Minc-Montebourg: deux visions du monde

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Minc-Montebourg: deux visions du monde

Message non lu par politicien » 24 sept. 2011, 10:53:55

Bonjour,

Entre Arnaud Montebourg et Alain Minc, le choc des idées a fait des étincelles. Challenges les réunit pour une vraie discussion.
La rencontre était improbable. Pas seulement parce que le discours d'Arnaud Montebourg, auteur de Votez pour la démondialisation! (Flammarion), est en tout point opposé à celui d'Alain Minc qui vit dans Un petit coin de paradis (Grasset). Car en juin, dans une interview, le prophète de la mondialisation heureuse avait traité Montebourg de "c......", lequel bien sûr exigeait des excuses. L'été est passé, Montebourg a vendu plus de 40.000 exemplaires de son manifeste. De quoi faire réfléchir Minc, qui a reconnu bien volontiers dans les locaux de Challenges que "c'était une connerie que de le traiter de c......". Le débat pouvait commencer.

La France a-t-elle profité de la mondialisation?
A.Mo. La mondialisation, qui a véritablement commencé avec l'entrée de la Chine dans l'OMC, il y a dix ans, est une oeuvre des dirigeants politiques et pas une opération de la Sainte Vierge économique. Et c'est un désastre pour les peuples. C'est la raison pour laquelle des économistes de renom, les Prix Nobel américains comme Joseph Stiglitz et Paul Krugman, ou Dani Rodrik, professeur à Harvard, considèrent que ce système n'est plus tenable. Beaucoup d'experts pensent que la démondialisation a commencé et qu'il revient d'en faire un choix politique de reconstruction des économies du monde.

Alain Minc. D'accord pour dire que la Chine est le point de départ du phénomène. Mais la mondialisation ne s'est pas contentée de créer une immense classe moyenne chinoise. Elle a aussi contribué, pendant des années, à une croissance économique mondiale de l'ordre de 4 à 5% par an, ce qu'on n'avait jamais connu dans l'histoire économique. Pour les "vieux" pays, la situation est paradoxale. Le même citoyen, qui est inquiet pour son emploi à cause de la mondialisation, bénéficie du phénomène lorsqu'il fait ses courses dans une grande surface.

On réduit souvent la mondialisation aux délocalisations. Son bilan est-il aussi négatif sur l'emploi?
A. Mo. Il est catastrophique et cette triste réalité est étayée par des études concordantes. Par exemple, la direction générale du Trésor a estimé que 740.000 emplois ont été perdus en dix ans à cause des délocalisations. De son côté, l'économiste Patrick Artus chiffre à 8% l'emploi industriel européen détruit depuis 1995. (...)

A. Mi. Il y a deux effets de la mondialisation: d'abord, un effet direct sur l'emploi industriel, qui n'est probablement pas immense. Ensuite, un impact indirect par la baisse des prix des produits importés, qui distribue du pouvoir d'achat. (...)

N'est-ce pas le progrès technique qui explique pour l'essentiel la chute de l'emploi industriel?
A. Mo. Je vais vous parler du progrès technique sur le terrain. (...)
Les emplois n'ont pas disparu, ils sont partis ailleurs. Et ça, ce n'est pas du progrès technique. Ce sont des salaires en moins, et des profits et des dividendes supplémentaires pour les propriétaires des entreprises.

A. Mi. Il y a pourtant des pays développés, comme ceux d'Europe du Nord ou l'Allemagne, où les salaires sont équivalents aux nôtres et qui ont le sentiment de tirer un grand parti de la mondialisation. Leur modèle industriel leur donne une spécificité, qui leur permet de résister au dumping sur les salaires. La réponse à la compétition aiguë qu'impose la mondialisation, c'est la spécialisation. Et la France en manque.

Doit-elle s'inspirer de l'Allemagne?
A. Mo. Non. La réussite de l'Allemagne est un mythe. L'Allemagne a utilisé massivement les pays de l'Est pour réduire les coûts. Il y a une montée du Made by Germany plutôt que du Made in Germany. L'Allemagne s'est transformée en pays d'assemblage, mais les lieux de production ont été délocalisés chez ses voisins, ex-pays de l'Est. La mondialisation en Allemagne, c'est 80% de ses excédents réalisés avec ses partenaires européens, qu'elle affaiblit inutilement en pratiquant la baisse agressive de coûts sociaux.

A. Mi. Certes, on ne pourra pas réécrire notre histoire et fabriquer une industrie à l'allemande. Mais on peut développer des spécialités internationales qui nous protègent. Au-delà du modèle allemand, le vrai problème de la zone euro n'est pas de se protéger par des barrières douanières (...)

Le commerce extérieur français est-il une victime de la mondialisation?
A. Mo. Totalement. Il faut savoir que 40% de notre déficit commercial provient de nos échanges avec la Chine. Il y a dix ans, c'était zéro. (...)

A. Mi. Il est évident que les Chinois sont de mauvaise foi, en termes de concurrence et de respect des règles. Mais Arnaud Montebourg pourrait aussi citer notre déficit vis-à-vis de l'Allemagne ou l'Italie. (...)
De 1983 à 1995, la politique menée à l'instigation de Jean-Claude Trichet (l'actuel président de la BCE) par la gauche et par la droite nous a donné un avantage de compétitivité sur l'Allemagne de 10%. A l'inverse, entre 1995 et 2007, nous avons décroché ; notre handicap de compétitivité atteint désormais 10%.

Fermer les frontières d'un pays où un quart de l'emploi industriel est assuré par des groupes étrangers, n'est-ce pas un étrange paradoxe?

A. Mo. Les barrières douanières sont déjà utilisées par les Etats-Unis, le Brésil ou le Japon, et beaucoup d'autres encore, et nul n'en est mort. Avec cette arme, il est possible de faire revenir des entreprises qui ont délocalisé. Récemment, le Brésil a annoncé une taxation des produits Apple importés de Chine. Résultat immédiat: Apple a décidé de relocaliser son usine au Brésil.
(...)

A. Mi. En réalité, quand on regarde les activités industrielles, une bonne partie vit sur des marchés locaux, où les coûts de transport sont énormes. Là, les barrières géographiques jouent. Pour les autres, je ne crois absolument pas que l'on puisse avoir une réponse réglementaire: il n'y aura jamais d'accord en Europe sur ce genre de dossier.

(...)

L'Europe fait-elle preuve de naïveté vis-à-vis de la Chine?
A. Mi. Le problème, c'est que face aux Chinois, il n'y a pas d'Union européenne politique, qui devrait leur imposer une réévaluation du yuan. Car les dirigeants européens se pressent en ordre dispersé à Pékin pour vendre des TGV, des usines aéronautiques ou des turbines. (...)

A. Mo. En Chine, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'est que de 40%, contre 60 à 70% dans les pays développés. Depuis l'entrée de ce pays dans l'OMC, la part des salaires y a diminué encore! (...)

A. Mi. Le jour où les Chinois auront un taux d'épargne équivalent au nôtre, en Europe occidentale, environ 15% et pas 40%, le rééquilibrage se produira Mais nous n'avons pas les moyens de le leur imposer.

Le consommateur n'a-t-il pas été en fin de compte le grand gagnant de la mondialisation?
A. Mo. Je conteste cette analyse. Regardez les coûts de production d'Apple: celui d'un iPhone 4 est de 131 euros l'unité, alors que ce produit est vendu 749 euros en France et 417 euros aux Etats-Unis. Les ouvriers de Foxconn, le sous-traitant chinois, qui produisent 137.000 iPhone 4 par j our, sont payés 1,20 euro de l'heure. Il y a des marges colossales. La baisse des prix a exclusivement profité aux actionnaires d'Apple et non aux consommateurs.

A. Mi. Je partage évidemment votre analyse. Pour ce qui est du consommateur, la mondialisation lui a épargné les effets de l'inflation. Et donc lui a apporté un gain de pouvoir d'achat. Mais le fait nouveau à terme sera la hausse des salaires en Chine. Elle favorisera le grand rééquilibrage: moindre pression sur le prix des exportations chinoises, plus grande consommation intérieure de la Chine. Je crois, plus qu'Arnaud Montebourg, au dynamisme de la classe ouvrière chinoise...

Retrouvez l'intégralité de cette conversation entre A. Montebourg et A. Minc sur Challenges.fr


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Re: Minc-Montebourg: deux visions du monde

Message non lu par Nombrilist » 24 sept. 2011, 12:30:12

L'analyse des deux protagonistes est identique. L'un dit qu'il faut faire quelque chose. L'autre dit "advienne que pourra". Je préfère celui qui dit qu'il préfère tenter quelque chose.

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