Cette semaine pour cette nouvelle question de la semaine, je souhaite vous interroger sur une question un peu institutionnelle et philosophique : le tirage au sort des élus, avant de vous de poser la question, voici quelques extraits d'articles :
En politique, le tirage au sort (appelé parfois "suffrage par le sort" ou "élection par le sort") permet de désigner des mandataires (magistrat, député ou autre décideur) par le hasard parmi un ensemble de candidats ou parmi l'ensemble des membres d'un groupe (citoyens d'une ville, d'un État,...).
Dans la première démocratie connue, la démocratie athénienne, le tirage au sort était prépondérant pour toutes les institutions exécutives et juridiques.
« Il est démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort, et oligarchique qu'elles soient électives » Aristote.
Le tirage au sort fut également utilisé dans les républiques italiennes pour désigner les dirigeants, ou encore en Suisse pour lutter contre la corruption des élus.
L'usage du tirage au sort pour la sélection de décideurs était généralement considéré comme une des caractéristiques importantes de la démocratie et reconnu pour son caractère égalitaire.
De nos jours il est utilisé pour former des jurés populaires (les jurés d'assise) aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Belgique. Il fut même utilisé pour désigner en 2011 l'assemblée constituante en Islande. D'autres expériences de tirage en sort sont également en développement.
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Dans sa période démocratique, Athènes utilise le tirage au sort pour confier la plupart des tâches à de simples citoyens, notamment celles que n’exerce pas l'Ecclésia (ou Assemblée du peuple)3. Dans la démocratie athénienne, les arkhai ont comme mission de préparer et de mettre en œuvre les lois votées par les différentes institutions. Sur onze cents personnes à désigner chaque année (cinq cents membres du Conseil et six cents autres magistrats), mille sont tirées au sort, le reste étant élu par suffrage. De plus, un citoyen ne peut pas exercer deux fois la même magistrature. Pour être tiré au sort, un citoyen doit être candidat, avoir plus de trente ans et ne pas être sous le coup d’une atimie (privation des droits civique).
Avant d'entrer en fonction, le citoyen désigné par le sort est soumis à la dokimasia, un test qui consiste à vérifier sa moralité (bonne conduite envers ses parents) et qu'il s'est effectivement acquitté de ses obligations fiscales et militaires. Il est possible qu’une personne connue pour ses sympathies oligarchiques soit rejetée à l’issue de l’épreuve. Cette formalité n'a pas pour objectif d’évaluer les compétences du citoyen désigné.
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Tirage_au_ ... _politique
La question de la semaine :Alors que les deux tiers des Français jugent les institutions de la Ve République dépassées*, l'approfondissement de la crise démocratique semble aujour-d'hui inéluctable, car la République est en crise. Alors, que faire ? Et si la solution consistait à introduire du tirage au sort (TAS) en politique ? C'est en tout cas ce que prétendent des universitaires comme Loïc Blondiaux ou Yves Sintomer, l'essayiste à succès David Van Reybrouck (Contre les élections, Babel, 2014) ou encore le blogueur Etienne Chouard. Avec succès puisque cette idée subversive fait aujourd'hui pleinement partie du débat public, à tel point que certaines formations politiques, à l'image de Nouvelle Donne, la reprennent à leur compte.
De prime abord, l'idée ne manque pas de susciter l'intérêt : avec le tirage au sort, c'en est fini en effet de la reproduction sociale d'élites détachées du peuple, c'en est fini aussi de l'endogamie politique et de la cooptation, c'en est fini enfin de la surreprésentation des catégories supérieures dans les sphères du pouvoir. En suivant l'arithmétique de la loi des grands nombres, il serait possible par tirage au sort de composer une assemblée parfaitement représentative de la population, dans toute sa diversité. Mieux : le tirage au sort prononcerait une égalité définitive de tous les citoyens devant l'exercice des charges publiques. « Des idéaux classiques tels que l'égalité de tous les citoyens devant la sélection aléatoire ou l'idée que chacun peut apporter une contribution utile à la solution des problèmes collectifs retrouvent une seconde jeunesse avec les expérimentations actuelles », écrit le sociologue Yves Sintomer. En Islande, par exemple, cette procédure a été remise au goût du jour à la suite de la crise de 2008. Pourtant, à y regarder de plus près, le TAS pose quand même quelques problèmes à l'idéal républicain et pourrait de plus se révéler parfaitement contre-productif.
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LA QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ
Le tirage au sort met donc à mal un autre principe pourtant essentiel à la démocratie : celui de la responsabilité. Un élu est responsable, d'une part, devant les militants qui l'ont investi d'une candidature, d'autre part, devant les électeurs qui lui ont donné un mandat qui l'oblige. Car, contrairement à ce que prétend la rhétorique populiste d'un Etienne Chouard, les élus de la République ne sont pas des « maîtres », mais des mandataires. Or, devant qui pourraient bien être responsables des législateurs tirés au sort ? En outre, il y a fort à parier que, n'appartenant à aucun collectif, les individus portés au pouvoir sans la moindre connaissance des rapports de force inhérents à la politique feraient des proies de premier choix pour les trafics d'influence des lobbies : quoi de plus facile en effet à acheter que quelqu'un qui n'a pas d'image à défendre ? Dans la Res publica, le principe de publicité est une garantie contre la corruption. En consacrant des inconnus sans démarche, le TAS ne peut que limiter dangereusement ce principe.
LE MYTHE ROUSSEAUISTE DU BON SAUVAGE
Mais, pour les partisans du TAS, les personnes engagées politiquement, dans un parti par exemple, ne seraient pas à même d'écrire les règles institutionnelles ou les lois, dans la mesure où, ambitionnant elles-mêmes de gouverner, intéressées donc au pouvoir, elles n'auraient pas en quelque sorte la neutralité attendue. Dans cette perspective, militants et élus actuels sont ainsi réduits à leur fonction ou aspiration d'« hommes de pouvoir » et donc prédestinés à commettre des «abus de pouvoir», comme le prétend encore Etienne Chouard. Pour éviter le conflit d'intérêts, il faudrait donc mettre au pouvoir des hommes qui ne cherchent pas le pouvoir. Mais c'est oublier, d'une part, qu'un homme en position de pouvoir devient de fait un « homme de pouvoir » placé dans une position hiérarchique, celle de l'arbitrage. Oublier, d'autre part, que la « position 0 » (le « voile d'ignorance » dont parle John Rawls) n'existe pas : tous les citoyens occupent dans la structure sociale capitaliste des positions différentes qui influencent leurs façons d'agir ou de penser.
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L'engouement pour le TAS relève enfin d'une vision consensualiste du bien commun : une assemblée sociologiquement représentative de la population trouverait forcément la solution pragmatique à chaque problème, comme si la rivalité des modèles de société et des aspirations contradictoires n'existait pas. Mais la politique ne consiste-t-elle pas au contraire à arbitrer entre des choix contraires en fonction des forces en présence d'une part, de finalités idéologiques, d'autre part ? Le TAS formant le miroir exact d'un peuple monolithique et homogène - dans la mesure où la société n'est plus diversifiée en courants politiques distincts, alors il ne semble plus n'y avoir qu'une politique possible. Fermez le ban.
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L'intégralité de cet article à lire sur Marianne.net
Faut-il tirer au sort les élus ?[/b]