Qu'en pensez vous ?Ne plus pêcher de poissons dans l'Atlantique pendant quelque temps permettrait de protéger les stocks... mais aussi d'augmenter les revenus des pêcheurs de manière permanente. C'est la conclusion de la dernière étude de la New economics foundation (NEF), un think-tank basé à Londres, qui appelle à un moratoire de quelques mois à neuf ans sur les espèces les plus surpêchées en Europe.
"Des années de surexploitation ont conduit à la surpêche de près de la moitié de l'ensemble des stocks de l'Atlantique nord-est, situation nettement plus grave que la moyenne mondiale, alarme la NEF dans ce rapport, intitulé No catch investment et publié vendredi 14 septembre. Des dizaines de milliers d'emplois et des millions de tonnes de nourriture ont déjà été perdus du fait de la surpêche, et bien d'autres sont menacés si les dégâts qu'elle occasionne deviennent définitifs – la survie du secteur de la pêche dépend déjà de subventions."
De fait, les prises de poissons par les chalutiers européens dans l'Atlantique nord-est et en Méditerranée ont chuté de 7 millions de tonnes en 1975 à 4 millions de tonnes en 2010. Dans le même temps, la courbe des emplois a suivi la même tendance à la baisse : le secteur, qui comptait 30 000 pêcheurs en France il y a trente ans, n'en emploie plus que 10 000 aujourd'hui. A l'inverse, la consommation de poisson des Européens ne cesse d'augmenter, de 2 % par an selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, car aujourd'hui le Vieux-Continent importe 65 % du poisson mangé et exploite les ressources halieutiques d'autres pays qui n'ont pas encore épuisé leurs stocks.
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Au-delà des bienfaits pour les écosystèmes, la reconstitution totale de ces stocks entraînerait de surcroît des bénéfices à long terme pour l'industrie de la pêche : à l'horizon 2023, 16,9 milliards d'euros de recettes brutes seraient ainsi générées chaque année, soit un triplement de la valeur totale actuelle des prises de poissons.
COÛT D'INVESTISSEMENT COMPENSÉ
A court terme, bien sûr, ce moratoire impliquerait un coût, puisqu'il faudrait compenser l'absence de revenus des pêcheurs et maintenir les navires pendant les périodes de non-pêche. Mais cet investissement, la NEF le chiffre à 10,5 milliards d'euros pour l'ensemble de la période de transition entre 2013 et 2022, soit bien moins que les bénéfices retirés à long terme par la mesure. "Pour un euro investi, un bénéfice de 1,48 euro est généré au cours de la première décennie. En l'espace de 40 ans, les profits sont de 14 euros pour 1 euro investi", calcule le think-tank, qui estime que ces coûts seraient essentiellement financés par des investisseurs privés intéressés dans la perspective d'un retour sur investissement.
A l'horizon 2023, 16,9 milliards d'euros seraient générés chaque année par la reconstitution des stocks de poisson, contre 10,5 milliards de dépensés, répartis entre 2013 et 2022.
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Mais depuis, les négociations sont au point mort. En juin, le Conseil européen des ministres de la pêche, qui s'est tenu au Luxembourg, a échoué à prendre des mesures contre la surexploitation des ressources. Interdiction de rejeter à la mer les prises "accessoires" – les poissons trop petits ou d'une espèce non commercialisée –, étiquetage obligatoire des produits de la mer pour éclairer le consommateur sur les conditions de leur capture, concessions de pêche transférables : toutes les mesures envisagées par la réforme de la pêche ont été remises à plus tard. A l'automne, ce sera au tour des parlementaires européens de se saisir de cette réforme si disputée. Pour peut-être enfin glaner quelques avancées.
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A plus tard,