Qu'en pensez vous ?Droits dans leurs bottes. A l’université d’été du PS, à La Rochelle, les dirigeants socialistes se sont insurgés contre tout relâchement de l’effort budgétaire. Même si la France est en croissance zéro, depuis neuf mois, même si plusieurs pays européens sont entrés en récession, ils ont martelé leur engagement: ramener le déficit public de 4,5 à 3 % du PIB dès 2013. Et peu importe si cet objectif est jugé hors de portée par de nombreux économistes.
"On tiendra les 3 %. Il faut du sérieux budgétaire. Nous bénéficions d’une certaine crédibilité au niveau européen grâce à cette politique", a lancé Laurent Fabius,
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Ne compromettre ni croissance, ni emploi
Et pourtant, en coulisses, c’est l’inquiétude. De nombreux experts et conseillers socialistes jugent dangereux de maintenir cet objectif budgétaire malgré la dégradation de la conjoncture. En 2013, le gouvernement table sur une croissance de 1,2 %, tandis que le consensus des économistes ne dépasse pas 0,5 %. Alors Philippe Aghion, professeur à Harvard et régulièrement consulté par François Hollande, est sorti du bois, le 18 août, en publiant une tribune offensive dans Le Monde: "Une application trop rigide des normes budgétaires peut compromettre la croissance et l’emploi", écrit-il. Et Aghion vient d’envoyer au chef de l’Etat une note détaillée, rédigée avec l’économiste Jean Pisani-Ferry, pour le pousser à changer de "stratégie budgétaire".
Cette inquiétude est partagée par des économistes qui n’ont pas pour habitude de se montrer laxistes, comme Charles Wyplosz (Université de Genève), Patrick Artus (Natixis) ou Jean-Marc Daniel (Institut de l’entreprise), qui nous confie: "Maintenir les 3 % alors que nous sommes en récession, c’est idiot."
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Dans l’Hexagone, cette charge va connaître une nouvelle résonance, ces prochains jours, avec la sortie quasi simultanée de trois livres d’économistes keynésiens. Le Français Daniel Cohen et les Américains Paul Krugman et Joseph Stiglitz, deux Prix Nobel, s’attaquent aux Austériens (un surnom inventé par l’analyste financier américain Rob Parenteau), "l’élite mondiale des décideurs" qui, selon Krugman, a appelé, en 2010, "à la réduction des dépenses, à l’augmentation des impôts et à la hausse des taux d’intérêt malgré le chômage de masse". Ils auraient ainsi tué la croissance, en appliquant leur purge trop tôt.
"L’austérité n’est pas bonne ou mauvaise en soi, confirme Charles Wyplosz. Elle est justifiée en période de boom, mais quand l’activité ralentit, elle est contre-productive." Surtout, les Austériens ont cru que les coupes dans les dépenses publiques allaient susciter un rebond de l’activité grâce au choc de confiance dans l’économie. Une "fée confiance", dixit Paul Krugman, qui n’est jamais venue.
La rigueur va coûter 1 à 2 points de croissance à l'Espagne en 2013
Pour l’heure, les résultats de ces plans de rigueur s’avèrent très décevants. En Espagne, la violence de la récession (-1,5 % prévu en 2012) a provoqué un effondrement des recettes fiscales qui a creusé le déficit, malgré les efforts drastiques du gouvernement Rajoy. "L’ajustement demandé à l’Espagne comme à la Grèce est trois fois plus rapide que celui réalisé par l’Allemagne entre 2002 et 2007", pointe Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes.
"Pour 2013, la rigueur va coûter de 1 à 2 points de croissance à l’Espagne et à l’Italie, constate Natacha Valla, économiste de Goldman Sachs. Or les réformes du marché du travail ne produiront des résultats que dans plusieurs années. En attendant, il faut étaler l’effort."
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Quelles sont les alternatives possibles ?
Que faire pour sortir de cette spirale infernale? D’abord, de nombreux experts préconisent de changer de thermomètre. "Les déficits publics doivent être systématiquement fixés en termes 'structurels', autrement dit ajustés pour tenir compte des aléas de la conjoncture", avance Philippe Aghion. Un calcul délicat, car il nécessite des hypothèses sur la croissance potentielle ou sur le poids des mesures exceptionnelles (plans de relance, ventes de licences téléphoniques…).
"Le déficit structurel, je m’en méfie comme de la peste, avertit Gilles Carrez, le président UMP de la commission des Finances à l’Assemblée nationale. Chez les économistes, chacun y va de sa définition. Cela risque de prêter le flanc à des manipulations."
Sur ce sujet, le traité budgétaire européen de mars 2012 apporte des avancées.
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Et comment réagiraient les marchés ?
La question épineuse posée par une telle réforme, c’est de savoir comment l’annoncer aux marchés. Abandonner les 3 % risque d’apparaître comme une décision laxiste aux yeux des "faucons" allemands ou des agences de notation. "Si l’on y renonce tout de suite, on s’expose à une sanction des marchés, craint Bruno Cavalier, d’Oddo Securities. Il faut d’abord réaliser des efforts importants en termes de réformes structurelles."
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