]Disparition des Abeilles: Les monocultures
Nous pourrions parler de très longues heures sur les pesticides, et lancer un vaste débat mais ce n'est pas le but de mon site. Je vous laisse pour cela le soin de regarder les émissions et reportages télé (Je vous recommande l'excellent film "Le Titanic Apicole") Mais si quelque chose me tient à cœur, c'est de parler ici des cultures et des monocultures.
Les groupes phytosanitaires ont en effet mis au point depuis plusieurs années des molécules capables de réduire le volume des traitements. Ainsi par exemple, la tendance à la pulvérisation s'estompe au profit des semences enrobées. L'agriculteur plante donc maintenant des semences qui n'auront pas besoin de traitements insecticides tout au long de leur croissance. Comme nous l'avons vu un peu plus haut, cet insecticide systémique va suivre en parallèle toute la croissance de la plante jusqu'à sa récolte. Ainsi, l'abeille qui en récolte le pollen, rapporte à la ruche un véritable poison pour les larves à naître. L'abeille n'a aucun moyen de savoir que le pollen est contaminé et qu'il représente un véritable danger. Trois cultures en France sont principalement et directement impliquées dans le syndrome de la disparition des abeilles: Le Tournesol, le Colza et le maïs (Le blé également mais les abeilles n'y vont que très rarement).
Partout où il y a de telles cultures, hormis bien entendu les zones de cultures biologiques, on peut hélas constater des taux de mortalité nettement supérieurs à la moyenne. Ces taux, soit dit en passant, peuvent atteindre plus de 80% du cheptel de l'apiculteur
Dans le grand débat sur les OGM, j'ai moi-même constaté la perte de plus de 80% de mes ruches en présence de champs de maïs OGM. Mais OGM ou pas, c'est la même désolation. Voici mon expérience à ce propos:
La fin programmée de la Transhumance ?
Il y a quelques années, alors que mon cheptel se multipliait très correctement d'une façon exponentielle, je fus attiré par la transhumance en pensant qu'il serait bien de produire d'autres essences que notre "miel de montagne". D'autre part, je trouvais l'idée séduisante d'offrir à nos abeilles, des fleurs différentes ou en quantités importantes alors que nos floraisons locales étaient terminées.
J'ai donc passé quelques petites annonces dans les journaux gratuits de plusieurs départements de France afin de rechercher des terrains d'accueil pour mes ruches..
J'en ai trouvé immédiatement un peu partout, ne me laissant que l'embarra du choix. Et c'est ainsi que je fis la connaissance d'un agriculteur de la Nièvre qui me vanta la qualité de son travail sans aucun traitement aux pesticides.
De plus, il faisait des semences en "décalé" misant sur de belles arrières saisons.. Séduit par l'idée et devant l'immensité de ses cultures de sarrasin notamment, je décidais d'implanter un rucher d'une centaine de colonies, tout content de trouver une source riche en pollen pour mes abeilles..
Nous voilà donc en route pour notre première vraie transhumance..
Au moment du lâcher, entendez de l'ouverture de mes ruches, ce fut un spectacle hallucinant de bonheur.. Les ruches "crachaient le feu" à se demander comment autant d'abeilles pouvaient être concentrées dans une seule unité .. Des SBDC !! (Super Bêtes de Compétition). En quelques minutes, elles étaient déjà sur les fleurs..
Moins de quinze minutes après l'ouverture de la première ruche, les abeilles rentraient déjà les pleines pattes de pollen.. Quoi de plus merveilleux ? Sur le chemin du retour, Christine et moi discutions dans une certaine euphorie d'un spectacle que nous n'avions jamais connu jusqu'à ce jour. Étant donné que ce gros rucher était situé à plus de 180 Km de chez nous, nous avions disposé une hausse sur chacune d'elle, bien qu'il leur restait à tirer à toutes encore un cadre ou deux.
Nous espérions une récolte se chiffrant à plusieurs tonnes tant l'étendue de culture était conséquente. Je me souviens même m'être interrogé sur le fait bizarre qu'aucun apiculteur des environs n'ait proposé d'implanter des ruches..
Je ne vais pas tarder à constater la disparition de mes abeilles..
Une dizaine de jours plus tard, nous venons effectuer notre première visite d'estimation. Les hausses étaient pleines à 50% aussi, nous décidâmes de placer une hausse supplémentaire.. Jusque là, notre estimation semblait se dessiner et prendre tournure. L'agriculteur nous expliquait qu'il voyait des abeilles partout sur ses champs et que lui aussi envisageait une bonne récolte.. Un super partenariat en quelques sortes.. Oui mais..
J'observais alors que les allers et venues des abeilles n'était pas aussi conséquents que le premier jour.. Vu le vent du nord qu'il y avait, je ne m'inquiétais donc pas outre mesure d'autant plus que les ruches exhalaient un parfum de crêpes au sarrasin.. hum ! de quoi étouffer la moindre suspicion. Il y avait du monde dans les ruches, du couvain et de la ponte.. Tout pour rassurer.. Et pensant aux presque 200 hausses à miel disposées maintenant sur le rucher.. il y avait de quoi s'émerveiller mais aussi rentabiliser ce fort coûteux déplacement. Était-ce cela la récolte du siècle dont chaque apiculteur a sa petite histoire à raconter ?
Une dizaine de jours plus tard, alors que la floraison du sarrasin battait son plein (c'est une floraison qui va de Août jusqu'aux premières gelées) et que son tournesol tardif en culture décalée présentait ses premières fleurs, je fus surpris en entrant sur le rucher de ne pas voir un vol d'abeilles important. Le temps était au beau, la température était celle d'un début de mois d'Août, chaude mais pas trop.. et pourtant.. presque pas d'abeilles.
Devant les ruches, quelques cadavres de larves et de jeunes abeilles mais pas exagérément ni de quoi inquiéter. Le premier constat de la première ruche ouverte nous laissa voir qu'il n'y avait pas d'abeilles dans la seconde hausse et très peu dans la première. Le miel était en voie de disparition et sur les 50% estimés lors de notre passage précédent, la quantité devait à peine atteindre les 10%. Continuant notre visite, nous découvrons alors que nos "SBDC" étaient devenues nonchalantes ce qui n'avait jamais été le cas depuis notre entrée en Apiculture.
Dans certaines ruches, il n'y avait presque plus d'abeilles.. Rencontrant donc l'agriculteur, je lui demandais s'il avait effectué un traitement.. Il me fit la promesse sur son honneur qu'il n'avait rien fait de tel, mais qu'il avait également observé une activité très réduite de nos ruches et souhaitait à l'inverse, obtenir de ma part une explication
Disparition des Abeilles.. en plein dans le mille pour des années !
Le Sarrasin est une plante moyennement mellifère mais étant donné la longévité de sa floraison jusqu'au mois de novembre, il n'était pas possible de connaître une "famine" pour nos abeilles..
Travail inverse donc. nous retirâmes toutes les secondes hausses et opérâmes sur quelques ruches au rassemblement des cadres de couvain..
A la mi-Août, lors d'une nouvelle visite, la catastrophe qui s'annonçait se confirma. Plus du tout de miel dans la hausse et situation de famine pour l'ensemble des ruches. Ayant prévu un nourrissement de secours au cas, où, tout notre sirop fut englouti en quelques heures.
En colère emprunte de désarroi, nous décidâmes de rapatrier le rucher d'urgence pour essayer de sauver ce qui pouvait l'être. Au moins, nous serions sur place pour nous occuper de nos abeilles.. L'agriculteur continuait à jurer les grands dieux qu'il n'avait pas traité.
Cette année là, nos cent ruches furent totalement décimées. Mais tout ne s'arrêtait pas avec la seule perte de ce rucher. (Lisez bien ce qui suit car cela doit vous servir)..
En triant toutes nos ruches décimées, nous avons mis de coté tous les cadres propres et pouvant resservir et profité de passer à la chaudière à cire, tout ce qui était vieux. Certains cadres étaient chargés de pollen, nourriture indispensable à l'élevage des larves. Nous en fîmes immédiatement profiter à l'ensemble de nos jeunes colonies qui en avaient le plus grand besoin. Puis, la fin de saison étant là, nous arrêtâmes notre activité apicole pour quelques jours de repos bien mérités.
Le printemps de l'année suivante allait nous laisser un goût amer de désolation. Alors que nous procédions à une visite de printemps comme chaque année, nous découvrîmes des ruches mortes, avec une toute petite poignée d'abeilles blotties dans les cellules, et réparties en cercle. Sur les planchers, tout juste quelques abeilles mortes, sans plus.. devant les ruches, pas de cadavres en particulier..
Au total, 108 ruches décimées ! Mais que s'est il encore passé ? Devais-je envisager d'arrêter mon activité car je n'étais qu'un piètre apiculteur ? .. Quand le doute s'installe, on ne sait plus.. Bien que je sois un homme, mon coeur était déchiré et poignardé par une question: "Pourquoi ?"
Laissez moi vous dire que j'ai passé au crible tout ce que nous avions fait ou pu faire ou ne pas faire.. Puisque nos fiches de travail tracent tout ce que nous opérons dans chacune de nos ruches, c'est ainsi que je compris que le seul lien qui unissait tout cela tenait dans le pollen. Les ruches qui n'avaient pas reçu des cadres de pollen en renfort avaient bien passé l'hiver. Toutes les autres sans exception furent découvertes mortes.
Suspectant une maladie virale, nous éliminâmes tous les cadres (même des cadres de moins d'une saison) afin de stopper l'hémorragie. Cette année là, nous avons travaillé dur à la reconstitution de notre cheptel et nous avons passé un peu plus de 1500 cadres au feu !
Travaillant d'arrache-pied du matin au soir pendant toute la saison, notre cheptel commençait à reprendre forme.
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