Papibilou » Sam 1 Mar 2014 - 13:24 a écrit :Je commence à me fatiguer de désigner l'Europe comme responsable de tant de "dérapages":
- Euro trop fort nous empêchant d'être plus compétitif et donc d'exporter et de faire de la croissance et donc de créer de l'emploi.
- Ouvriers venus de l’Europe de l'est en particulier, avec des charges sociales payées dans leur pays, c'est à dire bien moins qu'en France (avec une bien moins bonne protection bien sur) entraînant accroissement du chômage chez nous, insuffisance de ressources pour secu retraite etc ..
- Fin programmée de nos entreprises de transport qui n'auront beintôt le choix qu'entre disparaître ou ne faire travailler que des chauffeurs des pays de l'est.
- bientôt concurrence de l'élevage nord américain entraînant à terme des risques de disparition de notre mode d'élevage et abandon du respect des normes sanitaires, et donc préjudiciable à notre santé.
- refus de financer l'état français directement à partir d'une banque centrale.
Ces raisons économiques pourraient se doubler de tout un tas d'autres reproches. je sais, personne n'est parfait, mais trop c'est trop !
Le problème est que l'on nous dit: vous êtes donc contre l'Europe.
Sur ce constat, je suis d'accord avec toi. Dès que nous émettons des réserves sur la construction européenne telle qu'elle se pratique actuellement, les européistes répondent que nous sommes "anti-européens", ils nous accusent d'être "contre l'Europe", ils nous reprochent de prôner le "repli sur soi".
Les européistes ont de plus en plus de mal à convaincre l'opinion publique des bienfaits de leur construction européenne. Ils n'ont donc d'autre possibilité que de faire peur, de dire qu'il n'y a d'autre solution que celle qu'ils proposent, que toute alternative serait une catastrophe ou un retour en arrière. Force est de constater que leur discours marche plutôt bien, puisque lors des différentes élections, les partis qui défendent la construction européenne actuelle sont encore largement majoritaires.
Erreur: je ne suis pas contre l'Europe, je suis contre cette Europe là. Et je me demande parfois si nos dirigeants peuvent comprendre notre désarroi de citoyens. Comprendre que nous voulons avoir une Europe solidaire mais ne bradant pas nos acquis sociaux, ne remettant pas en cause notre croissance, ne tuant pas les potentiels d'emplois.
Mais que manque-t-il donc à ces institutions européennes pour qu'elles fonctionnent ?
Oh rien ou pas grand chose: la légitimité démocratique.
Tout ou presque est fait par la commission composée de commissaires non élus. Que, au moins, ces commissaires soient élus par les députés européens et qu'ils soient responsables devant le parlement européen et que leurs projets soient validés par une majorité absolue.
Alors, cette année, nous devrons aller voter pour nos représentants au parlement européen. faisons un peu plus attention que d'habitude au contenu des programmes. Soyons attentifs aux programmes des autres pays et demandons aux candidats quelle est leur vision de l'Europe.
Si, je suis européen et c'est même pour cela que je veux tant que les choses changent !
Je ne suis pas d'accord avec toi sur l'aspect institutionnel. Tu sembles croire que le cadre institutionnel est à peu près correct, qu'il lui manque juste un peu de légitimité démocratique. Autrement dit, tu souhaites améliorer le cadre institutionnel actuel, mais tu ne le remets pas fondamentalement en cause. C'est là que tu fais erreur, selon moi.
Imaginons la construction européenne comme une maison. Imaginons maintenant une maison très belle, avec de jolis murs, une jolie peinture, un joli jardin. Vue de l'extérieur, elle semble très belle. Sauf qu'elle est construite sur un terrain instable, avec des fondations totalement inexistantes, et un matériau totalement inadapté à la nature du sol. Si bien que les murs se lézardent régulièrement, engendrant de nombreuses infiltrations d'air et d'eau. Par ailleurs, l'isolation phonique et thermique est catastrophique. Le propriétaire est attaché à sa maison, alors il entreprend régulièrement des travaux destinés à colmater les trous. C'est grâce à travaux que la maison semble belle, vu de l'extérieur. Mais à l'intérieur, on y vit mal. Pour que l'on puisse bien vivre à l'intérieur de cette maison, il faudrait tout raser, et tout reconstruire.
L'idéal européen est donc entaché de vices congénitaux rédhibitoires. Qui peut croire que 28 pays aux caractéristiques historiques, économiques, politiques, si différentes, puissent trouver leur intérêt dans une même construction européenne ? Tous ces pays ont une conception différente de la construction européenne. La France a un bel idéal. Les Allemands veulent s'en servir pour reconstituer l'hégémonie du Saint-Empire-Romain-Germanique. Les Anglais privilégient leur relation avec les Américains et en profitent pour torpiller de l'intérieur tout ce qui pourrait nuire à leur bonne entente avec les Américains. Les Pays de l'Est perçoivent l'UE comme un simple guichet à subventions. Les pays méditerranéens font ce qu'ils peuvent.
Et concernant la monnaie unique, qui peut croire qu'on puisse mener une politique monétaire commune pour des pays ayant des caractéristiques économiques si différentes ? Une monnaie forte peut satisfaire les Allemands, pas les pays méditerranéens...
Tu évoques une nécessaire plus grande légitimité démocratique des institutions européennes. Je suppose que tu milites pour une Europe vraiment fédérale, avec un vrai parlement européen vraiment décisionnaire. Mais il faut comprendre qu'il y a beaucoup de pays européens où tes préoccupations, qui sont celles de beaucoup de Français (refus de l'euro fort, refus de la concurrence des ouvriers de l'Est, volonté de voir la BCE financer directement les Etats, etc.) ne sont pas partagées. Il faut bien comprendre que beaucoup de pays européens n'ont pas le même idéal européen que nous (voire n'ont pas d'idéal européen du tout), donc si on généralise la logique fédérale avec le vote à la majorité qualifiée, la France risque de se retrouver en minorité sur beaucoup de sujets. Et ce sera encore pire qu'aujourd'hui. Il faut le savoir...
Dans le même ordre d'idées, j'entends beaucoup de gens, en France, réclamer une "harmonisation" européenne. Sans doute sont-ils conscients de la concurrence déloyale que les pays de l'Est exercent sur nos producteurs. Mais vous croyez vraiment que ces pays vont accepter de doubler ou tripler ou quadrupler les salaires en vigueur chez eux, juste pour nous faire plaisir ?
Il faut aussi avoir conscience que la construction européenne actuelle condamne nos gouvernements nationaux à l'impuissance, puisque ceux-ci ont perdu leurs prérogatives monétaire, douanière, budgétaire.
Donc mon opinion est que la construction européenne actuelle souffre de vices de conception, de tares congénitales, qui débouchent sur les dérives actuelles (euro fort, libre-échange dérégulé, etc.), et qu'on ne pourra y remédier juste par des ajustements institutionnels à la marge. Il est illusoire de vouloir faire cohabiter dans une même organisation si intégrée 28 pays qui ne sont d'accord sur rien, ou si peu. Il faut renverser la table et repartir de zéro. Concrètement, cela veut dire que la France doit sortir de l'UE, sortir de l'euro, pour enfin retrouver sa souveraineté monétaire, sa souveraineté douanière, sa souveraineté budgétaire. Cela n'est pas synonyme de repli sur soi. La France ayant retrouvé sa souveraineté pourra ensuite signer des accords bilatéraux de son choix avec les pays de son choix.