Qu'en pensez vous ?Imperceptiblement, l'Espagne se redresse. Oui, le pays est toujours en récession et le sera l'année prochaine. Oui, le chômage atteint des sommets inimaginables, à 25 % de la population active. Oui, le déficit public est promis à un nouveau dérapage. Mais des signaux sont là, preuve, peut-être, que le pays a touché le fond et remonte, lentement, vers la surface.
Premier signal : la « dévaluation interne ». Cette expression barbare désigne ce que tous les pays qui ont vu leur compétitivité s'éroder depuis l'entrée dans la zone euro sont condamnés à faire, faute de pouvoir dévaluer une monnaie qu'ils ne maîtrisent plus. Auparavant, l'Espagne pouvait redevenir compétitive du jour au lendemain, presque de façon indolore pour les salariés, en dévaluant la peseta. La dévaluation interne est bien plus douloureuse puisque les travailleurs la subissent à travers la baisse de leur salaire. La destruction massive d'emplois depuis 2008, puis une réforme visant à rendre plus flexible le marché du travail en début d'année ont fait baisser les coûts unitaires du travail. Résultat : « la main-d'oeuvre espagnole est actuellement 30 % moins chère que la moyenne de la zone euro, pour une productivité moindre de seulement 10 % », explique Ignacio de la Torre, économiste chez Arcano, une petite banque d'investissement espagnole.
Forcément, un tel avantage comparatif finit par se voir. L'impressionnante progression des exportations espagnoles depuis 2008 (+17 % contre +12 % en Allemagne et +5 % en France) en est un exemple - la France en a fait les frais en perdant récemment le surplus commercial qu'elle avait avec l'Espagne. La semaine dernière, la décision de Renault de créer 1.300 emplois en Espagne - en échange d'un accord salarial prévoyant notamment une nouvelle grille pour les salaires d'embauche, démarrant à 72,5 % du salaire d'un agent qualifié - en est un autre. La marque au losange n'est pas le seul constructeur à réinvestir en Espagne. Ford et PSA Peugeot Citroën ont prévu une augmentation de la production de l'autre côté des Pyrénées au détriment d'autres sites européens. « L'Espagne peut aspirer à devenir l'usine de l'Europe », résume Ignacio de la Torre.
Deuxième signal : le retour des investisseurs étrangers. La fuite des capitaux observée au premier semestre de cette année s'est largement ralentie. La radiographie des détenteurs de la dette publique espagnole en témoigne. Alors que les investisseurs étrangers la fuyaient massivement depuis fin 2011, ils en sont redevenus les premiers possesseurs en septembre. La raison principale est évidemment le nouveau programme de rachat de dette de la Banque centrale européenne, que l'Espagne déclencherait en demandant l'aide de ses partenaires européens, et qui laisse espérer de juteux profits. Le premier gestionnaire mondial de fonds obligataires, Pimco, ne s'y est pas trompé en faisant savoir récemment qu'il préférait les dettes italienne et espagnole aux française et allemande, jugées trop chères et trop peu rentables.
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Evidemment, la situation actuelle de l'Espagne est loin d'être exempte de risques et de défis. Le principal risque réside dans l'appauvrissement de la population, corollaire du chômage de masse et de la dévaluation interne. Dans le secteur privé, plus d'un tiers des salariés sont « mileuristas », c'est-à-dire gagnent 1.000 euros par mois. Ce statut, auparavant synonyme de précarité, est maintenant presque une aspiration pour un jeune diplômé. Le chômage ne régressant pas et les allocations ne durant que deux ans, de plus en plus de foyers n'ont plus aucunes ressources : quelque 1,7 million de ménages ont tous leurs membres sans-emploi. Peu à peu, le traditionnel filet de sécurité que constitue la famille s'épuise et se déchire.
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