Bruxelles anticipe un déficit à 4,2 % de PIB pour la France l'an prochain, faute de mesures nouvelles. Le futur président maintient son engagement d'un retour à 3 %. Pour combler l'écart, il mise sur une hausse massive des prélèvements obligatoires et une croissance un peu plus forte.
Ramener le déficit de la France à 3 % de PIB en 2013 va nécessiter un nouveau plan de rigueur cet été, plus rude que les précédents. C'est ce qui ressort des prévisions de la Commission européenne publiées vendredi : sans mesures nouvelles, le déficit s'établirait à 4,2 % de PIB l'an prochain, après 4,5 % en 2012 et 5,2 % en 2011. Cela représente un effort supplémentaire de 25 milliards d'euros à réaliser. « Cela ne nous inquiète pas puisque c'est ce que nous avons expliqué tout au long de la campagne, souligne Jérôme Cahuzac. Et c'est pour cela que nous avons détaillé 29 milliards de recettes nouvelles à faire voter dès le début de la législature. Un effort difficile mais nécessaire pour respecter la parole de la France. » « Nous respecterons le retour à 3 % dès 2013 », ajoute Michel Sapin.
Si les responsables socialistes chargés des questions budgétaires fustigent « l'impasse » laissée par Nicolas Sarkozy, l'analyse de la Commission sur la France n'est pas si mauvaise. Pour 2012, l'objectif de déficit de Bercy est jugé crédible (à 0,1 point près) : Bruxelles, qui constate que la France a fait mieux que prévu en 2010 et en 2011, n'imposera donc pas à la nouvelle équipe de prendre des mesures d'urgence. En outre, la prévision de croissance pour 2013 (1,3 %), si elle est inférieure au 1,7 % de l'équipe Hollande, est légèrement supérieure à la moyenne de la zone euro. La Commission souligne la résistance actuelle de l'activité et anticipe une « lente reprise ». Pour cette année, la croissance serait de 0,5 %.
Un dosage difficile
Il n'en reste pas moins vrai que l'endettement va atteindre des sommets inquiétants (90,5 % de PIB en 2012, 92,5 % en 2013) et que, comme le note Bruxelles, la marche pour tenir l'engagement de déficit en 2013 est très haute. Michel Sapin décline trois axes pour la franchir. Tout d'abord, « la maîtrise des dépenses, chaque nouvelle dépense devant être strictement financée ». Sur le papier, les prévisions du PS et de la Commission sont proches : le taux de dépenses publiques s'établirait à 56,2 % de PIB en 2013 (56,3 % pour le PS). Mais la Commission base son calcul sur une progression moins rapide des dépenses sociales en lien notamment avec les effets croissants de la réforme des retraites... sur laquelle François Hollande s'est engagé à revenir partiellement.
Michel Sapin avance ensuite une politique économique plus favorable à la croissance, au niveau national et européen, « qui confortera notre prévision pour 2013 ». Enfin et surtout, le plan s'appuiera sur un volume très élevé d'impôts nouveaux. Certaines hausses auront un impact dès 2012, ce qui permettra de financer des promesses électorales (contrats d'avenir, retraites, allocation de rentrée scolaire, etc.), à l'instar du rétablissement du barème de l'ISF. Mais le gros des mesures aura un impact sur 2013 pour les entreprises (IS, cotisations...) et 2014 pour les particuliers (les mesures fiscales ont un impact décalé).
Toute la difficulté pour le nouveau gouvernement résidera dans le dosage de ces hausses d'impôts (qui vont survenir après déjà 11 milliards de hausses en 2011 et 16 milliards en 2012), le risque étant de stopper net toute reprise. Et dans les mesures concrètes (jusqu'alors absentes) pour contenir à 1 % la hausse de la dépense publique. « Nous attendons que les autorités françaises spécifient les mesures envisagées pour 2013 », a averti Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques. Bruxelles comme Berlin, qui préconisent des réformes structurelles, attendent Paris au tournant. Le maintien ou non d'une prévision de croissance à 1,7 % pour 2013 sera un autre débat incontournable de l'été.
ÉTIENNE LEFEBVRE - LES ECHOS
C'est ce qu'il me semblait de l'effet d'annonce à la réalité , il y a un gouffrea Commission base son calcul sur une progression moins rapide des dépenses sociales en lien notamment avec les effets croissants de la réforme des retraites... sur laquelle François Hollande s'est engagé à revenir partiellement.