Il n’y a pas de hasard au calendrier. Consacrée aux investissements d’avenir, la conférence de presse du président de la République, la quatrième depuis 2007, s’est finalement déroulée lundi 27 juin à la veille de l’ouverture du dépôt des candidatures pour la primaire socialiste. Au moment précis où les prétendants du PS se positionnent pour la prochaine élection présidentielle, Nicolas Sarkozy entendait montrer qu’il se situe au-dessus de la mêlée, pédagogue et soucieux de « l’intérêt général ».
« J’ai une spécificité. Je suis président de la République », a-t-il affirmé. « Je suis président du G8, président du G20 », a-t-il insisté, et « moi, je ne peux pas me distraire de cela ». Mettant en avant à plusieurs reprises ses « droits » et « devoirs » de chef de l’État, ainsi que « l’intérêt supérieur national », il a fait la promotion de son bilan économique depuis la crise de 2008.
Annoncé en 2009, le « grand emprunt » a permis de lever 35 milliards d’euros pour « accélérer la mutation de l’économie française », a-t-il rappelé. Dans son bilan d’étape, Nicolas Sarkozy a indiqué que d’ici à la fin 2011, près de 20 milliards d’euros auront été engagés. Il s’est réjoui du fait que plus de 1 500 projets ont été présentés, ce qui a constitué une « immense respiration française ». L’originalité de cette stratégie d’« investissements d’avenir », c’est qu’elle doit distribuer les fonds en contournant les circuits administratifs. Elle contribue à la réalisation de projets soumis aux agences chargées de répartir les fonds, et pour partie sélectionnés par des jurys indépendants.
19 milliards d’euros pour l’université et la recherche
Plus d’une moitié des fonds (19 milliards d’euros) iront à l’université et à la recherche : ils serviront notamment à créer 5 à 10 pôles universitaires « capables de rivaliser avec les meilleures universités mondiales », ainsi que des instituts de recherche technologique. Ceux-ci doivent associer le public et le privé et permettre à la recherche fondamentale de déboucher sur des technologies employées dans l’industrie.
Les fonds serviront aussi à soutenir plusieurs filières industrielles : véhicules électriques, nouvelles technologies de construction d’avions en composite, « hydrolienne » capable de produire du courant à partir de la force des marées, satellite de nouvelle génération, captage du carbone… Enfin, ils doivent servir à soutenir les petites entreprises, via le Fonds national d’amorçage et l’augmentation des fonds propres d’Oseo, la « banque publique » française de financement des PME innovantes.
Une partie de l’argent ira aussi vers des priorités qui traduisent des choix du chef de l’État : la création d’un pôle de recherches sur le plateau de Saclay, à l’ouest de Paris et la recherche en faveur du nucléaire (un milliard d’euros pour le réacteur de quatrième génération et l’amélioration de la sécurité des centrales). Nicolas Sarkozy a indiqué également qu’il souhaite la création d’un grand pôle de recherches sur le cancer et « attend des propositions ».
Le « saupoudrage, ce mal français »
Compte tenu de l’effet de levier attendu, les 35 milliards d’euros d’argent public devraient, au total, permettre de mobiliser « 60 à 70 milliards d’euros », a-t-il prédit. Le chef de l’État a assuré avoir voulu éviter le « saupoudrage, ce mal français ». Il reste cependant difficile de voir, dans le maquis des multiples projets soutenus, ce qui pourrait être le TGV de demain susceptible de créer des milliers d’emplois.
Revenant sur le contexte économique actuel, Nicolas Sarkozy a estimé que l’ampleur de la crise avait été sous-estimée : « Le monde est passé au bord du gouffre ». « Je n’ai pas été élu pour que la France connaisse les affres de la Grèce, du Portugal ou de l’Irlande. Ce n’est pas une affaire de gauche ou de droite. C’est une affaire d’intérêt général. Si on fait les efforts à temps, on évite la catastrophe », a-t-il plaidé avant d’ajouter : « Si je ne le fais pas, personne ne le fera ».
Nicolas Sarkozy a ainsi fustigé, sans les nommer, les socialistes, auxquels il a reproché le « décrochage » de la dette de la France au « début des années 2000 », « pendant que nous faisions les 35 heures », et dont il a dénoncé le futur programme économique. Esquissant un argumentaire de campagne, il a estimé qu’avec « ceux qui auront l’idée de revenir sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, sur la réforme des retraites, ou de refuser une règle d’or qui obligera tous les gouvernements à prévoir un budget en équilibre à terme », ce sera « l’explosion de la dette et des déficits ».
Visé également, le Front national et sa proposition de sortir de l’euro, qualifiée de « folie » par le chef de l’État.
La Croix
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Bilan global
- 35 milliards d’euros au total sont engagés pour financer quatre grandes priorités : enseignement supérieur, recherche et formation (18,9 milliards d’euros) ; filières industrielles et PME (6,5 milliards) ; développement durable (5,1 milliards) ; numérique (4,5 milliards). Ces priorités sont elles-mêmes déclinées en 35 actions (Plateau de Saclay, véhicules du futur, ville de demain ou encore développement de réseau à très haut débit par exemple).
- 54 appels à projets ont été lancés , dont 34 sont déjà clos. Dans ce cadre, 1600 projets ont été reçus et 396 dossiers ont été sélectionnés.
- 13 milliards d’euros ont effectivement été affectés à ce jour et près de 1700 entreprises ont déjà bénéficié de financement du grand emprunt.
Enseignement supérieur, recherche et formation
- 100 projets de laboratoires d’excellence ont été sélectionnés pour un montant de 2,95 milliards d’euros. Parmi eux figurent le laboratoire First-TF, un projet de réseau coordonnant les recherches dans le domaine de la météorologie avec des antennes à Paris, Besançon, Nice et Villetaneuse, et le Store-EX, autre projet de réseau pour résoudre le problème du stockage de l’énergie en batterie associant les villes d’Amiens, Marseille, Montpellier, Nantes, Paris, Pau, et Toulouse.
- 6 instituts de recherche technologique , à Lyon et Nantes notamment, doivent être lancés.
- 13 projets en bio-informatique et nano-biotechnologies et 5 projets de bioressources seront lancés.
- 48 millions d’euros ont été mobilisés pour les premiers internats d’excellence avec l’ouverture de 5 600 places à la rentrée 2010. Près de 1800 nouvelles ouvertures de places sont prévues pour la rentrée 2011.
Industrie et PME
- 5 projets aéronautiques seront soutenus afin de développer l’hélicoptère X4 et l’A350 mais aussi des moteurs de nouvelle génération et des avions composites par exemple.
- 35 millions d’euros seront consacrés à la mise au point de véhicules du futur. Parmi les projets choisis, on retrouve la création d’un bus hybride ou la mise en place du programme « Crome », qui proposera des voitures électriques en libre accès à la frontière franco-allemande entre la région de Strasbourg et du Bade-Wurtemberg.
- 8 investissements doivent aider des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire pour créer des emplois non délocalisables. Parmi les bénéficiaires, Emmaüs défi, entreprise d’insertion dans le domaine du recyclage, Web-sourd, une société coopérative en faveur de l’intégration des personnes sourdes, SOS Habitat et soins, une association d’hébergement de personnes en très grande précarité.
Développement durable
- 250 millions doivent être attribués à la construction du réacteur nucléaire de recherche Jules Horowitz, dont la mise en service sur le site du centre de Cadarache (Bouches-du Rhône) est prévue pour 2014, et 650 millions à la conception du réacteur nucléaire de 4e génération.
- 12 projets de transport en commun dans 9 « éco-cités » , à savoir Rennes, Nantes, Bordeaux, Montpellier, Clermont-Ferrand, Grenoble, Nice et Strasbourg, doivent voir le jour.
- 36 contrats ont été signés avec les conseils généraux pour la rénovation thermique des logements des propriétaires modestes.
Numérique
- 7 projets pilotes ont été sélectionnés pour le déploiement des réseaux à très haut débit notamment à Saint-Lô (Manche), Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée) et Aumont-Aubrac (Lozère). En parallèle, un fonds d’investissement de 400 millions d’euros pour les PME du numérique doit être constitué.
- 6 projets de réseaux électriques intelligents sont sur les rails pour adapter des réseaux de transports de l’électricité aux énergies renouvelables et installer des compteurs électriques intelligents.
A plus tard,