Le miracle slovaque.

[mps]

Jouée perdante lors de sa séparation de la Tchéquie, la Slovaquie connaît désormais un taux de croissance qui fait baver tous les européens.

Dès son indépendance, la Slovaquie s'est attachée à simplifier toute son administration, à instauré une taxe universelle à 19 % (flat rate), a favorisé le développement de ses entreprises et en a attiré beaucoup d'autres, notamment par ses salaires modestes.

Depuis, le niveau de vie des gens a doublé, et la petite Slovaquie casse la baraque !

Quand on leur parle de Hollande et de ses 75 % d'imposition pour les riches, les Slovaques se roulent de rire icon_biggrin

[racaille]

Quand tu écris que le niveau de vie a doublé, est-ce qu'il s'agit d'une moyenne ou bien toutes les catégories socio-professionnelles ont bénéficié également de ce doublement ? D'après ta description sommaire et ton évocation de la flax tax - qui encourage nécessairement l'inégalité sociale - j'ai tendance à penser que les écarts de revenus ne peuvent que se creuser d'année en année. On pourra toujours reparler de ce modèle libéral pur sucre dans quelques années, lorsque les salaires auront atteint leur limite de rentabilité et que les entreprises étrangères qui investissent aujourd'hui dans ce pays délocaliseront leur production dans le nouveau pays libéral du moment ("flavor of the month").

[El Fredo]

Ah oui, la Slovaquie. Un vrai miracle, un peu comme la Lettonie si vous voyez ce que je veux dire.

[GIBET]

C'est un sujet d'économie ça?
C'est ou de l'humour Belge ou de la propagande touristique ...mais certainement pas un, sujet économique

[mps]

Si, cher Gibet, le sujet est économique en plein !

Ne serait-ce que de s'intéresser à une économie qui progresse au lieu de stagner.

Mais aussi que le sujet entraîne des réactions comme celle de Racaille :

D'après ta description sommaire et ton évocation de la flax tax - qui encourage nécessairement l'inégalité sociale - j'ai tendance à penser que les écarts de revenus ne peuvent que se creuser d'année en année.

Parce que, là, on touche directement du doigt ce mal français, soit "l'idéal"' qui consiste à formater les revenus de tous, indépendemment de leur implication dans la vie économique. Régime navrant où les uns pédalent, et les autres freinent en gueulant que le tandem ne va pas assez vite. D'où démotivation générale.

L'égalité des citoyens ne se mesure pas à ce qui tombe chaque mois. Il en est au contraire comme de la santé. Les gros problèmes sont collectivisés et pris en charge par la sécu ; pour le reste, chacun est responsable de sa santé en fonction de ses habitudes de vie : cela s'appelle la responsabilité et le bon sens.

Prends l'exemple de garçons de 18 ans : les uns ont bossé et décroché leur bac, les autres n'ont jamais rien foutu ; certains se ruent à des études supérieures, où ils ne feront aucun effort et se feront laminer ; le mien a différé son entrée à l'univ d'un an, a passé la moitié de l'année à bosser dans diverses entreprises espagnoles, et est pour 6 mois ouvrier dans un excellent atelier en Angleterre, où il fait 9 heures/jour très physiques, en découvrant le monde de l'entreprise et en perfectionnant son anglais. Hyper apprécié, d'ailleurs.

Chances comparées ? Pas besoin de te faire un dessin ! Et tu voudrais qu'à terme, les résulats soient analogues ? Ce serait le comble de l'injustice sociale et de l'irréalisme.

[racaille]

Ma réaction est évidemment celle de quelqu'un pour qui la devise française n'est pas uniquement là pour décorer le fronton des mairies. Et force est de reconnaitre que cette devise entre en contradiction avec la logique libérale du renard libre dans le poulailler en barbelé : du bien pour ceux qui ont déjà des biens et, pour le reste, de la sueur et des larmes.

[mps]

Je ne vois pas le sens de ta remarque :

- liberté : chacun fait de sa vie ce qu'il lui plait

- égalité : mêmes droits, mêmes possibilités de formation

- fraternité : une société au secours de ses accidentés (handicapés, orphelins, malades, etc).

Votre devise n'est pas "laissez-vous couler comme des camenbert trop faits, nous ferons le reste" icon_biggrin

[Baltorupec]

Mais la société ne doit elle pas apprendre aussi au camenberts à rester ferme ? N'est-ce pas le sens de la fraternité ?

[racaille]

Le sens de la devise va plus loin que trois définitions séparées, il existe une synergie entre les mots. Par exemple que la liberté ne peut être garantie que par l'égalité des citoyens (après on peut décider s'il ne s'agit que d'égalité des droits ou aussi d'une égalité de moyens). Evidemment cette devise a été dévoyée afin de faire taire son côté franchement gauchiste, mais j'ai décidé personnellement d'y rester fidèle.

Fondamentalement ce n'est pas compatible avec la situation que tu décris en Slovaquie car la flat tax est intrinsèquement inégalitaire. C'est bien ce qui a été le plus reproché au gouvernement lorsqu'il a décidé de l'augmentation de TVA, transférant ainsi la charge de l'austérité sur le dos des plus pauvres.

Comme je te l'écrivais plus haut, attendons quelques années, lorsque les entreprises bénéficiant de l'exploitation des petits salariés slovaques trouveront un autre paradis libéral où il fait bon investir. Tiens c'est pas Renault/Dacia qui a fini par trouver les salaires roumains trop hauts et qui entame une délocalisation au Maroc ?

[mps]

Notre discussion est aussi vaine que celle sur le sexe des anges.

Non, la TVA (fort basse pour les produits de nécessité) ne moleste pas les pauvres ... sauf s'ils veulent se fournir chez Hermès ...

Non, la flat tax n'a rien d'anti-social, parce que 19 % de pas grand chose, cela fait si peu que c'est purement symbolique. Au contraire, détaxer carrément les petits salaires, c'est humiliant et réprésente une forme d'exclusion sociale.

Pour tes pronostics, évidemment que la production se déplace, et qu'il faut perpétuellement prévoir son remplacement. Mais les vaches grasses des investissements étrangers auront entretemps permis à une foule d'activités locales de se développer. Du moment que le pays garde la tête froide, et ne dilapide pas ses revenus tout en majorant sa dette, comme certains ...

[Baltorupec]

Je ne suis pas économiste et donc mon avis n'est sûrement pas le plus pertinent.
Cependant, je dois dire que j'éprouve une méfiance à me prononcer sur la situation de la slovaquie car je ne connais rien sinon la phrase que vous m'avez dites sur la situation de ce pays (bon je savais que c'était un ex pays de l'est).

Je pense que le libéralisme de la slovaquie lui a permis de se faire une place dans ce monde où règne une culture du "moins", qui payeras ses ouvriers le moins, qui sera le moins chiant sur les conditions de sécurité et de travail. Cependant, il est dommage que la slovaquie se développe puisqu'elle propose "moins" que les autres pays (oui, oui, je suis un sale hippie, je prend comme même des douches), et qu'il ne se développe pas selon une certaine autonomie, mais passons.

Que voulez vous nous dire ? Que la France devrait faire pareil ?

Cependant croyez vous sincèrement que le libéralisme est capable d'annihiler la misère et de régler la crise écologique ?

[El Fredo]

Le "miracle" slovaque tient essentiellement à l'industrie automobile qui y a vu un gisement considérable de main d'oeuvre à bon marché, au point d'en représenter la moitié du PIB. Autrement dit, un "modèle" hyper-spécialisé et une monoculture industrielle très sensible aux cycles économiques et absolument pas transposable. Quant à l'influence de ses choix fiscaux sur ses performances économiques, je laisse chacun libre de toute interprétation...

[mps]

Pour Frédo. Non, même si la voiture tient une place sérieuse, voici le détail :

Les principaux secteurs industriels sont: la métallurgie, l'agroalimentaire, l'énergie (électricité, gaz, coke, combustible nucléaire), la chimie et les les fibres chimiques, les machines, la papèterie, la poterie et la céramique, les véhicules, les textiles, les équipements électriques et optiques et le caoutchouc.

Pour l'évolution, une petite étude sérieuse : http://www.diploweb.com/UE-27-PIB-2012- ... elles.html

On y voit que la Slovénie, malgré certaines difficultés de sortir du communisme, se trouve déjà dans le groupe de tête, loin devant la Belgique (2ème catégorie) et le France (3ème catégorie).

Pour le pouvoir d'achat, oui la Slovénie est assez bas dans le tableau (comme l'Espagne), mais elle a un taux de croissance remarquable . Rome ne s'est pas faite en un jour, et la Slovénie sort de la misère communiste.

http://www.diploweb.com/UE-27-PIB-2012- ... elles.html

[El Fredo]

1. C'est la Slovaquie, pas la Slovénie. On va dire que c'est un lapsus.

2. Ce sont des prévisions de croissance, pas des données tangibles, et le problème avec les prévisions c'est qu'elles sont difficiles à faire surtout quand elles concernent l'avenir. On l'a bien vu récemment avec les chiffres de croissance et de déficit dans la plupart des pays de la zone (dont la France).

3. Concernant ces prévisions, la Slovaquie est dans le groupe 2, pas dans le groupe 1. Et une prévision de croissance de 1,1%PIB en 2012 c'est loin d'être un "miracle" (la France est à 0,6%PIB, une différence de 0,5 point est proche de la marge d'erreur). D'autant plus que ces chiffres ne veulent pas dire grand chose dans le contexte actuel vu que des pays comme la Lithuanie (3,4%PIB de croissance prévue en 2012) ont connu une chute vertigineuse les années précédentes et sont TRES loin d'avoir récupéré leur potentiel (s'ils le récupèrent un jour, c'est trop tôt pour le dire vu que les chiffres actuels sont essentiellement dus à la reconstitution des stocks). Voir cet article sur la difficulté d'identifier les ruptures de croissance comme temporaires ou permanentes :

http://economistsview.typepad.com/econo ... orary.html

4. Le secteur automobile slovaque ne représente pas la moitié du PIB (le lien sur lequel je me suis basé était erroné, ce chiffre étant en fait une prévision pour 2010 : CQFD sur la fiabilité des prévisions) mais un tiers :

http://www.groupe-logos.com/2010/images ... ie2012.pdf

Les principales possibilités d’investissement selon les secteurs

Le secteur secondaire représente environ un tiers du PIB.

Les secteurs de l'industrie lourde tels que le métal et l'acier sont toujours dans une phase de restructuration.

Les industries à haute valeur ajoutée, telles que l'électronique, l'ingénierie et la pétrochimie sont installées dans la partie occidentale du pays.

Le secteur des services représente environ 60% du PIB. Il est dominé par le commerce et l'immobilier.

L'industrie représente aujourd'hui plus de 33 % du PIB slovaque et elle emploie 29,3 % de la population active.

Historiquement orientée vers l'industrie lourde et l'armement, les secteurs dominants sont aujourd'hui l'automobile, les équipements et appareils électriques (2ème poste à l'export, grâce aux implantations de Samsung et Sony), la métallurgie, l'agroalimentaire, l'énergie (électricité, gaz, charbon, pétrole, nucléaire), la chimie, la plasturgie, le textile, le bois, le papier et le caoutchouc

L'industrie automobile
Après la transition, Volkswagen, PSA et Kia Motors ont restructuré l'industrie slovaque, en bénéficiant d'aides pour reconvertir le bassin d'emplois. Aujourd'hui, l'automobile compte pour presqu’un tiers du PIB et constitue le premier poste à l'export.

Autrement dit l'industrie représente un peu plus d'un tiers du PIB, et l'automobile qui en fait partie un peu moins d'un tiers, donc on peut affirmer que l'automobile représente la quasi totalité du secteur industriel slovaque. Tout ça grâce à des aides, vive le libéralisme et la flat tax.