En gros, les Américains sont en train de développer une fusée concurrente d'Ariane, et leur projet prend d'importantes parts de marché à Ariane.L'Amérique menace Ariane
Quelle fusée pour succéder à Ariane 5?? Derrière cette question, c’est le leadership de l’Europe spatiale qui se joue. Faute de réponse avant la fin de l’année, les Américains et SpaceX se frotteront les mains….
Ce n'est pas encore la guerre des étoiles, mais une bataille majeure pour l'espace se joue en Europe. L'enjeu? S'accorder d'ici au 2 décembre, date de la réunion au Luxembourg des ministres des 20 États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), sur la configuration de la fusée qui succédera à Ariane 5 à l'horizon 2021. Il y a urgence. "On ne peut plus imaginer une journée sans satellites", résume Jean-Yves Le Gall, président du Cnes, l'agence française (lire l'interview). Et cette décision façonnera notre paysage industriel, technologique et scientifique pour au moins dix ans. "Nous devons aboutir, nous n'avons pas le choix, martèle Geneviève Fioraso, secrétaire d'État à la Recherche. Rien ne serait pire que de regarder passer, sans rien faire, la concurrence américaine mais aussi chinoise, indienne, brésilienne."
SpaceX a longtemps été sous-estimé, admet la ministre Geneviève Fioraso
Le détonateur de ce "big bang" spatial? L'américain SpaceX, dont la réussite éclair fait vaciller le leader historique Arianespace. Avec l'appui du gouvernement américain et de la Nasa, qui lui a garanti des contrats pour 12 ravitaillements de la Station spatiale internationale, la société d'Elon Musk s'est vite imposée comme un concurrent sérieux.
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Concernant les raisons du succès américain, on peut lire ceci :
Un marché gouvernemental garanti, des administrations qui pratiquent ouvertement la préférence américaine, une production et un pouvoir de décision centralisés, etc. Autant d'ingrédients que le fonction actuel de l'UE interdit à Ariane...Espace : "L'Europe contre-attaque enfin"
INTERVIEW - Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d'études spatiales (Cnes) a dirigé Arianespace jusqu'en 2013.
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Pourquoi ce modèle a-t-il pu s'imposer si vite?
D'abord, la conception technique du Falcon 9 est totalement simplifiée. Elle n'est plus technology driven mais cost driven : la priorité, c'est un coût minimal. Ensuite, SpaceX bénéficie d'un marché gouvernemental garanti très important. La Nasa et l'administration américaine ont signé des contrats portant sur plusieurs dizaines de lancements institutionnels pour plusieurs milliards de dollars. Enfin, l'organisation industrielle est simplifiée à l'extrême.
C'est-à-dire?
En Europe, nous sommes très fiers parce que nos lanceurs sont produits dans 25 sites industriels différents. Avec SpaceX, c'est l'inverse et c'est spectaculaire. Dans Tintin en Amérique, Hergé dessinait des vaches entrant dans une usine pour ressortir en boîtes de corned-beef. SpaceX a fait pareil : de la tôle d'un côté, des fusées qui ressortent de l'autre! Cela m'a frappé visuellement en visitant leurs installations : tout est réuni dans une usine. Au rez-de-chaussée, la production, avec un sol en lino. Au premier étage, le bureau d'études, avec de la moquette. Au second, les services commerciaux, avec du parquet. Au-delà de l'anecdote, ce modèle de gouvernance intégrée permet à SpaceX de jouer les trublions dans le marché.
L'Europe a-t-elle sous-estimé la puissance des États-Unis?
Moi, je ne l'ai pas sous- estimée! Il y a quatre ans déjà, j'attirais l'attention sur SpaceX, qui devait effectuer son premier lancement. Je tirais la sonnette d'alarme sans beaucoup de succès. Beaucoup en Europe pensaient qu'il faudrait plus de temps à un nouveau venu pour entrer sur le marché. Mais depuis deux ans, nous avons réagi, et aujourd'hui, avec la mobilisation autour d'Ariane 6, l'Europe contre- attaque enfin.
Faut-il revoir le modèle européen qui a permis à Ariane de s'imposer? N'est-il pas trop tard?
Il y a urgence à le réformer. Nous sommes en bonne route sur les trois points clés qui ont permis le succès de SpaceX. Dans la simplification de l'organisation industrielle, une étape majeure a été franchie le 16 juin à l'Élysée, quand Safran et Airbus ont annoncé la création d'une coentreprise. Il faut poursuivre, car c'est un grand pas : à elles deux, ces sociétés réalisent 75 % d'Ariane! Sur la conception d'une future Ariane 6 simplifiée pour répondre à nos concurrents, nous avons déjà travaillé dix-huit mois sur un projet, puis, en juin, Safran et Airbus ont enrichi cette réflexion en proposant des évolutions pour tirer le meilleur parti de la coentreprise. Nous allons travailler tout l'été pour avoir une proposition prête à être décidée en septembre. Je suis très confiant.
Reste à instaurer une "préférence européenne"…
Oui, il faut absolument obtenir l'engagement des États à utiliser un lanceur européen pour la mise en orbite de leurs satellites gouvernementaux. Ce sera l'un des enjeux de la conférence des ministres de l'espace, le 2 décembre au Luxembourg. Ce n'est pas facile car certains pays ne l'accepteront que si notre lanceur est compétitif.
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