Financer en France les mosquées et la formation des imams par une taxation des produits halal ? L'idée, déjà ancienne, connaît une nouvelle jeunesse : le nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, entré en fonction le 1er juillet dernier, en fait l'un des principaux points de son programme. L'anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS, à l'Institut de recherche et d'étude sur le monde arabe et musulman (Aix-en-Provence), est spécialiste du halal. Elle explique pourquoi une telle taxation par les autorités religieuses ne pourrait pas être mise en place aujourd'hui.
Le Point.fr : Le projet d'une taxe sur le halal prend modèle sur ce qui fonctionne déjà aujourd'hui pour la cacherout, les règles alimentaires juives. N'est-ce pas une bonne idée ?
Florence Bergeaud-Blackler : La cacherout s'est structurée en France il y a plusieurs siècles, dans un contexte extrêmement différent et sur un modèle artisanal. L'autorité religieuse locale avait le pouvoir sur la certification de la viande et des produits casher en général, et les croyants, loin d'être hostiles à cette répartition, trouvaient normal de participer par leur consommation à l'organisation et à la pérennité du culte. Ce système a été soutenu par l'attribution au Consistoire de Paris du monopole de l'abattage rituel pour la cacherout, en 1980. Le modèle ne fonctionne pas parfaitement, bien sûr. Sous l'effet de la mondialisation et de la libéralisation des échanges, des tendances plus orthodoxes du judaïsme viennent aujourd'hui contester ce monopole et vendre de la viande « plus que casher ». Mais le principe de cette contribution au culte reste acquis dans la communauté juive. Pour le halal, les choses sont très différentes.
Pourquoi ?
Le marché s'est élaboré dans les années 80 à partir des marchés d'exportation vers les pays musulmans, et les abattoirs n'ont pas attendu d'être certifiés par des mosquées pour exporter de la viande tamponnée halal parfaitement acceptée par les pays musulmans. Des entreprises comme le volailler Doux, par exemple, ont vendu du poulet halal aux Saoudiens pendant 40 ans sans contrôle d'une mosquée ou d'une instance religieuse officielle. C'est cette antériorité de l'industrie sur les mosquées dans l'organisation du marché halal qui explique qu'elle rechigne à payer aujourd'hui ce qu'elle appelle une « taxe islamique ». Cela augmenterait les prix, donnerait aux religieux un droit de regard, obligerait à une comptabilité stricte des produits... Or, le marché fonctionne très bien sans contrôle effectif des autorités religieuses. Le halal auquel les clients sont attachés se résume en quelques éléments : viande fraîche, égorgée (mais toutes les viandes sont saignées au niveau des carotides), disponible dans des boucheries tenues par des musulmans...
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