Pierre Bergé a notamment déclaré :
« Je suis probablement une des rares personnes qui puissent s'opposer au Téléthon parce que je suis myopathe. Donc, comme je suis myopathe, je sais un peu de quoi on parle. Soyons clairs, je n'accuse personne de détourner de l'argent mais j'accuse que (le fait d'avoir) 100 millions d'euros pour le Téléthon ne sert à rien. Je dis clairement que ça ne sert d'autant moins à rien que les organisateurs du Téléthon ont trop d'argent. Ils achètent des immeubles, ce n'est pas comme ça que les choses se font »
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« Il y a un Téléthon aux Etats-Unis mais le produit est partagé entre plusieurs organisations. Moi, je parle pour le sida mais il n'y a pas que le Sida : le Téléthon parasite la générosité des Français. Il capte la générosité des Français d'une manière populiste, en montrant des enfants myopathes, en exhibant le malheur des enfants. Je trouve ça absolument inadmissible »
Ce qui rejoint un texte bien connu des opposants au Téléthon, écrit en 2002 et dont je suis, modestement l'auteur mais qui a bien failli disparaitre du Web s'il n'y avait pas eu "Agoravox" pour le sauvegarder d'autant que je ne le retrouvais plus.
Mon texte ( qui est un cri ) a donc plus de 7 ans mais il garde quasiment toute son actualité et je permets de le re publier ici pour le garder intact sur internet.
POURQUOI JE DIS "DEUX FOIS NON AU TELETHON ?????"
- RAISON N°1 : « le téléthon est une invention fabuleuse. Ses « producteurs » ne peuvent que s’en féliciter car ils ont réussi un double concept en une seule formule : transformer un acte paradoxal d’absolution et d’exception en un geste de solidarité institutionnel ! »
Un acte d’absolution ?
Le téléthon n’a pas été créé pour changer les mentalités car la télévision ne saurait réussir là où la religion et la morale laïque ont échoué : un « généreux donateur » n’est pas forcément un citoyen généreux qui acceptera de partager son entreprise, l’école de ses enfants, ses loisirs, son parking de supermarché, bref, quelques heures de sa vie quotidienne avec une personne handicapée . Ce geste banal de « donner au téléthon » est fortement médiatisé, il est donc « essentiel » et ôtera à notre citoyen tout scrupule lorsqu’il s’opposera la création d’une maison d’accueil spécialisée située à moins de cent mètres de son living room !
Le téléthon a donc un but particulier pour la plupart d’entre nous : celui de donner, c’est à dire de rendre sa dette ; cette dette que chaque valide doit aux personnes handicapées par son intolérance, son ignorance, son indifférence …
Un acte d’exception ?
Adhérer à une grande cause en versant son obole : c’est beau, c’est noble ! Mais c’est totalement inique ! Pourquoi donner plus pour les myopathes et moins pour les autistes ( ou inversement ? ) Pourquoi donner moins pour les enfants du Tiers-monde et plus pour les enfants handicapés ( ou inversement ? ). Et les accidentés de la route ? Et le Sida ? Et le cancer ? Et les SDF ? Etc… Etc… Ne nous voilons pas la face car les exemples seraient trop nombreux car donner de l’argent n’a jamais empêché notre « généreux donateur » d’acheter des jouets bons marché « made in india » ou «made in china », ni de fumer dans les lieux publics, ni de rouler comme un dingue, ni de s’inquiéter du sort du clochard au coin de la rue alors qu’il y fait moins dix…
En bref, adhérer à une grande cause c’est totalement c.. si on accepte ce double principe d’absolution/exception, c’est à dire, se donner bonne conscience sans rien changer à ses habitudes.
Donner c’est répondre émotivement sur l’instant en réagissant à une pulsion plus ou moins consciente et surtout irrationnelle ( car enfin, ou va l’argent ? ).
Changer réellement : devenir tolérant et accepter la différence sont des actes autrement plus réalistes et rationnels.
- RAISON N° 2 : « S’attaquer au téléthon c’est chercher le bâton pour se faire battre car le dogme du « charity-business » c’est de diffuser le bien ! Excusez-moi d’insister : je préfère la justice à la charité et j’ai, au moins, deux raisons pour l’affirmer ».
Première raison : l’iniquité du téléthon :
l’AFM ne s’en cache pas : un peu moins de 20% vont aux frais de fonctionnement ( chiffre raisonnable ) car il faut motiver le public et cela coûte cher ! Dans les 80% restant, il y a deux tiers qui iront à la recherche et donc un seul tiers aux bénéfices des personnes handicapés ( en fait, souvent ce que la sécurité sociale ou la collectivité ne veut pas payer ! ) Mais attention ! Cette distribution se fait selon les critères propres à l’association organisatrice ( tous les handicapés ne sont pas myopathes ou atteints de maladie génétique et parmi ceux ci tous ne sont pas à l’AFM ). Je ne reproche pas à cette association de défendre sa chapelle puisque c’est elle qui est à l’initiative, à la création et même à la mise en place du téléthon mais elle a quand même une tendance à agir comme les dames patronnesses de l’ancien temps ( chacun ses pauvres ! ) Elle porte donc une certaine responsabilité : faire croire qu’il s’agit d’une aide très large alors qu’il s’agit d’un secours apporté à une très faible minorité de personnes handicapées. C’est bien sur plus un problème éthique qu’un scandale à proprement parler.
Deuxième raison : la réalité du téléthon :
La plus grande partie des dons vont donc être distribués à la recherche et plus particulièrement sur la recherche sur le génome humain dont le principe est une compétition commerciale .
Un article paru dans « Le Monde » du 09/12/2000 présentant la naissance en France du premier enfant en bonne santé à la suite du diagnostic préimplantatoire ( DPI ) laisse perplexe car, financé en partie par l’argent du téléthon, il ne s’agit pas des résultats d’une recherche aboutissant à une guérison mais à une sélection. Le DPI permet la sélection des embryons, donc l’éradication de la myopathie : quel est la signification profonde, dans ce cas, des gros plans télévisuels sur les petits myopathes lors de cette messe médiatique ?
L’investissement si lourd du Généthon a donc un autre but que la guérison ou que le mieux-être des personnes concernées ! Lorsque tous les handicaps génétiques auront été identifiés et éradiqués, à quoi servira ce merveilleux outil ? A faire d’autres sélections encore plus restrictives ? Cela ne ressemble t il pas à de l’eugénisme ? A l’instar de la myopathie, nous verrons donc disparaître toutes les imperfections génétiques ( trisomie 21, X fragile etc… etc…) et quoi d’autre encore ? Le meilleur des mondes téléthonesques ne serait donc pas un monde où les personnes handicapées seraient reconnues, acceptées, assimilées, soignées, choyées, mais tout simplement un monde où elles auraient disparues.
Mais la mentalité qui encourage cette idée sera toujours là, elle…
Conclusion :
Donc, un jour prochain, un grand laboratoire dans une grande nation occidentale pourra annoncer , avec certitude, aux futurs parents qui se rendront aux consultations d’obstétrique que l’enfant qui naîtra sera parfaitement sain et exempt de toutes tares génétiques. Grâce aux « généreux donateurs », l’exception ne viendra plus alors chagriner la règle. ( les erreurs de diagnostics feront alors la fortune des cabinets d’avocats et des sociétés d’assurances )
Il restera dans ce monde parfait pas mal d’oubliés : des victimes de syndromes aux origines inconnues, des victimes d’accidents nosocomiaux , des « victimes d’accidents de la vie », des victimes de maladies virales , mais pour eux, on gardera quelques maisons au fond la campagne profonde ( cela limitera la désertification rurale ).