Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

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Jeff Van Planet
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Jeff Van Planet » 21 juil. 2018, 17:04:28

comme je suis intérimaire, si je m'arrête un mois je suis pris en charge par pôle emplois dès le premier jour sans prendre en compte les 10% que j'ai touché chaque mois.
Le grand problème de notre système démocratique c'est qu'il permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques.
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wesker
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par wesker » 21 juil. 2018, 20:47:14

Narbonne,

tu as raison, lorsqu'on est intérimaire, on perçoit l'indemnité de congés payés, dans le salaire mensuel, mais lors de l'inscription au chômage il y a un différé eu égard au niveau des congés payés acquis et versés. Cela dépend, naturellement de la durée du contrat mais aussi du versement ou non d'une prime supra légale qui peut être versés dans certains cas.

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Narbonne
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Narbonne » 21 juil. 2018, 21:31:16

Les 10% c'est la prime de précarité pas les congés payés
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

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El Fredo
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par El Fredo » 21 juil. 2018, 22:11:23

Histoire de vous changer un peu de l'Affaire Benalla, une bonne nouvelle sur le terrain de l'emploi :
Embauches: de plus en plus de CDI, de moins en moins de CDD

D'avril à juin, les recrutements en CDI ont augmenté de près de 1% en France. À l'inverse, les CDD de plus d'un mois ont reculé de 0,6%.

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Les embauches sont restées quasi-stables à un niveau élevé au deuxième trimestre en France, une nouvelle hausse des CDI compensant une baisse des CDD de plus d'un mois, selon des chiffres provisoires de l'Acoss publiés ce vendredi.


D'avril à juin, l'organisme collecteur des cotisations de Sécurité sociale a enregistré 2,07 millions de déclarations d'embauches pour des contrats de plus d'un mois, hors intérim, soit 0,1% de plus qu'au trimestre précédent. L'indicateur reste très proche de son record de 2,08 millions atteint au 4e trimestre 2017. Les embauches sont en hausse quasi continue depuis mi-2014.


Au 2e trimestre, les embauches en CDI ont, une nouvelle fois, été les plus dynamiques (+0,8%). Elles augmentent pour le 14e trimestre consécutif et atteignent le million pour la première fois depuis la création de la série statistique en 2000. Depuis fin 2014, ces embauches ont bondi de 37%, tandis que celles en CDD augmentaient de 9%. Les CDI représentent désormais 48,4% des embauches de plus d'un mois, hors intérim, un niveau inédit depuis début 2006. Cette part était de 42,8% fin 2014.

Les embauches en CDD en baisse


Parallèlement à la hausse des embauches en CDI, celles en CDD de plus d'un mois ont baissé (-0,6%), pour s'établir à 1,07 million au 2e trimestre. Sur un an (2e trimestre 2018 comparé au 2e trimestre 2017), les embauches de plus d'un mois sont en nette hausse (+3,6%), tirées par les CDI (+9,1%), tandis que les CDD de plus d'un mois sont en baisse (-1,1%). Tous les secteurs d'activité profitent de la hausse: +4,9% dans l'industrie, +3,5% dans la construction et +3,6% dans les services.


Toujours sur un an, les embauches "progressent dans la majorité des régions, à l'exception de la Bourgogne-Franche-Comté qui enregistre un repli", selon l'Acoss.


Quant aux CDD de moins d'un mois, qui représentent près de sept embauches sur 10, ils baissent de 1,7% sur le trimestre, mais restent en hausse de 0,3% sur un an. S'ils ne représentent que 12% des embauches du BTP et 24% de l'industrie, ces contrats représentent 71% des embauches du tertiaire. Toutes durées confondues, l'Acoss a enregistré, au 2e trimestre, 6,43 millions d'embauches (-1,1% sur le trimestre, +1,4% sur un an).



Article complet sur https://bfmbusiness.bfmtv.com/emploi/em ... 92595.html
Profitons-en tant que ça dure, Trump a l'air bien parti pour provoquer une nouvelle récession mondiale avec ses guerres commerciales débiles.
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wesker
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par wesker » 22 juil. 2018, 00:31:55

Oui, bon en attendant, le taux de chômage aux Etats Unis est largement inférieur au nôtre, et leur niveau d'activité y est relativement soutenue, peut être que le protectionnisme et les négociations commerciales fonctionnent, finalement.

Par ailleurs, on peut, naturellement s'interroger sur la persistance de notre chômage endémique, se réjouir de quelques reprises, çà et là, mais la réalité est qu'en dépit des mesures structurelles, les employeurs ne recrutent pas, malgré leurs marges et des perspectives qui restent relativement solides. Peut être est il temps d'accompagner les mesures sur la compétitivité économique, de mesures visant à assurer aux boites des perspectives, sur le territoire.

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Papibilou » 22 juil. 2018, 10:08:18

wesker a écrit :
22 juil. 2018, 00:31:55
Oui, bon en attendant, le taux de chômage aux Etats Unis est largement inférieur au nôtre, et leur niveau d'activité y est relativement soutenue, peut être que le protectionnisme et les négociations commerciales fonctionnent, finalement.

Par ailleurs, on peut, naturellement s'interroger sur la persistance de notre chômage endémique, se réjouir de quelques reprises, çà et là, mais la réalité est qu'en dépit des mesures structurelles, les employeurs ne recrutent pas, malgré leurs marges et des perspectives qui restent relativement solides. Peut être est il temps d'accompagner les mesures sur la compétitivité économique, de mesures visant à assurer aux boites des perspectives, sur le territoire.
Je suis plutôt d'accord avec vous, mais que voulez vous dire avec votre dernière phrase: est ce que l'état doit assurer des perspectives aux boîtes, et qu'est ce que vous mettez dedans ?

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par wesker » 22 juil. 2018, 19:25:45

Non, l'Etat n'assure pas de perspectives aux boîtes, mais force est de constater qu'au moindre appel à marchés public, elles s'y précipitent parce que, trop souvent le marché privé, insuffisamment payé par les employeurs n'est pas assez solvables pour leur assurer cette perennité.

C'est, à mon sens, pour cette raison que la question des salaires des dirigeants et des salariés doit se poser si nous voulons réellement substituer la commande publique par de la demande privée.

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Papibilou » 25 juil. 2018, 10:18:55

wesker a écrit :
22 juil. 2018, 19:25:45
Non, l'Etat n'assure pas de perspectives aux boîtes, mais force est de constater qu'au moindre appel à marchés public, elles s'y précipitent parce que, trop souvent le marché privé, insuffisamment payé par les employeurs n'est pas assez solvables pour leur assurer cette perennité.

C'est, à mon sens, pour cette raison que la question des salaires des dirigeants et des salariés doit se poser si nous voulons réellement substituer la commande publique par de la demande privée.
Je ne vois pas pourquoi on substituerait de la demande privé par de la publique ou l'inverse. Les 2 coexistent, point. Donc, toujours pas compris.

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par wesker » 25 juil. 2018, 13:36:59

Je ne parle pas de substituer Papibilou

Je dis, simplement que souvent les mêmes qui réclament la baisse de la dépense publique oublie que, cette dernière leur assure, aussi des perspectives c'est pour cette raison qu'ils se précipitent pour répondre aux appels d'offre des commandes publiques.

Et que, si la commande publique baissait drastiquement, le niveau des salaires privés ne leur garantirait pas des perspectives aussi solides, voilà pourquoi, aussi notre situation et notre structure économique est si complexe, différente de celle de l'Allemagne.

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Papibilou » 25 juil. 2018, 15:05:26

wesker a écrit :
25 juil. 2018, 13:36:59
Je ne parle pas de substituer Papibilou

Je dis, simplement que souvent les mêmes qui réclament la baisse de la dépense publique oublie que, cette dernière leur assure, aussi des perspectives c'est pour cette raison qu'ils se précipitent pour répondre aux appels d'offre des commandes publiques.

Et que, si la commande publique baissait drastiquement, le niveau des salaires privés ne leur garantirait pas des perspectives aussi solides, voilà pourquoi, aussi notre situation et notre structure économique est si complexe, différente de celle de l'Allemagne.
Il y a une raison évidente: les structures publiques en France sont parfois privées en Allemagne, ce qui n'empêche pas les travaux d'être confiés à des entreprises. Par exemple un logement social peut être financé par une commune avec aide de l'état en France, mais, je crois qu'en Allemagne le logement social est d'ordre strictement privé. Ou pour le rail allemand privatisé en 1994 le financement n'est plus assuré part l'état mais par les entreprises en concurrence sur le secteur. Mais ils investissent quand même puisque les infrastructures sont moitié moins obsolètes qu'en France.

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Jeff Van Planet
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Jeff Van Planet » 25 juil. 2018, 19:24:27

Quoi qu'il en soit, en france on a un chômage plus haut que nos voisins en temps de reprise alors qu'on a un chômage plus bas que nos voisins en temps de crise. Il ne faut pas chercher d'explications économiques à ça, c'est simplement un choix politique.
Le grand problème de notre système démocratique c'est qu'il permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques.
J.Saramago

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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par pierre30 » 10 févr. 2019, 13:28:54

Très intéressante réflexion de Jean Tirole sur le chômage, la robotisation et la mondialisation.
Les vérités du prix Nobel Jean Tirole sur le chômage de masse

En un an, alors que la France n’est pas restée immobile - 1,5 % de croissance -, le nombre de chômeurs inscrits a diminué d’à peine 50.000 ! Globalement, près d

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En un an, alors que la France n'est pas restée immobile - 1,5 % de croissance -, le nombre de chômeurs inscrits a diminué d'à peine 50.000 ! Globalement, près de 3,7 millions de personnes sont encore sans emploi. Cette persistance d'un chômage de masse, sur lequel les réformes du marché du travail menées par Emmanuel Macron depuis son arrivée à l'Elysée n'ont pas encore produit d'effet, se trouve au coeur des réflexions de Jean Tirole. Le Prix Nobel d'économie dissèque les spécificités d'un marché du travail français bloqué et rongé par les choix des " institutions françaises ". Bref, un antimodèle que ces " institutions " feraient bien d'examiner, alors que les négociations sur le futur de l'Unédic sont en stand-by après le retrait du patronat.

Challenges. Le taux de chômage en France reste dramatiquement élevé, à 9 %, à peine 1 point de moins en cinq ans. Est-ce qu’il y a un problème spécifiquement français du marché du travail ?


Jean Tirole. Pour moi, ce sont les institutions françaises qui créent du chômage. Ces institutions, qui ont été reprises dans l’Europe du Sud, en général, ont engendré partout un chômage important. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Inversement, on voit bien qu’en Europe du Nord le taux de chômage est de moins de 5 %, ainsi que dans les pays anglo-saxons.


Depuis trente ou quarante ans en France, le chômage n’est jamais tombé au-dessous de 7 %, même dans les bonnes périodes de conjoncture internationale, quand par exemple l’euro a baissé ou quand le prix du pétrole a chuté. Personne ne va nier le fait que le carnet de commandes a de l’importance, mais les spécificités des institutions françaises ont un impact important sur le chômage.

La préférence française pour le chômage, comment se manifeste-t-elle ?


Cette préférence consiste finalement à protéger les personnes en CDI par rapport à celles qui sont en CDD et au chômage. C’est-à-dire que nos institutions favorisent les gens qui sont en emploi stable et qui ont une plus grande stabilité géographique. On en connaît les victimes : les jeunes de 15 à 24 ans et les personnes de plus de 50 ans, qui font face à un très faible taux d’emploi d’activité en France par rapport à l’étranger. Ce sont les victimes visibles.

Que signifiez-vous avec votre phrase « Nos institutions encouragent le chômage » ?


En réalité, les institutions encouragent un certain type de travail, qui est le travail précaire. Pourquoi ? Les entreprises préfèrent souvent utiliser les contrats en intérim ou les CDD, parce que cela leur donne de la flexibilité dans la gestion de leur personnel. Aujourd’hui, presque 90 % des créations d’emplois se font en CDD. Et, demain, ce phénomène pourra être encore davantage dû aux mutations technologiques rapides liées à l’intelligence artificielle. De nombreux emplois pourront être détruits dans deux, cinq ou dix ans. Sachant cela, les entreprises seront plus réticentes à engager des gens avec le CDI actuel : il n’y aura plus que des CDD.

Est-ce si grave ?


Oui, car les CDD sont de mauvais emplois. Parce qu’ils ne génèrent pas assez de formation, créent de l’instabilité pour le salarié (avec, de manière concomitante, un accès limité au logement, en location ou en achat) et l’entreprise, et parce qu’ils provoquent du chômage. De plus en plus, nos emplois sont « permittents » : quinze jours de travail, quinze jours de chômage. Cela coûte très cher à la société. Ce n’est pas bon pour le salarié, mais ce n’est pas une bonne chose pour l’entreprise non plus, parce qu’elle se sépare souvent de gens qui donnent satisfaction. Par prudence, elle préfère les emplois précaires pour se donner une flexibilité que le CDI n’offre pas assez. Or il ne faut pas oublier qu’une grande partie des allocations de chômage vient justement des fins de CDD, des missions d’intérim, etc.

Parmi les « institutions » que vous évoquez, il y a le système d’indemnisation du chômage. Comment le réformer ?


On voit très bien que l’assurance-chômage a une dette de 35 milliards d’euros. Comme la dette publique, elle sera à payer par les prochaines générations si l’on ne redresse pas la barre. Les partenaires sociaux ont tendance à se défausser sur la collectivité. L’éléphant dans le magasin de porcelaine, c’est quand même l’Etat.

Indemniser des personnes sans emploi jusqu’à deux ans, est-ce la meilleure manière d’inciter à la reprise du travail ?


Pour moi, c’est un contrat social : soit on a une décroissance de l’allocation de chômage dans la durée, pour inciter les gens à reprendre un emploi, soit - ce qui est préférable - on se montre généreux dans l’indemnisation, mais en revanche on a une exigence très forte pour que les bénéficiaires reprennent un emploi. Cela dit, c’est toujours compliqué, surtout avec une structure sociale française où l’on aime bien être proche de sa famille, où le marché de l’immobilier est coûteux et peu flexible (logement social, refus de la densification dans les grandes villes, coûts élevés en frais et taxes de la mobilité pour les propriétaires). Tout est imbriqué.

Et en matière d’incitation à recruter de la part des entreprises, les réformes du marché du travail vont-elles donner des résultats ?


Tout d’abord, une réforme met souvent du temps pour produire des effets, ne serait-ce que parce que les agents économiques veulent s’assurer de sa pérennité. Ensuite, il faut comprendre que les réformes de l’exécutif actuel sont encore incomplètes. Enfin, il ne faut pas juger les réformes du seul point de vue du taux de chômage. Même s’il est important, il faut prendre en compte beaucoup d’autres indicateurs : le bien-être au travail, la flexibilité, la compétitivité, le coût pour l’Etat (un des défis de l’exécutif est de faire en sorte que la dette de 35 milliards n’augmente pas)

De façon générale, quand vous dites que la réforme a été incomplète, qu’y manque-t-il ?


Evidemment, j’en reviens à mon dada, le bonus-malus, c’est-à-dire la responsabilisation des entreprises, et des salariés d’ailleurs, en faveur du bien commun. Le bien commun consiste ici à faire en sorte que les gens ne rentrent pas dans une période de chômage, ou n’y passent pas trop de temps, et que cela ne coûte pas trop cher à la collectivité. La collectivité, ce sont les autres entreprises qui paient des cotisations sociales élevées, et qui, de ce fait, créent moins d’emplois, ou des emplois moins attractifs. Et c’est également l’Etat qui prendra finalement la charge, à un moment ou à un autre, de la dette de l’Unédic. Il faut inciter les entreprises à avoir le bon comportement vis-à-vis du marché du travail, tout comme il faut les inciter à émettre moins de carbone. Le problème aujourd’hui est le suivant : quand les entreprises licencient un salarié ou utilisent un CDD, elles ne paient rien ou presque à l’assurance-chômage.

C’est aussi vrai en cas de recours aux ruptures conventionnelles…


La rupture conventionnelle, de manière fondamentale, consiste en une connivence entre le salarié et l’employeur pour que le salarié puisse toucher les allocations de chômage, et, de facto, une forme de préretraite dans le cas où le salarié est âgé. L’employeur l’accepte, puisque c’est la collectivité qui paiera. Il y a d’autres exemples de cette connivence contre la collectivité et le bien commun, comme « la permittence », dont nous avons déjà parlé.

Le bonus-malus, c’est l’outil du bien commun ?


Oui, il est important de faire en sorte que les licencieurs soient les payeurs. De même que les pollueurs doivent être les payeurs, les licencieurs doivent assumer le coût qu’ils imposent à la société. Dès lors, ils feront beaucoup plus attention avant de créer des CDD, des missions d’intérim, ou d’accepter des ruptures conventionnelles. Ils utiliseront ces dispositifs quand cela sera justifié, et non pas simplement par convenance.

Dans la montée du populisme ambiant, la mondialisation est vécue comme une source de chômage. Est-ce effectivement prouvé ?


Des études montrent que, dans certaines régions d’Allemagne ou des Etats-Unis, le Midwest par exemple, des emplois ont été détruits par les importations chinoises. Ces emplois ont été recréés parfois dans d’autres secteurs, et souvent ailleurs, entre autres en Californie. Mais, à côté de la mondialisation, j’ajouterais aussi dans ces causes le progrès technologique.

Ce n’est pourtant pas un phénomène nouveau…


Cela fait effectivement déjà deux siècles que l’on observe que le progrès technologique prend les emplois. Mais s’il est vrai qu’il en détruit, il en crée aussi beaucoup. Heureusement, sinon nous serions tous au chômage depuis longtemps. D’ailleurs, Keynes s’était trompé vers 1930. Il avait annoncé que vers 1965 il ne resterait que très peu d’emplois. En fait, il avait complètement tort. Il ne faut pas être trop inquiet de la mondialisation ou du progrès technologique. La richesse globale augmente. En revanche, il existe un problème de transition mais aussi de perdants à l’intérieur de ce phénomène.

L’intelligence artificielle, notamment, ne risque-t-elle pas d’accélérer les destructions d’emplois ?


Oui, la destruction des emplois, qualifiés ou non, va être très rapide, plus qu’auparavant. C’est la seule différence que l’on peut noter avec ce qui s’est passé dans les deux cents dernières années. Ces nouvelles technologies, parmi lesquelles on compte l’intelligence artificielle, permettent effectivement de se passer d’un certain nombre d’emplois qualifiés ou pas. Par exemple, un médecin généraliste aura des problèmes dans un avenir proche, puisqu’un logiciel bien conçu pourra effectuer une grande partie du travail.


Regardez ce qui se passe en Chine : Ant Financial, la filiale bancaire d’Alibaba, permet à des millions de PME chinoises d’emprunter jusqu’à 4 000 dollars, et donne la réponse à leur demande de prêts en une seconde. Il n’y a pas un seul humain qui soit impliqué dans ce processus. C’est simplement un logiciel, fonctionnant avec des bases de données très importantes, qui prend la décision. Pas trop mal, d’ailleurs, puisque le taux de défaillance est d’environ 1 %, un chiffre plus faible que pour les prêts réalisés par d’autres établissements chinois.


Ce système permet donc beaucoup d’efficacité économique, mais malheureusement pas de créer des emplois dans les banques. Les emplois créés, eux, sont ailleurs : ces millions de PME qui, grâce aux financements obtenus, ont pu générer de nouvelles activités.

Pensez-vous que les robots travaillent pour ou contre le bien commun ?


C’est une très bonne question. Ces deux derniers siècles, le progrès technologique a enrichi nos sociétés et tiré les gens de la pauvreté. Je suis très optimiste, mais il ne faut pas se voiler la face. Les robots vont faire disparaître de nombreux emplois classiques. Mais il y aura d’autres opportunités, d’autres postes qui vont se créer, et donc de la richesse collective.


Dans le monde bancaire, par exemple, beaucoup d’emplois ont disparu du fait des technologies de l’information. D’autres sont apparus, mais ce ne sont pas les mêmes. Avec les robots, j’anticipe la même chose. A la fois pour les postes qualifiés et non qualifiés. Il faut voir ceci comme une opportunité. On peut certes se fermer aux robots, mais, dans ce cas-là, il va falloir fermer nos frontières, car les autres pays vont les utiliser et devenir plus efficaces que nous. Il faudrait alors accepter que notre niveau de vie diminue, parce qu’on ne profitera pas de cet apport technologique. Ce n’est pas la solution que je préfère, il faut donc que les gens puissent passer d’emplois détruits à des emplois créés.

Est-ce une illustration que le marché du travail n’est pas un gâteau ?


Effectivement, ce marché n’est pas un gâteau, avec une quantité fixe de travail qu’il faudrait se partager entre nous. Si l’on voulait résoudre le chômage sur la base de cette théorie, il suffirait de travailler dix-huit heures par semaine. Nous fermerions alors peut-être nos frontières, pour ne plus importer de biens étrangers, mais ce serait compliqué à mettre en oeuvre, car on ne pourrait plus exporter non plus. Il suffirait aussi d’interdire aux immigrés de venir, ou l’on pourrait revenir au service militaire obligatoire. Pour pousser le raisonnement à l’absurde, on pourrait également demander aux femmes de quitter le marché du travail. On voit très bien que c’est absurde : la quantité de travail n’est pas limitée.

Les 35 heures étaient donc une mauvaise solution si l’on vous suit ?


Selon moi, il s’agit d’une mauvaise solution, mais cela ne veut pas dire que les économistes doivent décider de la durée du temps de travail. Ce n’est pas parce qu’on va forcer les gens à travailler 35 heures au maximum qu’on va pouvoir garder le même pouvoir d’achat. C’est toujours la même logique, la logique anti-immigrés et anti-importations portée par exemple par Donald Trump. C’est une logique très malthusienne, qui va à l’encontre de la création de richesses. Le temps de travail est un choix de société, mais aussi un choix individuel. La société, à l’avenir, pourrait très bien décider de travailler dix-huit heures par semaine en moyenne, cela ne me choquerait absolument pas.

Cela ne signifierait-il pas qu’on serait alors payé moitié moins…


Oui, mais c’est tout à fait faisable à partir du moment où l’on dispose du progrès technologique. On aura plus de pouvoir d’achat, on pourra consacrer plus de temps à sa famille, aux loisirs… Je ne pense pas qu’il puisse y avoir une durée de travail unique. Des gens qui ont la chance d’avoir un métier qui leur plaît peuvent travailler soixante, soixante-dix, quatre-vingts heures par semaine. D’autres, et c’est tout aussi légitime, veulent pouvoir travailler vingt heures par semaine parce qu’ils veulent passer plus de temps avec leurs enfants. Une durée de travail unique me semble absurde, car les goûts et des métiers de chacun sont assez différents.

La sauvegarde du bien commun commande-t-elle d’augmenter constamment le niveau de vie ?


Je renvoie la question. Derrière le voile de l’ignorance, voulons-nous toujours croître ? L’économiste n’a pas de religion là-dessus. L’économie est au service du bien commun. Mais, sur cette question très particulière, prenons le cas de l’environnement. L’économiste ne dira jamais qu’il faut croître au détriment de l’environnement. On a un choix à faire si l’on veut protéger la planète. Il est tout à fait légitime (et désirable de mon point de vue) d’avoir un taux de croissance et une richesse un peu plus faibles pour protéger la planète. Le taux de croissance n’est pas une religion. En revanche, l’on observe que chaque pays en récession, ou dont le niveau de vie ne croît pas, ou même décroît, pose des problèmes sociétaux et crée du populisme. Cela suggère que nos concitoyens veulent plus de croissance, de pouvoir d’achat. Encore une fois, il ne faut pas toujours respecter ce choix qui conduit à dire : « Pourquoi avoir une taxe carbone pour protéger la planète, ce n’est pas mon affaire ? » Il faut bien définir le bien commun. Le PNB (produit national brut) ne doit pas être une religion, mais un instrument.


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Jean Tirole
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Yakiv
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Yakiv » 10 févr. 2019, 14:57:16

Cette vieille idée selon laquelle il faudrait précariser le CDI pour avoir plus d'emplois. La société y gagnerait-elle ? J'en doute.
D'ailleurs, sur quel levier de protection du CDI jouer exactement ? Vu le dédain que l'auteur porte vis-à-vis de ceux qui "aiment bien être proche de sa famille", je vois pointer les clauses de mobilité pour tout le monde dans les contrats et l'obligation pour les chômeurs d'accepter un emploi, où qu'il se trouve. Si c'est ça, je serais de ceux qui se battront catégoriquement contre, considérant que la famille et les relations avec nos proches doivent faire partie des valeurs à ne pas pénaliser jusqu'à tomber dans l'inhumanité la plus totale.

Concernant le bonus-malus, j'ai déjà l'impression que c'est ce qu'on fait lorsqu'on surtaxe l'intérim et les CDD... Pas assez ?

Je constate aussi que Tirole passe le sujet de la mondialisation en 4ème vitesse.

Sur la durée du temps de travail, je suis 100% en désaccord, car je suis convaincu que la suppression de la durée légale du temps de travail participera à cette déshumanisation totale de l'emploi, étant donné que les gens qui seront incités à travailler 12 ou 14 heures par jour pour gagner suffisamment, ce seront les plus modestes, les emplois les moins rémunérés et les moins qualifiés, ce qui leur interdira toute vie extraprofessionnelle (au nom de la "liberté") et engendrera aussi plus de chômage dans cette catégorie. Ce serait un peu revenir au temps des mineurs qui se sacrifiaient en travaillant non stop pour nourrir toute la famille. La liberté de choisir son temps de travail ne sera donc qu'un luxe de riche, une liberté formelle très éloignée de la liberté réelle.

Hormis sur les robots et sur la dernière question en fait, je pense qu'il a tout faux.

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Jeff Van Planet
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Re: Chômage: pourquoi la France reste à la traîne de la zone euro

Message non lu par Jeff Van Planet » 10 févr. 2019, 16:11:48

<Cette vieille idée selon laquelle il faudrait précariser le CDI pour avoir plus d'emplois.>> il n'est pas du tout question de ça. Faudrait lire avant de dire des bêtises, Jean Tirol e critique le CDD et parle de sa taxe sur le licenciement.

Le suujet de la mondialisation est passé en 4ème vitesse car il n'y a rien à pas de raisons à s'attarder sur des idioties. Par exemple le faite d'ignorer que la fin des importations signifie la fin des exportation mais que les populistes ignorent ce faits (trump le paye d'ailleurs)


<<Hormis sur les robots et sur la dernière question en fait, je pense qu'il a tout faux.>> Tu devrais réclamer le prix nobel d'économie :D
Le grand problème de notre système démocratique c'est qu'il permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques.
J.Saramago

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