En France, l'horrible proportionnelle fait peur. Pour être certains qu'aucune petite liste ne puisse être représentée, ils ont cru bon, en plus du découpage, d'instaurer un seuil de 5 % mais qui est en pratique inutile puisqu'il n'y a pas assez de sièges à pourvoir dans chaque circonscription. Même les 6,38 % du Front de Gauche dans le Nord-Ouest ne lui ont suffi pour obtenir un siège (ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps), le 10e siège ayant été attribué au FN. Même dans la circonscription Île-de-France, le seuil est inutile puisque le dernier siège à avoir attribué est celui du PS, avec une moyenne de 4,75 %. DLR, avec ses 3,81 % n'aurait pas été représenté, avec ou sans seuil.Environ 15% des Français ne disposeront d'aucune représentation au Parlement européen. À eux six, les partis qui vont envoyer des eurodéputés à Bruxelles (dans l'ordre d'arrivée, FN, UMP, PS, UDI-MoDem, EELV et Front de gauche) représentent en effet environ 85% des suffrages exprimés ce dimanche 25 mai.
Les voix restantes, elles, sont «gâchées» car elles sont allées à des partis qui n'ont dépassé 5% des voix dans aucune circonscription: celui qui passe le plus près de ce seuil est Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, qui fait environ 4,6% des voix dans la circonscription Massif central-Centre.
Chez notre voisin allemand, le système électoral utilisé pour les élections européennes est quelque peu différent. Déjà, car l'élection se fait dans le cadre d'une seule circonscription nationale, et non pas, comme en France, de circonscriptions régionales –les chercheurs en sciences politiques Bernard Dolez et Annie Laurent ont montré, dans une étude publiée en 2010, que ce système hexagonal des grandes régions handicapait les partis «moyens» recueillant entre 5% et 10% des voix, car ceux-ci sont souvent un peu justes pour décrocher un siège dans les plus petites régions.
Mais l'Allemagne innove aussi car, comme dans treize autres pays européens, il n'y a pas de seuil nécessaire pour être admis à la répartition des sièges, depuis une décision récente de la cour constitutionnelle de Karlsruhe (ce seuil était auparavant de 5% puis de 3%). Cela explique que beaucoup plus de partis allemands vont être représentés au Parlement européen: ils seront au total quatorze, dont le Parti pirate, les défenseurs des animaux ou encore les néonazis du NPD.
Voici à quoi ressemblerait la répartition des sièges au sein de la délégation française du Parlement européen si la répartition s'y faisait «à l'allemande», sur une seule circonscription et sans seuil. Elle est calculée au vu des résultats disponibles lundi 26 mai à 12h –il manque donc ceux des Français de l'étranger– avec, entre parenthèses, la différence en nombre de sièges avec le vrai résultat.Trois partis supplémentaires auraient donc fait leur entrée au Parlement européen: Debout la République, Nouvelle Donne et Nous Citoyens –sachant par ailleurs que les électeurs français ont voté en connaissant a priori ce seuil de 5%, ce qui a pu les décourager de se prononcer en faveur de plus petits partis.
- FN: 25%, 20 sièges (-4 sièges)
- UMP: 20,8%, 17 sièges (-2 sièges)
- PS: 14%, 11 sièges (-2 sièges)
- UDI-MoDem: 9,9%, 8 sièges (stable)
- EELV: 8,9%, 7 sièges (+1 siège)
- Front de gauche: 6,6%, 5 sièges (+1 siège)
- Debout la République: 3,8%, 3 sièges (+3 sièges)
- Nouvelle Donne: 2,9%, 2 sièges (+2 sièges)
- Nous Citoyens: 1,4%, 1 siège (+1 siège)
Slate[/align]
D'ailleurs, pensaient-ils contrer le FN avec un tel mode de scrutin. C'est l'exact inverse qui s'est produit, comme en témoigne cette simulation. Maintenant que le FN a gagné l'élection, ils changeront peut-être le mode de scrutin.