Débattre de la nuance entre fraude, évasion et optimisation fiscale relève à discuter du sexe des anges. L'optimisation fiscale, ça reste de l'évasion fiscale légalisée mais qui n'en reste pas moins injuste. Ce qui est aujourd'hui qualifié de fraude peut être qualifié de simple optimisation demain, et inversement, au bon vouloir du législateur.
Évoquons d'abord la taxation des bénéfices. S'agissant de multinationales ayant un siège dans un pays, des filiales domiciliées dans de nombreux pays, des fournisseurs un peu partout dans le monde, et qui vendent également un peu partout dans le monde, sachant également que le mode de calcul des bénéfices et du chiffre d'affaires diffèrent d'un pays à l'autre, je ne vois pas trop comment on peut calculer la fraction du bénéfice qu'elles réalisent dans chaque pays, notamment en France.
J'ai déjà répondu sur ce point. Une firme ne peut pas tricher sur son chiffre d'affaires (à moins ne pas déclarer ses ventes mais dans ce cas, elle est dans l'illégalité) mais elle peut tricher sur son bénéfice (en détournant sans enfreindre la loi). De plus, elle peut s'affranchir de la législation française en choisissant un pays à fiscalité avantageuse pour domicilier ses bénéfices. Une firme qui a réalisé pour 1 milliard de ventes, dont 10 % en France, ne peut pas prétexter que l'ensemble de ses acheteurs viennent des Bermudes. C'est juste une autre philosophie, qui correspond bien mieux à l'époque actuelle : on ne regarde plus où l'entreprise est domiciliée (ce qui n'a pas de sens dans un monde sans frontières économiques), mais à qui elle vend ses produits.
Comme cela a été dit plus haut, la taxation à raison du chiffre d'affaires que ces firmes réalisent en France est peut-être un peu plus facile techniquement à appliquer. Mais elle se heurte à d'autres difficultés. Tracer la comptabilité d'une firme comme Amazon est évidemment beaucoup plus complexe que trouver les revenus éventuels d'un bénéficiaire du RSA qui n'a jamais quitté la France... Déjà, il faut que ces firmes acceptent de communiquer au fisc français les informations nécessaires au calcul du chiffre d'affaires qu'elles réalisent en France. Il faut aussi que les agents du fisc français aient les moyens techniques, les informations suffisantes, pour vérifier les informations ainsi communiquées.
C'est pour ça que j'ai parlé de la TVA. Une entreprise qui refuse de communiquer son chiffre d'affaires sera toujours retracée par la TVA qu'elle a collectée. Si on connaît le taux de TVA - 20 % par exemple - ainsi que le montant de la TVA collectée - 500 000 € par exemple - on sait que l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires en France de 5*500 000 € = 2 500 000 €.
Ce qui est certain, c'est qu'on ne pourra pas lutter contre l'évasion fiscale même en divisant de moitié nos taux : on ne sera jamais aussi compétitifs que des bancs de sable qui prennent le nom d'Etat, peuplés d'un pelé et de deux tondus, qui n'ont pas d'autre source de revenus que l'optimisation fiscale. Il faut s'ancrer ça dans la tête, c'est un sujet sur lequel on ne pourra pas faire l'impasse.