Quand les PME se partagent leurs directeurs

Venez discuter et débattre de l'actualité économique
Répondre
Avatar du membre
politicien
Site Admin
Messages : 34347
Enregistré le : 30 août 2008, 00:00:00
Compte Twitter : @LActuPolitique

Message non lu par politicien » 21 mai 2011, 13:04:00

Bonjour,
Ce mardi 10 mai, dans la salle de réunion de Voisin Consulting Life Sciences à Boulogne-Billancourt, Philippe Tronc pianote sur son ordinateur personnel. A ses pieds, une petite valise à roulettes accompagne ce dirigeant en permanence. Car, à cinquante-trois ans, cet ancien directeur informatique de Pierre Fabre, bardé de diplômes et doté de décennies d'expérience, n'est en poste dans cette PME de 75 salariés qu'un à deux jours par semaine. Ce soir, un avion l'attend pour qu'il redevienne directeur informatique de Théa, spécialiste du collyre, à Clermont-Ferrand, qui emploie 600 personnes. Entre-temps, il peaufinera l'offre de formation continue de l'école d'ingénieurs Isis, en Ardèche.    S'il a plusieurs employeurs, Philippe Tronc est, sur le papier, salarié d'une seule société, Référence DSI. Créée en 2009, l'entreprise emploie douze directeurs informatiques pour le compte de 39 clients. Car, à l'image de Philippe Tronc, un nombre croissant de cadres supérieurs occupent des postes de direction dans plusieurs sociétés à la fois.    A quelques détails près, comme l'absence de liens hiérarchiques envers le patron de leurs entreprises, les tâches de ces dirigeants sont les mêmes qu'en CDI. Le DRH Francis Viriot, qui travaille à la fois pour un distributeur de pièces automobiles et une mutuelle, en témoigne : « Souvent le soir, les salariés me disent "à demain" alors que je ne suis pas là tous les jours. Sur le terrain, je prépare les accords, je mène les négociations annuelles obligatoires, je reprends en main le plan senior... mais je dois juste me souvenir de lever mon stylo au moment de la signature », raconte-t-il. Il est membre du réseau Finaxim, qui fédère une quarantaine de DRH à temps partagé.   Une demande croissante   Bien que la formule soit ancienne - elle a fait son apparition dans les années 1980, notamment pour les saisonniers et une loi en a défini les contours en 2005 -, le temps partagé semble faire des adeptes. Signe d'une époque. « Les statistiques manquent cruellement, mais, aujourd'hui, un nouvel emploi sur deux serait un emploi atypique, c'est-à-dire sous une forme autre qu'un CDI à temps plein », observe Jean-Paul Bouchet, secrétaire général de la CFDT-cadres.    Mais, désormais, la pratique s'étend aux cadres de haut vol. « DRH, DAF, directeurs commerciaux, des achats, juridiques ou DSI,tous les postes clefs en N-1 s'y prêtent », commente Benoît Frey, lui-même directeur commercial à temps partagé et fondateur, en 2010, de l'entreprise spécialisée DC Pilot. « C'est un accompagnement financier cousu main. Et la demande est croissante », note Jacques-Edouard Nouveau, directeur général de DI Finances, filiale de Grant Thornton, dont l'une des activités florissantes est d'installer, temporairement, des directeurs financiers dans des PME à la demande des actionnaires.    La crise est passée par là, poussant de nombreuses PME à se recentrer sur leur coeur de métier et à perdre des forces vives. Dans le même temps, elles doivent se professionnaliser pour grandir et affronter la concurrence. Pour l'heure, « à peine 20 % des PME françaises ont un DSI. Souvent, les systèmes sont bâtis de bric et de broc. Dès qu'il faut donner un élan à l'entreprise, les compétences font défaut », affirme Thibault Cornudet, cofondateur de Référence DSI. Or, « même en travaillant 14 heures par jour, un patron n'aura jamais toutes les compétences », observe Benoît Frey.    Seniors expérimentés   Aux commandes de la PME d'agroalimentaire Brousse Vergez et président du Medef en Paca, Stéphan Brousse en est convaincu. « Un patron doit comprendre que des spécialistes feront certaines choses mieux que lui. A force de discuter, au Medef, avec des patrons comme Pierre Bellon ou Anne Lauvergeon, je me suis rendu compte qu'une des clefs du succès était d'avoir les mêmes armes que les grands groupes. Et c'est possible. » Depuis un an, il emploie, chaque mercredi, une DRH, pour ses 20 salariés, payée, au forfait, 15.000 euros par an. « Aujourd'hui, je donne des pistes, mais je ne fais rien d'opérationnel. Toutefois je ne pourrais pas m'offrir une DRH, un directeur marketing et un directeur financier à temps plein », poursuit-il.   Sans compter que la capacité des PME à attirer des profils d'experts est restreinte. D'ailleurs, la charge de travail ne s'y prête pas forcément. « Un directeur informatique à plein temps se tournerait les pouces », estime Emmanuelle Voisin, présidente et fondatrice de Voisin Consulting Life Sciences.   Parallèlement, la France reste la lanterne rouge de l'Europe en matière d'emploi de salariés âgés et la loi sur les retraites pousse les cadres à travailler plus longtemps. Conséquence : des bataillons de seniors à l'expertise aiguisée se trouvent sur le marché. « Le temps partagé est au carrefour de deux préoccupations : les experts y voient l'opportunité d'effectuer leur seconde partie de carrière et les PME, plus que jamais en quête de flexibilité, y trouvent des réponses », relate Emmanuel de Prémont, fondateur de Finaxim.   Cerise sur le gâteau, affirme Emmanuelle Voisin, la méthode permet de sélectionner les meilleurs : « C'est de la valeur ajoutée partagée car vous allez chercher l'excellence là où elle est. » Car les profils sont souvent surdimensionnés, autonomes, organisés, à même de passer, sans cesse, d'une problématique à une autre.    Maquis juridique   La formule serait donc gagnante pour tout le monde. Pourtant, des freins demeurent. A commencer par un maquis juridique, où s'entremêlent plusieurs formes d'emplois variées telles que le management de transition, le portage salarial, le multisalariat... et où concourent des acteurs variés, allant des travailleurs indépendants aux groupements d'employeurs. « Sur le terrain, cela s'accélère. Mais il existe des vides juridiques. Il est, par exemple, extrêmement complexe, en France, d'avoir un statut de salarié auprès de plusieurs employeurs », assure Jean de Sevin, président du Syndicat national du management de transition et du travail à temps partagé.    Les obstacles sont aussi culturels, notamment du côté du patron qui, souvent, peine à faire confiance. « Nous avons un énorme travail pédagogique à effectuer », estime Philippe Tronc. Idem pour certains cadres qui s'élancent dans l'aventure faute de trouver refuge dans un grand groupe . « Le temps partagé offre une grande liberté pour l'entreprise comme pour le salarié, témoigne Isabelle Sturzenegger, membre de l'observatoire du temps partagé de l'Association nationale des DRH. Toutefois, c'est souvent à la suite d'accidents de parcours que les gens cherchent d'autres formes d'emploi. Car, dès les bancs de l'école, on nous inculque le schéma d'une réussite en CDI dans un grand groupe. Il faut que cela change. » Reste que la liberté du poste est aussi liée à une incertitude. « Lorsqu'on vient d'une structure fixe, on a souvent des attentes élevées. Là, la rémunération ne dépend que de soi », raconte Francis Viriot.   Les syndicats craignent des dérives. « Quel est l'accompagnement dont ces cadres bénéficient, dans la mesure où ils sont privés d'un encadrement collectif ? Cela repose la question de la protection sociale. Quid de leur formation, de leurs congés, de leur progression salariale ou de leur évolution de carrière ? » interroge Jean-Paul Bouchet. Autant de paramètres qui restent à définir. Mais cette tendance marque un pas de plus vers le recul du salariat. 

Les Echos.fr
 
Qu'en pensez vous ?

A plus tard,
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » Le débat ne s'arrête jamais sur Actu-Politique

Avatar du membre
Ilikeyourstyle
Messages : 4387
Enregistré le : 06 déc. 2010, 00:00:00
Localisation : La Perle
Contact :

Message non lu par Ilikeyourstyle » 22 mai 2011, 11:01:00

J'en pense que ce sont des formules tout à fait ordinaires dans le monde anglosaxon, et que çà va le devenir en France. Typiquemùent pour des cadres de 50 ans et plus, de haute technicité qui ont été viré d'une grosse boite.

Avatar du membre
avatabanana
Messages : 1038
Enregistré le : 06 oct. 2009, 00:00:00

Message non lu par avatabanana » 22 mai 2011, 12:59:00

C'est assez géniale comme approche, cela contribue à renforcer les PME à moindre coût


Il reste à vendre l'idée, ce sera difficile chez nous . Ici le modèle d'employeur unique est le seul.

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Message non lu par Nombrilist » 22 mai 2011, 13:31:00

Ce ne sont pas des employeurs.

Avatar du membre
mps
Messages : 20146
Enregistré le : 01 mars 2009, 00:00:00
Localisation : Belgique

Message non lu par mps » 22 mai 2011, 17:29:00

Le procédé est tout à fait courant,et s'inscrit dans le cadre des louages d'entreprise.
Il peut être ponctuel ou récurrent, et le poste occupé par un indépendant, ou même un salarié d'une gosse boite d'audit, par exemple.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

Répondre

Retourner vers « Economie »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré