Les associations de banlieue font leur rentrée. Quelque 150 organisations de quartier, collectifs contre les discriminations, associations culturelles, épaulés par des centres sociaux, des sociologues et des urbanistes, se réunissent samedi 6 et dimanche 7 septembre à Nantes pour se constituer en fédération nationale, sorte de syndicat des banlieues. Leur constat est qu'une crise majeure secoue silencieusement les quartiers. Ces structures expriment une désillusion politique profonde deux ans après l'élection présidentielle. Leur probable porte-parole, Mohamed Mechmache, président de l’association AC Le Feu de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), coauteur, avec la sociologue Marie-Hélène Bacqué, d’un rapport sur la participation des habitants, revient sur le fossé qui s'est creusé entre leurs attentes et la politique du gouvernement.
LeMonde.fr : François Hollande a été élu il y a un peu plus de deux ans. Manuel Valls a déclaré à La Rochelle qu’il fallait « à nouveau parler aux quartiers populaires ». Comment réagissez-vous ?
Mohamed Mechmache : Ses déclarations ne sont pas cohérentes avec ses actes : comment parler des banlieues, des discriminations, quand on a botté en touche sur le droit de vote des étrangers ? Comment s’adresser aux habitants des quartiers populaires quand, au lieu d’expérimenter les récépissés pour lutter contre le contrôle au faciès, on installe des caméras sur l’uniforme des policiers ? il faut se rappeler que c’était une proposition de Hortefeux ! Depuis deux ans, on a eu beaucoup de discours, des invitations à l’Elysée, pour nous faire croire que les banlieues existent et qu’on a une petite pensée pour nous. Les premiers mois, on y a cru, notamment quand le ministre de la ville [François Lamy] nous a confié une mission sur la politique en direction des quartiers, mais rien n’a concrètement été mis en œuvre. On en est à notre troisième ministre sans qu’on ait l’impression que la situation de crise dans les banlieues ne s’atténue…
On vous sent amer. Il y a eu pourtant un fort engouement pour la campagne de 2012 dans les banlieues.
Mohamed Mechmache : C’est même grâce à leurs bulletins de vote que François Hollande et Monsieur Valls sont au pouvoir ! Mais j’ai l’impression qu’une partie du PS s’est éloignée des classes populaires. Nombre de ceux qui sont dans ces quartiers, qui avaient un petit espoir de changement, s’aperçoivent qu’ils continuent à subir une politique de droite et perdent espoir. Je rencontre tous les jours des gens qui se sont investis pour faire voter les quartiers, et qui me disent qu’ils perçoivent l’indifférence de la gauche au pouvoir. Si le gouvernement ne reprend pas un vrai virage à gauche, n’envoie pas des signes forts à ces classes populaires, j’ai peur que lors des prochaines élections, il y ait deux tentations, l’abstention et le vote pour le FN. Il reste encore deux ans et demi.
Pourtant, depuis deux ans, peu de manifestations de révolte se sont exprimées.
Mohamed Mechmache : On ressent une tension réelle dans nos quartiers. Elle n’est pas visible, ne se manifeste pas par des manifestations ou des voitures brûlées mais quand nos quartiers deviennent silencieux, qu’ils ne vivent plus, c’est un silence inquiétant. Le chômage continue à y croître, les emplois d’avenir ne sont pas la réussite attendue et le décrochage scolaire se poursuit dans un contexte de montée des discriminations, d’islamophobie durement ressentie. Cela créée de la désespérance. Il faudrait que la gauche n’oublie pas que ce sont ces femmes, avec un voile ou sans, ces hommes, à qui elle fait des leçons de laïcité, qui ont mis un bulletin de vote en mai 2012.
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C’est le sens de la constitution du collectif national que vous lancez ce week-end ?
Mohamed Mechmache : On veut constituer une sorte de syndicat des quartiers populaires pour porter les exigences de leurs habitants. Pour dire qu’il s’agit de ne plus subir les politiques ou les réformes qui concernent la vie des banlieues, comme cela se passe depuis trente ans, sans que les huit millions de personnes qui y vivent n’y soient associées. D’en finir avec ce fonctionnement qui fait de nous des réservoirs de voix électorales qu’on vient draguer à l’approche des élections et de coupables quand ça va mal.
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