"Irresponsables" ! Le mot claque dans la bouche du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, habitué à manier des mots pesés au trébuchet et tenu statutairement à un devoir de réserve. Sa cible: les propositions de régulation bancaire présentées le 29 janvier par Michel Barnier, Commissaire européen au marché intérieur.
"Ses idées sont contraires aux intérêts de l'économie européenne, a fustigé le banquier central. J'espère beaucoup que la Commission ne le suivra pas et, si la Commission le suit, j'espère que ce projet restera enterré et qu'il n'aura aucune suite". Le texte a ainsi cristallisé l’opposition de Pierre Moscovici et de son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, de Pierre Gattaz, de Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace. Pourquoi un tel tollé ?
La réaction du ministre français de l’Economie n’est pas exemple de motivation politique: Pierre Moscovici est furieux que Bruxelles ignore la loi qu’il a fait voter un an plus tôt. La réforme Barnier est plus sévère que la loi française. Le commissaire européen issu de la droite serait-il plus interventionniste contre le capitalisme financier qu’un gouvernement de gauche?
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Barnier accusé de remettre en cause le modèle français
Indignés par la "brutalité de la prise de position" du gouverneur, l’analyste s’est joint aux signataires d’une lettre aux conseillers généraux de la banque de France, leur demandant d’exercer leur contre-pouvoir.
Un avis que ne partage pas, naturellement, la Fédération bancaire française (FBF), défenseur du principe des banques universelles à la française. "Il est important que la tenue de marché reste dans les banques, qui doivent accompagner les entreprises dans la recherche de financements sur les marchés", explique-t-elle. Jean-François Lepetit, ancien président de la Commission des opérations de Bourse (l’ancêtre de l’AMF), en profite pour souligner un double paradoxe.
"Toute initiative dans le sens de la proposition Barnier mettrait en cause le succès du modèle de banques française universelle, qui a montré son efficacité dans la crise, martèle celui qui est également membre du conseil d’administration de BNP Paribas. Et par surcroît, l’adoption du texte constituerait un incroyable cadeau pour Goldman Sachs et ses collègues de Wall Street!
Bruxelles réfute les interprétations trop hâtives
En effet, si l’on suit la proposition Barnier les filiales de banques françaises dédiées aux marchés, dont on exigera une forte mobilisation de capital, seront toujours moins compétitives dans la tenue de marché que les investment banks américaines. Celles-là même qui ont amplifié la crise de 2008!" (1). Le risque d’affaiblir les banques françaises est d’autant plus réel que le Royaume Uni a obtenu, lui, une exemption pour ses établissements.
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