Dévoilée mardi, une note du think-tank Terra Nova préconise au PS de changer de "sociologie électorale" : en clair de délaisser l'électorat ouvrier pour se recentrer vers les classes moyennes, les jeunes et les femmes. Des propositions qui ont scandalisé les principaux leaders socialistes.
La note rédigée par Terra Nova met très mal à l'aise les membres du PS. Intitulée «
Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? », l'essai de 88 pages, rédigé par Bruno Jeanbart, Romain Prudent, et Olivier Ferrand – un proche de DSK – a pour objectif de déterminer les causes qui ont amené à la crise du modèle de la social-démocratie en Europe. Partant du constat que seul 6 pays sur 27 sont dirigés par des social-démocraties dans l'UE, et que ce modèle n'a pas réussi à mobiliser son électorat traditionnel durant la Grande Crise de 2008, Terra Nova, un think-tank (cercle de réflexion) proche du PS, en tire les conclusions suivantes : la «
coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. »
Le fait qu'aucun candidat socialiste n'ait été élu président de la République depuis Mitterand serait donc une question de sociologie électorale : «
La classe ouvrière n'est plus le cœur du vote de gauche, elle n'est plus en phase avec l'ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l'a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche » est-il écrit dans le rapport dévoilé mardi. Ce «
socle historique » est en déclin, soutient l'étude, en raison d'un facteur démographique - baisse de la population ouvrière - et d'une «
rupture » culturelle. La gauche s'est portée depuis mai 68 vers le «
libéralisme culturel », tandis que la classe ouvrière en déclin a tendance au «
repli », selon l'étude.Vers qui doit se tourner alors le PS ? Il faudrait, selon Terra Nova, désormais s'adresser au «
nouvel électorat de la gauche ». Cette nouvelle coalition, baptisée «
la France de demain », comprend les diplômés, les jeunes, la «
France de la diversité » et les femmes.
Une proposition qui n'a « aucun sens »Une préconisation qui a été presque unanimement critiquée par les principaux responsables du PS. Laurent Fabius a jugé qu'abandonner l'électorat de gauche n'avait «
aucun sens. » «
Si vous abandonnez les électeurs, vous pouvez faire des choses très intéressantes mais pas de politique (...). Il faut faire un projet sérieux, et un projet juste (...) qui concerne à la fois les couches populaires et les couches moyennes », a-t-il souligné.
Une opposition que l'on trouve aussi du côté des sympathisants de Martine Aubry. Dans
un communiqué de presse, le groupe « La Gauche Unie » dénonce un «
choix, défendu dans certains milieux bien pensants et ripoliné en modernisme, (qui) serait mortifère pour la Gauche ». Ce groupe cite plutôt en exemple le Projet socialiste pour 2012, qui veut mettre « les classes populaires et les classes moyennes au cœur du projet de la gauche. »
Pierre Moscovici, proche de DSK, a lui aussi hurlé avec la meute, estimant que « le PS ferait une erreur (...) de renoncer à la classe ouvrière ». Mais il n'a pas exclu « d'aller voir d'autres électeurs. ». Une dernière précision d'importance puisque les chiffres du sondage CSA pour Les Échos montrent que seulement 39% des ouvriers ont une opinion favorable de Dominique Strauss-Kahn, contre 69% pour les cadres.
