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par El Fredo » 31 août 2019, 11:26:48
Il faut distinguer gestion des ressources et neutralité carbone.
Les ressources peuvent être renouvelables ou non. Le bois est une ressource renouvelable, pas le pétrole ni l'uranium. La géothermie non plus (les gisements thermiques s'épuisent avec le temps).
Les ressources renouvelables peuvent également être en quantité limitée (surface des forêts ou des exploitations agricoles servant à la production de biocarburant) ce qui limite l'échelle à laquelle elles peuvent être exploitées.
Pour qu'une énergie soit neutre en carbone il faut que son usage soit compensé.
On qualifie en général d'énergie renouvelable une énergie basée sur une ressource renouvelable qui est neutre en carbone en phase de production. L'inconvénient de cette définition c'est qu'elle ne tient pas compte du cycle de vie dans son intégralité :
- début de vie (construction des éoliennes, des barrages...)
- fin de vie (déconstruction, recyclage des matériaux)
Etant donné l'urgence climatique il faut sortir de cette définition et prendre en compte l'ensemble du cycle de vie, et pas seulement la phase de production. La priorité étant la neutralité carbone et pas l'aspect renouvelable. Donc les éoliennes, les barrages, les centrales nucléaires, le bois, etc., toutes ces formes d'énergies doivent être compensées sur l'ensemble de leur cycle de vie. Il faut compenser les dispositifs de production d'énergie ainsi que toutes les externalités.
La façon la plus courante de compenser le carbone est de planter des arbres.
La pire chose qui puisse arriver au climat c'est les incendies de forêt, car ils réduisent à néant notre principal mécanisme de compensation carbone. Cette année rien qu'en Sibérie il a plus brûlé de surface forestière en 3 mois que dans le reste du monde l'année dernière.
Compenser une ressource renouvelable comme le bois est simple car la compensation est intégrée au cycle de la ressource : on replante un arbre pour chaque arbre coupé (on peut même en replanter plusieurs pour améliorer le bilan ou gommer l'investissement initial). Quant aux externalités, il faut compenser les activités forestières, la transformation, le transport et les dispositifs de combustion et de récupération d'énergie (chaudière, cheminée etc).
Compenser une éolienne c'est bien plus compliqué, ça ne pousse pas dans les champs. Donc il faut compenser la production, l'installation et la déconstruction des éoliennes. Et comment on les compense ? En plantant des arbres (qu'on ne peut pas couper).
Concernant le nucléaire, c'est la forme d'énergie non renouvelable la plus proche de la neutralité carbone en exploitation. Et sur l'ensemble du cycle de vie elle est meilleure que les éoliennes. Pour la compensation, on plante des arbres.
La conclusion à laquelle j'aboutis est la suivante : face à l'urgence climatique il faut investir massivement dans les énergies qui sont les plus simples et les moins coûteuses à compenser, dont les ressources sont les plus simples à gérer, et qui peuvent monter en puissance très rapidement. Donc dans cette ordre :
1. Centrales nucléaires de dernière génération pour la production massive d'électricité, compensée par le bois.
Avantages :
- quasi neutre en carbone sur l'ensemble du cycle de vie, donc effort de compensation moindre
- consommation de ressources très faible : superficie du terrain, carburant...
- production très importante, suffisante pour remplacer très rapidement les énergies carbonées (compter 5 à 10 ans pour construire et mettre en production une centrale, donc moins de temps qu'un arbre met pour pousser)
Inconvénients :
- ressource non renouvelable, mais néanmoins en quantité suffisante pour assurer nos besoins le temps de monter en charge sur les autres solutions, avec planification du remplacement des centrales sur plusieurs décennies
- pas généralisable
- problèmes géopolitiques, combat idéologique
2. Bois
Avantages :
- compensation intégrée à la filière
- ultra simple à gérer et à produire
- production locale voire autoproduction
- technologie maîtrisée
Inconvénients :
- consommation de surface
- pollution atmosphérique à maîtriser
- nécessite un contrôle de la filière pour éviter la surexploitation (labellisation notamment)
3. Biogaz et biocarburants à bilan carbone négatif (donc pas de biodiesel, mais du bioéthanol par exemple)
Avantage :
- naturellement compensé sur un cycle court (cycle des moissons pour les biocarburants, alimentation animale ou déchets végétaux pour le biogaz...)
- simple à mettre en oeuvre
- filière rentable pour le secteur agricole
- production décentralisée
- réseau de distribution existant
- peu d'impact sur le parc roulant existant, qu'on n'aura pas besoin de remplacer avant sa fin de vie naturelle (production de nouveaux véhicules), ni sur le parc installé gaz (chaudières, centrales...), donc externalités réduites au minimum
Inconvénient :
- consommation de surfaces agricoles pour les biocarburants (sauf ceux de dernière génération)
- concurrence avec l'alimentation
- déboisement et impact environnemental (donc comme pour le bois, nécessité d'un contrôle de la filière)
4. Solaire, compensé par le bois
Avantages :
- facile à mettre en oeuvre quelle que soit l'échelle : de quelques W à plusieurs centaines de MW
- décentralisé
- vaste surface disponible pour l'installation : toitures, parkings, etc.
Inconvénients :
- filière polluante
5. Eolien, compensé par le bois
Avantages :
- montée en puissance
Inconvénients :
- complexe à mettre en oeuvre
- bilan carbone médiocre sur le cycle de vie
- problèmes réglementaires
- intermittent, nécessite du stockage ou des "réseaux intelligents"
J'ai volontairement exclu la construction de nouvelles centrales hydroélectriques qui sont un désastre écologique, par contre il faut bien évidemment utiliser au maximum celles dont on dispose déjà (coucou la Norvège, bande de veinards). Idem pour la géothermie qui n'est ni généralisable ni renouvelable, sauf dans des cas particuliers (Islande).
Il n'y a pas non plus d'hydrogène car ce n'est pas une source d'énergie, il faut le produire avec de l'électricité elle-même produite avec l'un des moyens sus-mentionnés.
La France a la chance immense d'avoir un parc nucléaire en très bon état, donc on n'a que peu d'effort à faire pour atteindre la neutralité carbone avec une consommation de ressources maîtrisée.
A contrario l'Allemagne a fait le choix politique de sortir du nucléaire trop tôt, ce qui ralentit leur trajectoire de neutralité : en effet ils développement énormément les EnR mais pas assez vite pour réduire leur production carbonée. En conservant le nucléaire encore un peu de temps ils auraient pu se débarrasser de leurs centrales à charbon au profit des EnR et atteindre la neutralité carbone avec une trajectoire de sortie du nucléaire à terme.
Si vous avez d'autres avis je serais ravi de les entendre à partir du moment où ils sont étayés ou réalistes, donc pas de truc idéologique à la yakafokon, d'assertion non sourcée ou non chiffrée, ou de plans sur la comète, merci.
J'ai pas tout relu alors j'espère ne pas avoir laissé traîner des coquilles mais j'ai sûrement oublié des trucs.
If the radiance of a thousand suns were to burst into the sky, that would be like the splendor of the Mighty One— I am become Death, the shatterer of Worlds.