Quand François Hollande adopte les réformes Sarkozy
L'aménagement, c'est maintenant. Pour ce qui est du changement, c'est moins sûr. A bien regarder les décisions prises et les intentions affichées par François Hollande depuis son accession à l'Elysée, la rupture avec les réformes du quinquennat précédent apparaît souvent plus cosmétique que profonde, plus marginale que générale. Comme si, après cinq ans d'opposition virulente, et une campagne présidentielle très offensive, nombre d'actions accomplies par Nicolas Sarkozy trouvaient quelque grâce aux yeux de son successeur. A tout le moins, François Hollande entretient un rapport ambigu avec le bilan de son prédécesseur. L'atteste le projet de décret examiné hier en Conseil des ministres. Il rétablit, en partie, le droit à partir en retraite dès l'âge de 60 ans, principalement pour les salariés ayant commencé à cotiser à 18 ou 19 ans. Le nouvel exécutif touche là à un symbole, certes onéreux puisqu'il justifie le prélèvement de 3 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Mais, limité à 100.000 personnes, le geste ne remet pas en cause le coeur de la réforme des retraites engagée par Nicolas Sarkozy. Celle-ci consiste à décaler les âges légaux, de 60 ans à 62 ans pour l'ouverture des droits, de 65 à 67 ans pour le taux plein. Les socialistes au pouvoir n'envisagent pas d'interrompre ce mouvement, tout comme ils avaient entériné l'allongement de la durée de cotisation.
La retouche symbolique d'hier, à dimension sacrificielle, rend finalement possible la poursuite, pour l'immense majorité des salariés, du relèvement des âges légaux, processus dans lequel Marisol Touraine, aujourd'hui ministre des Affaires sociales, voyait, il y a deux ans, « la mesure la plus injuste qui soit ». En début de semaine, une autre décision est venue illustrer le regard plus pragmatique que le gouvernement porte désormais sur les réformes du dernier quinquennat : fortement alourdie dans le budget 2012, au point de rapporter désormais 3 milliards d'euros par an, la taxe sur les contrats complémentaires santé sera atténuée, mais pas supprimée. Prudent, le candidat Hollande ne s'était d'ailleurs pas engagé à abolir ce prélèvement contre lequel les socialistes s'étaient élevés comme un seul homme. Après avoir assuré que cela allait « pénaliser » les classes moyennes et populaires, Jean-Marc Ayrault, devenu Premier ministre, s'en accommode désormais.
Bien sûr, certaines réformes accomplies par Nicolas Sarkozy, comme la « circulaire Guéant » sur l'accueil des étudiants étrangers, ont déjà été défaites ou vont l'être dans leur intégralité. Parmi ces dernières, figurent bien sûr la TVA sociale et des éléments emblématiques de la loi Tepa votée à l'été 2007 : l'exonération fiscalo-sociale des heures supplémentaires, qui doit être maintenue dans les seules très petites entreprises, et ce bouclier fiscal auquel les socialistes doivent tant... A ce tableau de chasse, figure également la règle de non-remplacement de la moitié des fonctionnaires partant en retraite. Dans un autre domaine, a été annoncée la disparition des tribunaux correctionnels pour mineurs.
Mais nombreuses sont les réformes du quinquennat précédent en voie d'adaptation, voire d'adoption par le président François Hollande. Elles peuvent se ranger en trois catégories. Il y a celles, d'abord, qui avaient été vertement critiquées par les socialistes alors dans l'opposition. C'est le cas du service minimum, que ce soit dans les transports ou à l'école. Dans les deux cas, à l'été 2007 puis à l'été 2008, le Parti socialiste avait déféré le texte de loi correspondant devant le Conseil constitutionnel, invoquant rien de moins qu'une « entrave au droit de grève ». Le 26 janvier, dans l'émission de France 2, « Des paroles et des actes », le candidat socialiste expliquait, au contraire : « Il y a une loi, elle marche. » Entrée en vigueur en 2010, la suppression de la taxe professionnelle a été vivement contestée par les élus locaux socialistes, qui voyaient là, à l'instar d'Arnaud Montebourg, une manière d'étrangler financièrement les départements, privés de cette recette fiscale, remplacée par une dotation de l'Etat. Devenu, à Bercy, ministre du Redressement productif, il devrait finalement s'en accommoder car, si elle est retouchée, la taxe professionnelle ne le sera plus qu'à l'extrême marge. Même l'ISF obéit à cette loi du réalisme : après en avoir fait un symbole ultime d'injustice, François Hollande maintient le relèvement du seuil d'assujettissement institué par Nicolas Sarkozy.
Dans une deuxième catégorie se rangent les réformes sur lesquelles le candidat Hollande et parfois le Parti socialiste ont cultivé l'ambiguïté. On trouve parmi elles la création d'une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) : si le gouvernement entend réfléchir à une nouvelle loi, il écarte bien toute idée d'une renonciation aux sanctions pour téléchargement illégal. Dans un tout autre registre, François Hollande candidat n'a jamais caché qu'il conserverait en l'état la loi interdisant le port du voile dans les lieux publics, sur laquelle les députés socialistes s'étaient abstenus.
Enfin, une troisième catégorie est constituée de rares réformes plutôt saluées, à l'époque, par l'opposition, dont le principe est conforté mais dont les modalités pourraient évoluer. Tel est le cas de l'autonomie des universités au sein desquelles la nouvelle ministre, Geneviève Fioraso, semble vouloir renforcer le pouvoir des enseignants-chercheurs. Mais l'autonomie financière des établissements ne paraît nullement menacée. Par ailleurs, en dépit des propos récents de la ministre de l'Artisanat, Sylvie Pinel, pour laquelle ils exercent une concurrence déloyale à l'égard des artisans, les autoentrepreneurs n'ont guère d'inquiétude à avoir sur la pérennité de ce dispositif salué à plusieurs reprises par François Hollande. Que le président élu trouve finalement quelque confort aux « meubles » laissés par son prédecesseur voilà qui n'a, au fond, rien de malsain. Il est permis d'y voir le symptôme d'une démocratie apaisée, dans laquelle les progrès accomplis sous une majorité puissent être poursuivis sous une autre.
http://www.lesechos.fr/opinions/analyse ... 331082.php
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Pas la peine que l'UMP défende le bilan de NS,Hollande le fait très bien ;lau;