entre l’ex-députée du Vaucluse et l’essayiste. Celui-ci a successivement dîné avec Marion Maréchal et Marine Le Pen, mi-juin.
De l’idylle au désamour. Plus qu’une complémentarité, la tacite complicité liant le théoricien de la droite Patrick Buisson et Marion Maréchal relevait jusqu’à il y a peu de l’évidence. Même au cœur de sa retraite politique, l’ex-députée du Vaucluse ne s’est jamais départie de ses habits d’élève buissonnienne: «Je suis, j’ai toujours été sur la ligne Buisson. Pour l’emporter, faire l’alliance des classes populaires et d’une certaine bourgeoisie conservatrice est une nécessité», confiait cette lectrice assidue de La Cause du peuple au Figaro, en septembre dernier.
Loin de s’en plaindre, l’essayiste louait alors les qualités, voire la destinée, de cette ambassadrice inespérée: «Elle est en train de revisiter le mythe du sauveur cher à la droite, livrait à L’Express l’essayiste, en mars 2018. Air du temps oblige, la femme providentielle a supplanté l’homme dans cet emploi. Même les plus conservateurs sont prêts à faire cette concession à la modernité. Ça leur rappelle Domrémy et Vaucouleurs.»
«Seule une candidature opérant la jonction entre les classes populaires et la classe moyenne inférieure serait susceptible de l’emporter face à Macron.»
Patrick Buisson
Un an à peine après avoir élevé Maréchal au rang de Jeanne d’Arc des temps modernes, Buisson la voue désormais au bûcher. Moquant le «storytelling» de ce qui ne s’apparente pas encore à un retour, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy égratigne à longueur d’interviews le fond comme la forme de l’offre balbutiée par son ancienne protégée: «Le moment choisi par Marion Maréchal pour revenir dans le débat laisse perplexe, cingle-t-il dans L’Opinion. D’abord, en raison de l’échec de Bellamy, qui a fait apparaître l’insigne faiblesse électorale de la ligne libérale et conservatrice dont elle se réclame. (…) Enfin, parce que son offre d’union à LR - une OPA sur une coquille vide et une main tendue à des gens qui n’en veulent pas - va vite trouver ses limites.»
Des critiques que l’intellectuel a, selon nos informations, pu adresser en tête à tête à Marion Maréchal, lors d’un houleux dîner organisé à l’initiative de cette dernière, la semaine du 17 juin dans un restaurant du XVIIe arrondissement de Paris.
«C’est malheureux, résume un facilitateur. Lui cherche comment gagner en 2022. Elle comment rassembler les droites pour une victoire visiblement à plus long terme. Et comme ils ne sont, ni l’un ni l’autre, dénués d’orgueil…»
Reste que ce différend de stratégie comme de calendrier opposant le septuagénaire et la trentenaire ne s’est pas révélé vain pour tout le monde. Cette même semaine, Patrick Buisson dînait avec Marine Le Pen. La présidente du Rassemblement national a pu constater que non seulement l’essayiste jugeait «obsolète» la stratégie qu’il avait lui-même inspirée à sa nièce, mais qu’il adhérait désormais à la sienne. Chantre repenti d’une union à droite, Buisson loue désormais un nouveau clivage politique opposant «libéraux et antilibéraux».
«Il fait du Philippot avec dix ans de retard»
Une clé de lecture qui ne va pas sans rappeler celle, chère au Rassemblement national, opposant partisans de la mondialisation et défenseurs de la nation. En 2022, «seule une candidature opérant la jonction entre les classes populaires et la classe moyenne inférieure serait susceptible de l’emporter face à Macron», prédit encore Buisson dans L’Opinion.
Hissant de fait Marine Le Pen, et non plus Marion Maréchal, en seule alternative possible à une réélection du chef de l’État.
«Plus personne ne comprend Patrick Buisson, élude-t-on dans l’entourage de la jeune retraitée. Il a brillamment fait élire Nicolas Sarkozy grâce à l’alliance des électorats de la droite traditionnelle et de la droite populaire. Mais depuis deux mois, il dénigre cette stratégie, lui préfère une coalition droite-gauche fantasmée. Bref, il fait du Philippot avec dix ans de retard…»
Dans le premier cercle de Marine Le Pen, on salue au contraire «les enseignements tirés des élections européennes par ce fin analyste politique: il n’y a pas de challenger crédible à Emmanuel Macron hormis Marine Le Pen».
Celui que l’on surnomme le «mauvais génie de la droite» prend cependant un risque pour les années à venir: devenir l’arbitre des élégances entre deux Le Pen.
Marion est jeune et elle a du temps. Buisson est vieux et cherche à faire un coup en 2022. Il est donc de rejoindre le RN et Marine Le Pen, et d'abandonner Marion Maréchal ou Eric Zemmour, chefs de files incertains et qui ne pourront rien faire en 2022. Du même coup, il abandonne l'idée du rassemblement des droites libérale-conservatrice et populiste-souverainiste, et rejoint donc le populisme à la mode.
"J'ai retourné ma veste
A la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon ..."
Alexandre Sirkis / Indochine.