"le talon de fer" Jack London

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renan
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"le talon de fer" Jack London

Message non lu par renan » 06 déc. 2012, 00:03:43

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Le Talon de Fer, écrit en 1907 par Jack London, se présente sous la forme d'un manuscrit censé avoir été écrit par Avis Everhard. Il narre des événements débutant en 1912 et se termine en 1932 par une phrase inachevée. Il est retrouvé quatre siècles plus tard, en 2368. Toute une série d'annotations présentes au cours du roman ont été rédigées au XXIVème siècle pour préciser les faits invoqués par Avis Everhard. Les vingt ans résumés dans ce manuscrit décrivent la mise en place du « Talon de fer », dictature fasciste, aux Etats-Unis et la résistance à cette mise en place. Le roman se divise en deux parties. La première partie raconte les années précédant la prise du pouvoir par le Talon de fer. La deuxième partie nous plonge au cœur de la résistance contre cette dictature. Le fil conducteur de ce roman est l'amour entre Avis et Ernest Everhard, chef de file des socialistes.

Les premiers chapitres du roman correspondent à l'initiation et à l'adhésion d'une famille bourgeoise aux idées socialistes. John Cunningham, physicien à l'université de San Fransisco, organise chez lui des dîners entre intellectuels. Au cours de l'un d'eux, il introduit Ernest Everhard, fils d'ouvrier et théoricien socialiste. La pertinence et l'argumentation précise et sans faille d'Everhard empêche tous les participants de le contredire. C'est une constante que l'on retrouve tout au long du roman. Au cours de cette soirée, Avis Cunningham fait la connaissance d'Ernest. L'antagonisme de classe entre les deux personnages fait qu'elle commence tout d'abord à haïr cet homme en même temps qu'il l'intrigue. Cependant, au fur et à mesure des lectures et des rencontres avec Ernest, elle adhère à ses idées et tombe amoureuse de l'homme.

Dans cette société de classes, Ernest démontre la lutte sans merci entre l'oligarchie, représentée par les trusts, et la classe ouvrière. Entre les deux, la classe moyenne est destinée à disparaître. Trois exemples nous sont donnés pour étayer cette hypothèse : les fermiers, les commerçants et les industriels. Lors de rencontres avec ces derniers, Ernest les compare aux briseurs de machines du XVIIIème siècle pour leur montrer que leur opposition aux trusts n'aboutira qu'à leur propre anéantissement s'ils ne rejoignent pas les rangs des forces socialistes.

En parallèle, l'oligarchie supprime progressivement la situation sociale et économique de la famille Cunningham en réaction à leur adhésion aux idéaux socialistes. Ils se retrouvent donc à leur tour prolétaires dans le quartier ouvrier de l'agglomération de San Fransisco.

Au cours du roman, L'Allemagne déclare la guerre aux Etats-Unis pour le contrôle du marché mondial. Face à cette guerre, la grève générale éclate dans les pays, forçant les deux Etats à signer la paix. Mais l'oligarchie retient la leçon. Il divise la classe ouvrière en offrant des avantages aux syndicats nécessaires comme les chemins de fer et en durcissant les conditions de vie et de travail du reste des ouvriers.

L'établissement du Talon de fer s'effectue après des élections qui envoient cinquante représentants socialistes au Congrès. S'ensuit un régime de terreur sans précédent. L'organisation socialiste entre alors dans la clandestinité. Au fur et à mesure, elle infiltre le Talon de fer tandis que le Talon de fer infiltre l'organisation socialiste. Le dernier grand événement du roman est la Commune de Chicago. Le Talon de fer ayant eu vent du projet de l'organisation socialiste de lancer toute une série d'actions pour le renverser, il précipite les évènements pour donner un exemple. Le « peuple d'en bas » de Chicago est alors massacré au cours de combats qui ravagent la ville entière. C'est avec cet épisode que s'achève le roman. Grâce aux différentes notes, on apprend que le Talon de fer durera trois siècles, à la suite de quoi une révolution instaurera enfin une société égalitaire où les Hommes vivront en harmonie.

La lecture du Talon de fer ne peut laisser indifférent. Jack London anticipe la politique internationale de façon exemplaire. En 1907, il annonce une guerre mondiale entre les Etats-Unis et l'Allemagne, la domination du Japon sur l'Asie dans l'entre-deux-guerres, la fin des régimes coloniaux européens ou encore l'instauration de dictatures fascistes qui ont émaillé le XXème siècle. C'est également un vibrant plaidoyer pour les idées socialistes. On retrouve comme autant de clins d'oeil, tout au long du roman les noms des chefs de file socialistes américains du début du XXème siècle, comme Eugene Debs, dirigeant du Socialist Labor Party ou Big Bill Haywood, l'un des fondateurs des IWW. C'est dans cette même logique qu'il évoque les événements d'Haymarket, l'échec de la révolution russe de 1905 à travers la Commune de Chicago. Le Talon de fer est pour moi un ouvrage essentiel et qui reste par bien des aspects encore d'actualité.

petit extrait :

– Nous avons parmi nous un membre de la classe ouvrière.
Je suis certain qu’il pourrait nous présenter les faits à un point
de vue nouveau, intéressant et rafraîchissant. Je veux parler de
M. Everhard.
Les autres manifestèrent un intérêt poli et pressèrent
Ernest d’exposer ses idées. Leur attitude envers lui était si large,
si tolérante et bénigne qu’elle équivalait à de la condescendance
pure et simple. Je vis qu’Ernest le remarquait et s’en amusait. Il
promena lentement les yeux autour de la table, et j’y surpris une
étincelle de malice.
– Je ne suis pas versé dans la courtoisie des controverses
ecclésiastiques, commença-t-il d’un air modeste ; puis il sembla
hésiter.
Des encouragements se firent entendre : Continuez !
Continuez ! Et le Dr Hammerfield ajouta :
– 10 –
– Nous ne craignons pas la vérité qu’il y a chez n’importe
quel homme… pourvu qu’elle soit sincère.
– Vous séparez donc la sincérité de la vérité ? demanda
vivement Ernest, en riant.
Le Dr Hammerfield resta un moment bouche bée et finit
par balbutier :
– Le meilleur d’entre nous peut se tromper, jeune homme,
le meilleur d’entre nous.
Un changement prodigieux s’opéra chez Ernest. En un
instant il devint un autre homme.
– Et bien, alors, laissez-moi commencer par vous dire que
vous vous trompez tous. Vous ne savez rien, et moins que rien,
de la classe ouvrière. Votre sociologie est aussi erronée et
dénuée de valeur que votre méthode de raisonnement.
Ce n’est pas tant ce qu’il disait que le ton dont il le disait, et
je fus secouée au premier son de sa voix. C’était un appel de
clairon qui me fit vibrer toute entière. Et toute la tablée en fut
remuée, éveillée de son ronronnement monotone et
engourdissant.
– Qu’y a-t-il donc de si terriblement erroné et dénué de
valeur dans notre méthode de raisonnement, jeune homme ?
demanda le Dr Hammerfield ; et déjà son intonation trahissait
un timbre déplaisant.
– Vous êtes des métaphysiciens. Vous pouvez prouver
n’importe quoi par la métaphysique, et, cela fait, n’importe quel
autre métaphysicien peut prouver, à sa propre satisfaction, que
vous avez tort. Vous êtes des anarchistes dans le domaine de la
pensée. Et vous avez la folle passion des constructions
– 11 –
cosmiques. Chacun de vous habite un univers à sa façon, créé
avec ses propres fantaisies et ses propres désirs. Vous ne
connaissez rien du vrai monde dans lequel vous vivez, et votre
pensée n’a aucune place dans la réalité, sauf comme phénomène
d’aberration mentale.
« Savez-vous à quoi je pensais tout à l’heure en vous
écoutant parler à tort et à travers ? Vous me rappeliez ces
scolastiques du moyen âge qui discutaient gravement et
savamment combien d’anges pourraient danser sur une pointe
d’aiguille. Messieurs, vous êtes aussi loin de la vie intellectuelle
du XXe siècle que pouvait l’être, voilà une dizaine de mille ans,
quelque sorcier peau-rouge faisant des incantations dans une
forêt vierge. »

Extraits :

-J’aurais voulu devenir naturaliste, ajouta-t-il avec timidité, comme s’il avouait une faiblesse. J’adore les animaux. Au lieu de cela, je suis entré en usine. Une fois promu contremaître, je me mariai, puis la famille est venue, et… je n’étais plus mon maître.

– Mais vous, du moins, interrompis-je, vous êtes un homme libre.

– Pas entièrement, répliqua-t-il. Je ne suis pas attaché par les liens du coeur. Je rends grâce au ciel de n’avoir pas d’enfants, bien que je les aime à la folie. Si pourtant je me mariais, je n’oserais pas en avoir.

– C’est certainement là une mauvaise doctrine, m’écriai-je.

-Je le sais bien, dit-il tristement. Mais c’est une doctrine d’opportunisme. Je suis révolutionnaire, et c’est une vocation périlleuse.

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« Le point faible de leur position consiste en ce qu’ils sont simplement des hommes d’affaires. Ils ne sont pas des philosophes : Ils ne sont ni biologistes ni sociologues. S’ils l’étaient, tout irait mieux, naturellement. Un homme d’affaires qui serait en même temps versé dans ces deux sciences saurait approximativement ce qu’il faut à l’humanité. Mais, en dehors du domaine commercial, ces gens-là sont stupides. Ils ne connaissent que les affaires. Ils ne comprennent ni le genre humain ni le monde, et néanmoins ils se posent en arbitres du sort de millions d’affamés et de toutes les multitudes en bloc. L’histoire, un jour, se paiera à leurs dépens un rire homérique. »

Le Talon de Fer, Jack London..

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