Et de relancer le débat sur l'usage des recettes nouvelles.
Car une des raisons de la crise c'est aussi le sentiment que la taxe n'allait pas vraiment servir à l'écologie.
Qu'elle participait simplement du report de la fiscalité des entreprises vers les ménages.
Et que les exonérations de certains secteurs (transports aérien, maritime, certaines industries) étaient injustifiées
sur un plan politique ou moral. Malgré les arguments économiques avancés.
La taxe carbone sert-elle à compenser la baisse des cotisations patronales, comme l'affirme l'organisation WikiLeaks ?
27 déc. 2018, 14:53:00
Cette information, d'abord relayée dans un tweet par Juan Branco, avocat de WikiLeaks, est présentée comme une "exclu". Le document sur lequel s'appuie l'auteur de ce message provient des "Macron Leaks", des données piratées pendant la campagne présidentielle depuis les boîtes e-mail du mouvement En marche ! Mais que disent les échanges dévoilés par WikiLeaks ? Franceinfo vous explique à y voir plus clair.Dès le début, la taxe carbone a été conçue pour compenser l'allégement des cotisations patronales. L'entourloupe que les gilets jaunes ont intuitivement deviné était accessible à tous sur les #Macronleaks. https://t.co/Cp5XHYWHF3 pic.twitter.com/qfy14EAxwM
— WikiLeaks (@wikileaks) 25 décembre 2018
Des documents révélés avant l'élection
Parmi les milliers de documents obtenus, une chaîne de courriels a été exhumée cette semaine par Juan Branco. Ces échanges datent de novembre 2016. Ils ont lieu entre Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l'Elysée, et Laurent Martel, aujourd'hui "conseiller fiscalité et prélèvements obligatoires" d'Emmanuel Macron, comme l'indique son compte Linkedin. D'après Libération, qui confirme que ces e-mails figurent bien dans les "Macron Leaks", leur signature électronique laisse penser qu'ils sont bien authentiques.
Un échange apparemment compromettant
Cette conversation privée, dont on peut trouver le détail ici, traite de la fiscalité écologique et de la manière dont la "hausse de la fiscalité diesel" pourrait permettre de financer "une baisse de cotisations patronales", comme l'indique ce passage rédigé par Alexis Kohler : "Le financement d'une baisse de cotisations patronales par une hausse de la fiscalité diesel est potentiellement progressive sous la réserve forte de faire fi des règles d'incidence (et qu'en gros on considère que la baisse des cotisations patronales bénéficiera à l'emploi ou aux salaires)".
D'autres passages retiennent l'attention. Laurent Martel semble notamment redouter l'impopularité de cette hausse des taxes sur le carburant et imagine comment elle pourrait être justifiée : "On pourra toujours raconter une histoire : alignement sur la moyenne européenne de l'écart essence/diesel, division par deux de l'écart, convergence complète mais très progressive..."
Le conseiller en fiscalité d'Emmanuel Macron se demande également comment sera utilisée cette recette : "La question est ouverte de savoir si l'on affectera intégralement le rendement de la fiscalité écologique au financement des exonérations sociales ou s'il faut en réserver une partie (...) à une compensation 'ménages'."
Une taxe créée pour financer le CICE
Cette information n'est "absolument pas" nouvelle, tranche Mireille Chiroleu Assouline, professeure d'économie à l'université Panthéon-Sorbonne. Interrogée par franceinfo, cette spécialiste de la transition énergétique rappelle que "dès 2014, on savait que la taxe servirait à financer l'allègement des charges sur les entreprises".
La taxe carbone a en effet été préparée en 2013 par le comité pour la fiscalité écologique et promulgué dans le cadre de la loi de finances 2014. Sa mise en place s'est accompagnée d'une lettre de mission. Parmi les demandes de Pierre Moscovici et Delphine Batho, alors ministres de l'Economie et de l'Environnement, figurait "la nécessité de trouver 3 milliards d'euros pour financer le CICE", analyse Mireille Chiroleu Assouline.
La taxe carbone a donc été créée dans le but de compenser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, la fameuse ristourne fiscale pour les entreprises mise en place par François Hollande. Cette lettre de mission avait d'ailleurs été rendue publique.
Dans un récent rapport sur la taxe carbone cité par Libération, la plupart des membres du comité pour une fiscalité écologique dénonçaient d'ailleurs cette décision de financer le CICE par la fiscalité verte. Son président, Christian de Perthuis, "aurait préféré en faire un outil de politique environnementale".
Delphine Batho, à l'origine de la lettre de mission, a elle aussi regretté ce choix dans Les Echos : "Le vrai reproche qui peut être fait au gouvernement actuel n'est pas de prélever la taxe carbone, c'est de ne pas l'utiliser au bénéfice exclusif de l'investissement écologique et de la réduction des inégalités environnementales."
Difficile dès lors de parler d'une "révélation" contenue dans les "Macron Leaks". Il y a quelques semaines encore dans Libération, le député LREM Matthieu Orphelin a déclaré : "Il est illusoire et démagogique de dire que 100% de la fiscalité environnementale doit aller à la transition."
Des recettes qui bénéficient assez peu à l'écologie
Les recettes fiscales générées par la taxe carbone ont largement dépassé les 3 milliards initialement visés lors de sa création, puisqu'elles devraient atteindre les 9 milliards d'euros en 2018, d'après Le Monde. Cette somme est inclue dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui devait rapporter au total 37,7 milliards en 2019, selon les estimations d'un rapport de l'Assemblée nationale.
Sur cette rentrée d'argent, seulement 7,2 milliards seront attribués à la transition écologique via un compte spécial, qui finance les énergies renouvelables électriques, le bio méthane et la dette que l'Etat a contractée auprès d'EDF. Quelque 17 milliards sont consacrés au budget général de l'Etat, 11,7 milliards reviennent aux départements et aux régions et 1,2 milliard est reversée à l'Agence de financement des infrastructures des transports de France.
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