Le développement durable, nouvelle rhétorique universelle

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politicien
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Message non lu par politicien » 21 mai 2011, 13:22:00

Bonjour,


En ce début du XXIe siècle, le "développement durable" fait florès. Devenu aujourd'hui l'impératif catégorique, au moins la feuille de route, non seulement dans le cadre national pour des pays de plus en plus nombreux – Chine comprise – mais aussi à l'échelle de la communauté des nations, il revient rituellement dans les textes issus de l'ONU. Sa présence est également persistante, dans les medias, le discours d'entreprise, voire l'école… Que penser d'un tel succès ?   Première constatation : c'est une véritable flambée conceptuelle qui impose le "développement durable" dans sa dimension universelle au tournant des années 2000.  Certes, la création du concept remonte à 1987 : à l'initiative de l'ONU une commission consacrée "au développement et à l'environnement" débouche sur le rapport Bruntland. Un débat s'ensuit d'ailleurs quant à l'adjectif le plus approprié à retenir. Finalement ce sera "sustainable" en anglais et "durable" en français à l'exception remarquable du Québec qui préfère la traduction "soutenable". Le débat n'est pas si futile : on le verra par la suite, la sémantique est pour beaucoup dans l'acclimatation générale de ce nouveau concept.  Mais ce sont les sommets de Rio (1992) et surtout de Johannesburg (2002) qui consacrent définitivement "le développement durable". L'Europe adopte alors une "stratégie européenne de développement durable" comportant des objectifs que devraient s'approprier les pays de l'Union. En France, une "stratégie nationale de développement durable" (SNDD) est adoptée en 2010 à la suite du Grenelle de l'environnement, avec des objectifs précis et une batterie d'indicateurs.   Deuxième constatation : ce succès européen est explicable car le lien entre le développement et l'interrogation sur le maintien de ses conditions actuelles est une problématique imposée par la vague verte qui peu à peu s'installe dans le paysage politique de nombreux pays, dont la France. On croit discerner que le "développement durable" veut intégrer cette double dimension dans une synthèse en forme d'espoir pour le futur.  Mais les choses sont loin d'être aussi claires. En même temps, en effet, le développement durable, tout aussi bien dans sa version européenne que dans sa version "onusienne", comporte, à y regarder de près plus des thèmes liés au développement humain qu'à l'environnement. Sur les "neuf défis clés" relevés par le Grenelle de l'environnement, quatre ont trait au second : changement climatique et énergies, biodiversité, production et consommation durables, transport durable. Mais cinq se situent sur un tout autre registre : santé publique, démographie-immigration et inclusion sociale, pauvreté dans le monde, société de la connaissance et gouvernance. Surtout aucun lien n'est fait entre ces derniers objectifs et les objectifs proprement environnementaux.   C'est la troisième constatation : le développement durable se fonde sur une ambiguïté ou, peut-être, une dualité sous l'unité apparente du concept.  Cette dualité apparaît très clairement dans la "SNDD" qui, à la suite du rapport Stiglitz commandé en 2009 par le président de la République définit ainsi le "développement durable" : "Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs."   De même, le sommet de Johannesburg s'exprime ainsi : "Pour assurer le développement durable, il faut améliorer la qualité de vie de l'ensemble de la population mondiale sans accroître l'utilisation des ressources naturelles au-delà de ce que peut supporter la planète."  Faut-il penser qu'il y a là la juxtaposition de deux objectifs souhaitables ? L'espoir qu'à terme ils se rejoindront ? Faut-il plutôt croire que le "développement durable" résout la contradiction entre une éradication de la pauvreté qui ne peut être trop regardante sur la dégradation de l'environnement et les impératifs propres à rendre celui-ci "durable" et si oui, par quelle alchimie ?   La question n'a pu être évitée lors du denier sommet par lequel en septembre 2010 à New York, l'ONU a fait le bilan des dix premières années du siècle en ce qui concerne les "objectifs du Millénaire". Comme le soulignait l'économiste Esther Duflo, la réduction de l'extrême pauvreté semble engagée d'un point de vue purement quantitatif. Mais, ajoutait-elle, cet objectif en lui-même n'empêche pas d'une part que la croissance de l'éducation et de la santé qui sont la clé du développement humain restent très insuffisantes, d'autre part que "les progrès sont dus essentiellement aux excellentes performances de la Chine et de l'Inde" lesquelles n'ont pas été acquises dans un souci de préservation de l'environnement.  Manteau de Noé couvrant une dualité d'objectifs dont la synthèse n'a pas encore été trouvée sauf à titre invocatoire, tel est peut-être en ce début de XXIe siècle le "développement durable". On peut en tirer d'ailleurs des conclusions opposées.  On peut ainsi penser qu'il n'est pas si mauvais de disposer d'un terme permettant à toutes les nations du monde de se projeter dans l'avenir par une rhétorique qui est peut-être nécessaire à l'esprit d'universalité. Toutefois, il ne faut pas non plus se cacher que l'invocation d'un "concept attrape-tout" comme disait Roland Barthes peut conduire à une paresse de l'esprit. Il peut aussi servir d'enseigne à bien des choix qui n'ont à voir ni avec le développement … ni avec la durabilité, comme le montre plus d'une publicité commerciale. Il peut surtout cacher sous le voile d'un consensus universel des désaccords fondamentaux qui gagnent à ne pas apparaître : l'échec du sommet de Copenhague l'a bien montré.   Une autre approche, plus critique, est également légitime. Ne serait-il pas moins hypocrite ou du moins plus approprié, de parler de "développement humain" en gardant à l'esprit que ce développement qui passe en premier par l'éradication de la pauvreté, du déficit de santé et d'éducation – n'en déplaise aux pays riches – inclut aussi la capacité humaine à donner des réponses aux défis créés par ce même développement : démographie, épuisement des ressources naturelles, maîtrise de l'énergie, conscience de la nature publique des biens tels que l'eau ? Ce serait là reconnaître le caractère fondamental des besoins de l'"homme" dont la "planète" est en fait la créature que ce soit pour la piller ou pour inventer les solutions de demain.   Qu'en pensez vous ?    A plus tard,   
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racaille
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Message non lu par racaille » 21 mai 2011, 15:34:00

Je suis d'accord avec la conclusion de ce texte qui décèle dans le dogme du développement durable, à mon avis et à juste titre, la perspective très monothéiste d'une Nature mise par Dieu à disposition des hommes afin qu'ils l'utilisent à leur convenance.

D'ailleurs on sent bien que ce dogme se soucie peu des animaux non-humains ; le "capitalisme vert" n'a que faire de leurs intérêts et la sauvegarde de la biodiversité se résume souvent à un exercice pénible de bonne conscience. Puisqu'il existe une case "biodiversité" dans la feuille de route, soit, investissons quelques centaines d'euros (quelques boutons de culotte en vérité) pour la réintroduction, tous les cinq ans, d'un ours et demi dans les Pyrénées.

J'ajoute que l'idée même de développement durable permet le meilleur comme le pire ; les définitions fournies dans le texte ci-haut sont trop lâche pour nous être véritablement utile. En effet, et pour m'en tenir à un seul exemple, il y a tous ceux qui pensent que l'industrie du nucléaire participe au développement durable et ceux qui pensent exactement le contraire. Je lis aussi dans le texte que le dogme du développement durable est à même de résoudre des contradictions ; alors c'est que ces contradictions sont du domaine des idées abstraites - processus typiquement libéral-droit de l'homme - et qu'elles n'ont aucunes prises sur la réalité : elles sont incapables de nous renseigner sur les moyens à mettre en oeuvre puisque ces moyens peuvent être eux-mêmes contradictoires.
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

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Nombrilist
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Message non lu par Nombrilist » 21 mai 2011, 19:10:00

Il est évident que le modèle actuel où l'on demande à la planète de fournir toujours plus année après année (économie basé sur la croissance), n'est pas tenable. Mais on n'en a pas d'autre en stock.
Pour parler du développement durable, il est parfois très positif, surtout lorsque l'on privilégie les productions locales, mais à impact très négatif quand on commence à faire n'importe quoi (agrocarburants, la plus grosse connerie mondiale du début du millénaire).

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racaille
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Message non lu par racaille » 21 mai 2011, 19:23:00

En gros, le développement durable peut être utile à la société tant qu'il ne résulte pas de sombres calculs des nouveaux capitalistes verts. Assez d'accord avec toi là-dessus Nombrilist.
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

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Nombrilist
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Message non lu par Nombrilist » 21 mai 2011, 21:54:00

Oui voilà, c'est bien synthétisé  icon_cheesygrin .

pierre30
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Message non lu par pierre30 » 29 mai 2011, 09:02:00

L'idée du développement durable est très consensuelle : on va continuer à se goinfrer mais on n'abîmera pas la planète de nos enfants. Difficile de faire plus hypocrite ...

pierre30
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Message non lu par pierre30 » 29 mai 2011, 09:13:00

racaille a écrit :Je suis d'accord avec la conclusion de ce texte qui décèle dans le dogme du développement durable, à mon avis et à juste titre, la perspective très monothéiste d'une Nature mise par Dieu à disposition des hommes afin qu'ils l'utilisent à leur convenance.
D'ailleurs on sent bien que ce dogme se soucie peu des animaux non-humains ; le "capitalisme vert" n'a que faire de leurs intérêts et la sauvegarde de la biodiversité se résume souvent à un exercice pénible de bonne conscience. Puisqu'il existe une case "biodiversité" dans la feuille de route, soit, investissons quelques centaines d'euros (quelques boutons de culotte en vérité) pour la réintroduction, tous les cinq ans, d'un ours et demi dans les Pyrénées.
Je suis bien d'accord. Mais ce dogme n'est-il pas à l'origine de la "réussite" de la civilisation occidentale ? De nos jours les occidentaux n'ont-ils pas atteint un tel niveau de confort qu'ils en viennent à s'intéresser à autre chose, c'est à dire à devenir un chouia moins égoïstes ? C'est à mon avis l'illustration de notre hypocrisie : comme les dames de la haute qui passent 2 heures le mercredi après midi à faire l'aumône aux pauvres.

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lucifer
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Message non lu par lucifer » 29 mai 2011, 20:19:00

Perso, je ne suis pas contre. Mais je trouve dégueulasse le café issu de ce systeme de développement durable.
Pour le reste de l'alimentation, c'est guère mieux.
Maintenant que j'habite en province, je suis devenu peace and love. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ( surtout les descendants d'immigrés des cités que j'adore dorénavant )

Zed
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Message non lu par Zed » 30 mai 2011, 11:24:00

politicien a écrit : On peut ainsi penser qu'il n'est pas si mauvais de disposer d'un terme permettant à toutes les nations du monde de se projeter dans l'avenir par une rhétorique qui est peut-être nécessaire à l'esprit d'universalité. Toutefois, il ne faut pas non plus se cacher que l'invocation d'un "concept attrape-tout" comme disait Roland Barthes peut conduire à une paresse de l'esprit. Il peut aussi servir d'enseigne à bien des choix qui n'ont à voir ni avec le développement … ni avec la durabilité, comme le montre plus d'une publicité commerciale. Il peut surtout cacher sous le voile d'un consensus universel des désaccords fondamentaux qui gagnent à ne pas apparaître : l'échec du sommet de Copenhague l'a bien montré.    Une autre approche, plus critique, est également légitime. Ne serait-il pas moins hypocrite ou du moins plus approprié, de parler de "développement humain" en gardant à l'esprit que ce développement qui passe en premier par l'éradication de la pauvreté, du déficit de santé et d'éducation – n'en déplaise aux pays riches – inclut aussi la capacité humaine à donner des réponses aux défis créés par ce même développement : démographie, épuisement des ressources naturelles, maîtrise de l'énergie, conscience de la nature publique des biens tels que l'eau ? Ce serait là reconnaître le caractère fondamental des besoins de l'"homme" dont la "planète" est en fait la créature que ce soit pour la piller ou pour inventer les solutions de demain.    Qu'en pensez vous ?   

Bonjour politicien, bonjour à tous

 On pourrait aussi parler de développement mondial, dans la mesure où la planète n'est pas la créature de l'être humain, mais sa "génitrice", dont il est progressivement devenu le Pygmalion _ ou le Frankenstein ?

En fait, en dépit des enseignements de la jeune science écologique, nous avons _  encore souvent _  tendance à considérer que le développement d'une espèce comme la nôtre se déroule unilatéralement, dans un théâtre passif, alors que l'évolution générale des êtres vivants résulte d'une perpétuelle interaction entre les individus et leur environnement, que nous sommes certes capables d'infléchir, mais dont nous ne pouvons nous affranchir, en tant que partie intégrante (et même "organique", de ce monde, étant donné cette influence grandissante que nous exerçons sur lui).

Dans cette perspective, si l'on veut garder le concept de croissance, il doit être replacé dans son contexte, à savoir la phase initiale de l'adaptation de tout organisme, qui n'implique pas encore la mise en place définitive des fonctions nécessaires à assurer une véritable autonomie.

A bientôt.   

Zed
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Message non lu par Zed » 31 mai 2011, 10:03:00

Bonjour

Désolé d'être sorti du sujet. icon_cry
Je partage les réserves faites ici sur ce qu'on entend aujourd'hui par "développement durable". Mon souci est d'aller au-delà, à la recherche d'un développement qui réponde à cette désignation en ce qui concerne le monde et ses composants : planète, société, personnes, êtres vivants.
Mais peut-être faut-il ouvrir un nouveau sujet....

A+

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racaille
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Message non lu par racaille » 31 mai 2011, 20:55:00

pierre30 a écrit :
racaille a écrit :Je suis d'accord avec la conclusion de ce texte qui décèle dans le dogme du développement durable, à mon avis et à juste titre, la perspective très monothéiste d'une Nature mise par Dieu à disposition des hommes afin qu'ils l'utilisent à leur convenance.
D'ailleurs on sent bien que ce dogme se soucie peu des animaux non-humains ; le "capitalisme vert" n'a que faire de leurs intérêts et la sauvegarde de la biodiversité se résume souvent à un exercice pénible de bonne conscience. Puisqu'il existe une case "biodiversité" dans la feuille de route, soit, investissons quelques centaines d'euros (quelques boutons de culotte en vérité) pour la réintroduction, tous les cinq ans, d'un ours et demi dans les Pyrénées.
Je suis bien d'accord. Mais ce dogme n'est-il pas à l'origine de la "réussite" de la civilisation occidentale ? De nos jours les occidentaux n'ont-ils pas atteint un tel niveau de confort qu'ils en viennent à s'intéresser à autre chose, c'est à dire à devenir un chouia moins égoïstes ? C'est à mon avis l'illustration de notre hypocrisie : comme les dames de la haute qui passent 2 heures le mercredi après midi à faire l'aumône aux pauvres.
Je ne peux évidemment pas répondre à la question de la réussite de notre civilisation tant elle est subjective. Ce que nous avons gagné par l'augmentation de notre longévité et de notre confort a été perdu par l'augmentation de notre aliénation et de notre labeur. Notre ethnocentrisme nous rend souvent hémiplégique. Quoi qu'il en soit tu as raison de noter que cette réussite, si c'en est bien une, n'est le fait que d'une partie de l'espèce au détriment de tout le reste.


Zed a écrit :Bonjour

Désolé d'être sorti du sujet. icon_cry
Je partage les réserves faites ici sur ce qu'on entend aujourd'hui par "développement durable". Mon souci est d'aller au-delà, à la recherche d'un développement qui réponde à cette désignation en ce qui concerne le monde et ses composants : planète, société, personnes, êtres vivants.
Mais peut-être faut-il ouvrir un nouveau sujet....

A+
Déjà il faudrait être certain que la voie du développement sans fin, de la croissance sans fin - même immatérielle - est une nécessité impérieuse, ou une sorte de vérité révélée, selon laquelle nous n'aurions aucun choix possible.
Il est patent que les sociétés qui ont duré le plus longtemps dans l'histoire de l'humanité ne sont pas des sociétés fondées sur la croissance mais sur une juste adaptation au milieu. Certaines mauvaises langues parlent à leur encontre de sociétés de subsistance ; tout ce que l'on peut dire à ce sujet c'est que cette subsistance aura pour le moins été très efficace !
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

Zed
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Message non lu par Zed » 01 juin 2011, 09:18:00

racaille a écrit :Je ne peux évidemment pas répondre à la question de la réussite de notre civilisation tant elle est subjective. Ce que nous avons gagné par l'augmentation de notre longévité et de notre confort a été perdu par l'augmentation de notre aliénation et de notre labeur. Notre ethnocentrisme nous rend souvent hémiplégique. Quoi qu'il en soit tu as raison de noter que cette réussite, si c'en est bien une, n'est le fait que d'une partie de l'espèce au détriment de tout le reste.Déjà il faudrait être certain que la voie du développement sans fin, de la croissance sans fin - même immatérielle - est une nécessité impérieuse, ou une sorte de vérité révélée, selon laquelle nous n'aurions aucun choix possible. Il est patent que les sociétés qui ont duré le plus longtemps dans l'histoire de l'humanité ne sont pas des sociétés fondées sur la croissance mais sur une juste adaptation au milieu. Certaines mauvaises langues parlent à leur encontre de sociétés de subsistance ; tout ce que l'on peut dire à ce sujet c'est que cette subsistance aura pour le moins été très efficace !






Bonjour
Je crois en effet que cette notion d'adaptation est capitale (voir phrase soulignée), particulièrement à ce moment de globalisation de l'économie mondiale et de tout ce qui en dépend _ et qu'est-ce qui ne lui est pas, à l'heure actuelle, assujetti ?
Ce qu'on appelle développement en matière socio-économique n'a pas de raison de différer, dans son principe, du développement en biologie : c'est bien de tendre à la meilleure adaptation par l'acquisition d'un maximum d'autonomie, et donc la recherche d'équilibre dans tous les aspects, entre tous les composants. Avec la globalisation, ce principe, loin de s'arrêter aux frontières des Etats, ne peut que s'appliquer à la société dans son ensemble.

La notion de croissance doit donc bien être révisée dans son acception biologique, d'évolution vers la maturité, l'équilibre des fonctions organiques et l'autonomie dans les relations et les activités. Il ne reste alors qu'à nous poser la question de savoir à quelle étape nous nous situons, à condition de raisonner par rapport à l'ensemble des colocataires de la planète et non en termes nationaux, corporatifs ou sectoriels.

pierre30
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Message non lu par pierre30 » 01 juin 2011, 14:53:00

 Le sujet est vaste.
Le terme de croissance s'applique, dans le discours actuel, à la quantité de biens produits. Cela n'a que peu de rapports avec l'acception biologique que tu définis comme l'évolution vers un équilibre. C'est même le contraire semble-t-il puisque la croisssance en économie se suffit à elle même et n'a pas de but désigné qui permettrait de dire que l'objectif est atteint.
Cette croissance économique, ou ce développement, même immatériel, comme le dit racaille, est-il une nécessité impérieuse pour la société ?
Est-ce que des civilisations ont existé et ont duré sans viser à se développer et est-ce que ce développement visait un objectif identifié ?
 
L'occident au moyen age -

La vie était tournée vers la religion. Le développement visé était spirituel. La vie sur terre n'était que le préalable à la vie éternelle et n'avait guère d'intérêt par elle même. Ce développement spirituel visait-il un objectif dont on pouvait dire qu'il était atteint ? Apparemment oui. L'objectif était atteint lorsque la personne sentait qu'elle avait atteint une sorte d'extase spirituelle (sainteté).
La science était explicative. Elle recherchait la raison (la cause) de toute chose observée. Cette raison était associée à Dieu d'une manière ou d'une autre.

L'occident à partir de la renaissance -

La science a semble-t-il modifié l'orientation de la société dans son ensemble (ou a changé du fait du changement d'orientation de la société ?).
La science a progressivement concentré son attention sur la réalité perçue. Elle est devenue descriptive. Elle a remis cette réalité perçue au centre de l'attention des personnes. On a moins cherché la raison de l'existence pour s'intéresser davantage à l'existence. Le progrès technique (grace à la science) a donné l'impression qu'il pouvait y avoir une évolution associée à la vie terrestre. Cette évolution vise-t-elle un objectif atteignable ?
La science vise à décrire l'ensemble de la nature. C'est un objectif concret.
Mais pour le reste, la société s'est donnée l'objectif d'améliorer sa qualité de vie, ce n'est pas un objectif concret dont on peut dire qu'il est atteint.
La spiritualité a encore sa place, mais à côté des autres objectifs cités.

Je ne connais pas d'autre exemple qui permettrait de compléter le raisonnement.

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racaille
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Message non lu par racaille » 01 juin 2011, 23:21:00

Quand j'évoquais des sociétés qui ne sont pas fondées sur le développement - ni sur la croissance - je pensais plutôt aux sociétés dites "primitives", tout du moins à la plupart d'entre elles. Le tribalisme amazonien, les aborigènes ou les bushmen d'Afrique du Sud par exemple, qui sont des sociétés multi-millénaires. Elle ne sont pas fondées sur l'idée de progrès mais sur celle des équilibres naturels - je rejoins Zed dans l'idée des équilibres, et je pense aussi que l'analogie avec la biologie peut s'avérer pertinent jusqu'à un certain point.

Les sociétés de progrès sont par essence déséquilibrées en cela qu'elles ne cessent de modifier leurs équilibres (par la connaissance, la croyance, la technique, etc.) sans pouvoir nécessairement anticiper les moyens de neutraliser les effets de changements incessants. En gros elles croissent et "mutent" plus vite que ne peut l'admettre le milieu qu'elles tendent à remplir. La notion de progrès implique une lecture du temps particulière, un temps "judéo-chrétien" linéaire qui permet de penser à la fois la causalité et pour les plus fanatique une vraie théodicée. Bref tout ça pour dire que ce choix de vie (société stable contre société de progrès), essentiel, est aussi un critère de longévité. Je précise que loin de moi l'idée de juger ou d'appeler à retourner vivre dans des sociétés de chasseurs-cueilleurs ; ce n'est pas le propos ici de toute façon.

L'idée d'objectif à atteindre est selon moi typique de la lecture linéaire du temps et du progrès qui va avec. Les sociétés ayant un objectif à atteindre sont essentiellement vouées à disparaître en tant que telles : soit elles atteignent leur objectif et le paradigme social change, soit elles échouent et s'effondrent sur elles-mêmes.

L'idée de développement durable est astucieuse car elle tente de mêler ces deux formes de sociétés, le progrès et la stabilité. C'est le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

pierre30
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Message non lu par pierre30 » 02 juin 2011, 06:35:00

Désolé de revenir à la religion.
Les sociétés primitives dont tu parles sont-elles toutes animistes ? Cette religion semble conduire à une harmonie, un équilibre de l'ensemble des humains avec l'environnement. Alors que les sociétés monothéistes positionnent l'homme en tant que propriétaire de la nature. Cette différence n'est-elle pas la cause principale de ce que tu dis ?
racaille a écrit :L'idée de développement durable est astucieuse car elle tente de mêler ces deux formes de sociétés, le progrès et la stabilité. C'est le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière
Je suis plutôt d'accord,  mais je ne crois pas à l'efficacité de cette idée et pas non plus à la sincérité des "civilisés" qui s'y rattachent. Simplement parce qu'ils ne remettent pas en cause l'idée de consommer la nature. Ils parlent de faire durer le stock un peu plus longtemps.

Je crois davantage que la mondialisation, en brassant les philosophies, permettra de faire évoluer la pensée occidentale vers un modèle plus viable à long terme. Le rapport qu'ont les africains, les asiatiques, les arabes, les occidentaux à la nature est assez différent. J'espère qu'il sortira quelque chose de positif de ce brassage. J'espère, mais je ne suis pas certain que ça sera suffisant.

Je suis également surpris par l'efficacité de certains mouvements comme les forum sociaux qui ont apparemment eu une influence non négligeable sur la pensée de leurs concitoyens. Pour quelle raison ?

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