Qu'en pensez vous ?Vous publiez un rapport qui dresse un constat pessimiste de l’innovation en France. Vous n’êtes pas le premier à tirer le signal d’alarme. Qu’est-ce que vous apportez de nouveau au débat ?
- Je pars de la notion d’écosystème avec un chiffrage micro-économique, et non pas macro-économique avec des grandes masses ou des nombres de brevets. Le constat est sans appel : depuis quarante ans, la France ne produit plus de grandes entreprises innovantes, si ce n’est par fusions et rapprochement industriels. A l’autre extrémité du spectre, les Etats-Unis sont désormais à l’origine de la quasi-totalité des grandes sociétés innovantes du monde occidental dans la High Tech. En France, à part peut-être dans l’aéronautique, il n’y a plus d’entreprise admirée. Or c’est l’innovation qui suscite l’admiration, l’envie d’aller travailler là et pas ailleurs.
La recherche coute cher ?
- C’est le contraire, la recherche rapporte beaucoup. La High Tech américaine et l’industrie allemande sont de grands contributeurs aux budgets nationaux en termes d’impôts sur les sociétés, au contraire des champions de l’innovation français comme Renault, PSA ou Alcatel. A titre d’exemple, sur les trois dernières années, l’IS cumulé de Google a été de 4,2 milliards d’euros contre 3,4 milliards pour Daimler.
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Comment en est-on arrivé là ?
- Même si le constat est brutal, la France, et ses pouvoirs publics en particulier, ont dépensé une énergie et des ressources considérables dans une politique industrielle centrée sur quelques "filières" et leurs grands groupes, afin de tenter d’asseoir pour ces derniers une "masse critique" suffisante à l’échelle internationale. Qu’il s’agisse des grandes fusions pilotées ou encouragées par l’Etat ou ses anciens hauts fonctionnaires, des privatisations, de la concentration des financements publics, du Crédit d’Impôt recherche (CIR) ou des aides diverses et variées à ces grandes entreprises ou grands projets, tous ces choix incarnent une certaine approche de la politique économique qu’il faut bien qualifier de "mécano industriel".
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Là encore, vous n’êtes pas le seul à faire ce constat. Mais concrètement, que faire ?
- La notion clé est celle du cluster qui permet la circulation des informations et des hommes. Il faut réunir les institutionnels, les grandes universités, les laboratoires, les grands groupes technologiques et les financiers. Il faut aussi avoir une approche concentratrice : la France n’est pas d’une dimension économique suffisante pour pouvoir concilier saupoudrage, aménagement du territoire égalitaire, et taille critique internationale sur les grands sujets innovants. L’innovation nécessite des moyens de plus en plus importants, qu’ils soient financiers ou humains. L’ambition de toute politique en la matière doit donc être de concentrer autant de ressources que possible sur quelques régions, réseaux, institutions et plus généralement "systèmes" de pointe.
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N’est-ce pas un retour de l’Etat ?
- L’Etat doit jouer un rôle en assurant la stabilité des systèmes fiscaux et règlementaires dans le domaine du financement en capital de l’innovation. Mais il est nécessaire d’éviter les interventions politiques permanentes en matière de contraintes d’investissement et d’éviter que ces mêmes outils fiscaux soient une source de déstabilisation de l’industrie du financement en capital des entreprises innovantes françaises dans son ensemble. Pour cela, une solution pourrait être de s’assurer que les fonds collectés par le truchement de ces outils fiscaux soient accessibles à tous les fonds centrés sur l’innovation, selon un mécanisme plus proche des fonds de fonds.
Quel serait le rôle du privé ?
- C’est le privé qui doit financer l’innovation. Il faut pour cela favoriser l’émergence de fonds technologiques de taille importante, face à un ensemble français de plus en plus fragmenté et centré sur l’amorçage. Ces fonds sont essentiels et devront inévitablement avoir un horizon d’investissement européen.
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