Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Venez parler ici de l'actualité étrangère et européenne
Avatar du membre
Yakiv
Messages : 16560
Enregistré le : 09 avr. 2016, 18:10:15

Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Yakiv » 20 sept. 2020, 19:43:50

Jusqu'au décès de la juge progressiste Ruth Ginsburg, la Cour Suprême des USA se composait de 9 juges : 5 conservateurs contre 4 libéraux. Depuis des années, 1 des juges conservateurs, le plus centriste, joue régulièrement le rôle de pivot, permettant à la Cour Suprême de trouver un équilibre et de refléter une certaine modération. Jusqu'en 2018, il s'agissait du juge Anthony Kennedy. Depuis c'était le rôle du juge John Roberts.

Mais si Trump nomme une juge ultra-conservatrice avant de perdre sa ré-élection, il laissera une Cour Suprême profondément déséquilibrée, la plus conservatrice de son existence. Ce qui aurait de fortes implications sur plein de sujets.
Libération a écrit :
Avortement, droits LGBT, Obamacare : les périls d'une Cour suprême plus conservatrice
Par Isabelle Hanne, Correspondante à New York — 20 septembre 2020 à 12:09

Les conséquences de la mort de la juge progressiste Ruth Bader Ginsburg et son remplacement probable par un magistrat conservateur laissent planer de nombreuses menaces sur la société américaine.

La mort de la juge progressiste et doyenne de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, vendredi, offre aux républicains la possibilité de consolider la majorité conservatrice de la plus haute instance judiciaire américaine. Qu’il soit réélu ou non le 3 novembre, le président Donald Trump pourrait parvenir à faire confirmer par le Sénat son candidat – a priori sa candidate –, avant la prochaine investiture, le 20 janvier 2021. Il s’est engagé auprès de son électorat, et notamment la droite religieuse, à nommer un magistrat aux valeurs chrétiennes conservatrices.

En veillant à la constitutionnalité des lois, les neuf juges de la Cour suprême, nommés à vie, arbitrent des débats cruciaux, de la peine de mort au mariage de personnes de même sexe en passant par les droits civiques. Une majorité de six juges conservateurs, contre trois progressistes, pourrait façonner durablement le droit, et la société américaine, en restreignant le droit de vote, en limitant encore plus un droit à l’avortement déjà rogné dans plusieurs Etats, ou en renforçant les libertés religieuses et le port d’armes. «Des générations de décisions judiciaires sont en jeu», prévient le stratège démocrate Antjuan Seawright.

Bouleversement des équilibres
Depuis le début de son mandat, Donald Trump a déjà pu installer deux juges conservateurs dans le temple du droit américain : Neil Gorsuch en 2017 et Brett Kavanaugh l’année suivante. Ils remplaçaient tous deux des juges nommés par le président républicain Ronald Reagan – le très conservateur Antonin Scalia, mort en 2016, et Anthony Kennedy, parti à la retraite en 2018. Ce dernier, plus modéré, était considéré comme le «Swing Justice» de la Cour, votant tantôt avec les conservateurs (restrictions du droit de vote, blocage d’une législation sur le contrôle des armes, autorisation du financement illimité des campagnes électorales par les entreprises), tantôt avec les progressistes (mariage gay, restrictions à la surpopulation carcérale ou au recours à la peine de mort).

Dans la Cour Suprême remaniée par Trump, c’est le président de la Cour, John Roberts, nommé par George W. Bush et grand défenseur de l’indépendance de l’institution, qui semble avoir endossé ce rôle, votant parfois avec ses confrères progressistes. Lors de sa dernière salve de décisions rendues en juin, la Cour suprême a d’ailleurs infligé plusieurs camouflets au président républicain, qui les a taxés d'«horribles et orientées politiquement». La Cour a validé les protections accordées par l’administration Obama aux «dreamers», ces jeunes immigrés arrivés clandestinement sur le territoire national, auxquelles Trump souhaitait mettre fin. Elle a invalidé une loi de Louisiane, qui restreignait drastiquement l’accès à l’avortement. Et rendu une autre décision défavorable à l’exécutif, en considérant que la loi sur les droits civiques de 1964 s’appliquait aussi aux discriminations à l’emploi fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Avec six juges conservateurs contre trois progressistes, Roberts perd son vote décisif : une défection à droite ne suffira plus à conserver ce fragile équilibre idéologique. Avec des répercussions potentiellement considérables. «Il n’y a eu qu’une seule décision de la Cour suprême qui affirme les droits des personnes trans, celle de juin qui concerne seulement les protections à l’emploi, et c’était un petit miracle, note l’activiste transgenre et ancienne militaire Charlotte Clymer. Une Cour à neuf juges, avec une majorité conservatrice de six à trois, détruirait efficacement le futur des droits des transgenres.»

Obamacare
Premier sujet à l’agenda, la Cour suprême doit examiner en novembre une nouvelle tentative, par le camp républicain, de détricoter l’Affordable Care Act (Obamacare). Dans une Amérique endeuillée par le Covid-19 (près de 200 000 morts et 6,7 millions de personnes infectées), le parti de Trump n’a en effet jamais cessé sa croisade contre la réforme de l’assurance santé de Barack Obama, qui a notamment permis à 25 millions d’Américains, les plus pauvres et les plus vulnérables du pays, de bénéficier d’une couverture santé.

Lors d’une précédente offensive devant la Cour suprême, en 2012, le Chief Justice Roberts avait voté avec les progressistes, permettant le sauvetage de la réforme emblématique du président démocrate. Une position qui pourrait s’avérer insuffisante cette fois, avec l’arrivée d’un sixième juge conservateur. Une annulation d’Obamacare supprimerait la couverture santé de millions d’Américains et permettrait aux compagnies d’assurances de prendre à nouveau en compte les antécédents médicaux pour faire payer plus cher, voire refuser de couvrir les patients considérés comme à risque.

Avortement
Donald Trump, qui s’est engagé dès 2016 à remplir les tribunaux de juges antiavortement, a affirmé samedi soir qu’il proposerait «dès la semaine prochaine» un nom, celui d’une femme, pour remplacer Ruth Bader Ginsburg. L’exécutif a eu tout loisir de préparer l’après-«RBG», malade depuis longtemps. Voulant donner des gages à ses alliés et mobiliser ses électeurs, le président américain avait publié le 9 septembre une liste de candidats potentiels. Parmi ceux-là, Amy Coney Barrett, une juge fédérale de la cour d’appel des Etats-Unis, 48 ans, semble tenir la corde. Cette catholique fervente, mère de sept enfants, a montré à plusieurs reprises son hostilité envers les droits reproductifs. «Le dogme religieux vit bruyamment en vous», lui avait reproché la sénatrice démocrate Dianne Feinstein lors de son processus de confirmation en 2016. Amy Coney Barrett avait rétorqué qu’elle savait faire la distinction entre sa foi et «ses responsabilités de juge».

Sa nomination ou celle de tout autre magistrat conservateur, en remplacement de Ruth Bader Ginsberg, est un coup dur pour les défenseurs de l’avortement. L’icône progressiste a consacré sa carrière de juriste, puis de juge, à défendre les droits des femmes et à réaffirmer la constitutionnalité de Roe vs Wade, l’arrêt de 1973 qui a légalisé de facto l’IVG aux Etats-Unis. Et que la droite religieuse américaine combat depuis le premier jour.

La Cour suprême n’aura que l’embarras du choix : de nombreuses lois votées dans des législatures d’Etats à majorité républicaine, bloquées pour leur caractère anticonstitutionnel, progressent de tribunaux en cours d’appel dans le but assumé de remonter jusqu’à la plus haute instance, et ainsi tester la résistance de Roe vs Wade. «Depuis 2011, les opposants à l’avortement dans les législatures d’Etat ont soumis au vote plus de 450 lois néfastes pour rendre l’accès à l’IVG pratiquement impossible, rappelle Nancy Northup, la présidente du Center for Reproductive Rights. Des dizaines sont en ce moment en attente dans les tribunaux fédéraux ou d’Etat.» A l’instar des «Heartbeat Bills», ces lois votées en 2019 dans l’Ohio, le Missouri, la Louisiane ou la Géorgie, qui interdisent aux femmes d’avorter dès que les battements de cœur du fœtus peuvent être détectés. Ou la loi HB 314, promulguée en mai 2019 en Alabama, qui vise à interdire l’avortement même en cas d’inceste ou de viol, et punit de 10 à 99 ans de prison les médecins le pratiquant.

Liberté religieuse et droits LGBT
Dès le lendemain de l’élection, la Cour suprême doit se pencher sur un cas qui oppose liberté religieuse et droits LGBT. En 2018, la ville de Philadelphie a décidé de couper ses financements et d’arrêter de travailler avec les Catholic Social Services, une agence confessionnelle de placement en familles d’accueil qui refusait de confier des enfants à des couples homosexuels. L’agence, qui a porté l’affaire devant les tribunaux, affirme que la décision de la municipalité viole la liberté religieuse.

Si cet argument l’emporte à la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis (il a été rejeté par deux tribunaux), la Cour suprême donnerait aux organisations confessionnelles, qui reçoivent des financements publics, le droit d’imposer des critères religieux aux parents adoptifs. Les conséquences d’un tel avis dépasseraient très largement la question de l’adoption. En 2018 déjà, la Cour suprême s’était prononcée en faveur d’un pâtissier du Colorado qui avait refusé de confectionner un gâteau de mariage pour un couple homosexuel au nom de ses croyances religieuses.
https://www.liberation.fr/planete/2020/ ... ce_1799979

Avatar du membre
Camille
Messages : 4150
Enregistré le : 23 avr. 2020, 13:45:48

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Camille » 20 sept. 2020, 22:47:33

N'oublions pas que le ou la candidate de Trump devra être validé(e) par le Sénat. Les républicains y ont une majorité de 53 sièges sur 100 mais il y a déjà deux sénatrices républicaines qui refusent de prendre part au vote, ce qui nous ramène à une majorité très courte de 51 voix sur 100... Dans l'hypothèse d'un 50-50, c'est le vice-président Mike Pence qui tranche...

Dans l'hypothèse où Trump perd, il pourrait toujours en théorie procéder à la nomination, juste avant l'Inauguration Day de janvier. Mais je doute fort que les Républicains gardent le Sénat (qui sera renouvelé à hauteur de 35 %) dans ce cas de figure.

Avatar du membre
Yakiv
Messages : 16560
Enregistré le : 09 avr. 2016, 18:10:15

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Yakiv » 20 sept. 2020, 22:55:52

Camille a écrit :
20 sept. 2020, 22:47:33
N'oublions pas que le ou la candidate de Trump devra être validé(e) par le Sénat. Les républicains y ont une majorité de 53 sièges sur 100 mais il y a déjà deux sénatrices républicaines qui refusent de prendre part au vote, ce qui nous ramène à une majorité très courte de 51 voix sur 100... Dans l'hypothèse d'un 50-50, c'est le vice-président Mike Pence qui tranche...

Dans l'hypothèse où Trump perd, il pourrait toujours en théorie procéder à la nomination, juste avant l'Inauguration Day de janvier. Mais je doute fort que les Républicains gardent le Sénat (qui sera renouvelé à hauteur de 35 %) dans ce cas de figure.
Le plus triste, je trouve, c'est que cette procédure est tout récente, elle a 3 ans, promulguée sous mandat Trump.
Avant 2017, il fallait une majorité qualifiée des 3/5ème...

Avatar du membre
johanono
Messages : 37485
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par johanono » 21 sept. 2020, 08:07:49

La juge Ginsburg bénéficiait d'une certaine aura.

Toutefois, il faut souligner qu'elle aurait pu, comme d'autres avant elle, prendre sa retraite à 80 ans, sous la présidence Obama. Dans ce cas, c'est Obama qui aurait procédé à son remplacement. Mais elle s'est accrochée à son poste, prenant ainsi le risque de décéder sous une présidence républicaine.

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Nombrilist » 21 sept. 2020, 08:09:16

Ce truc suprême est une anomalie dans une démocratie. Même en Chine ils n'ont pas ce machin.

Avatar du membre
johanono
Messages : 37485
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par johanono » 21 sept. 2020, 08:14:22

En France, il y a un Conseil constitutionnel. En Allemagne, il y a une Cour constitutionnelle...

Avatar du membre
Camille
Messages : 4150
Enregistré le : 23 avr. 2020, 13:45:48

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Camille » 21 sept. 2020, 08:56:18

C'est surtout le mode de désignation qui est absurde, celui de faire nommer à vie un juge par le président du moment. De plus, la Cour Suprême a bien plus de pouvoirs que la plupart des cours constitutionnelles.

Avatar du membre
merlin
Messages : 4214
Enregistré le : 31 juil. 2012, 21:01:54
Localisation : BREIZH

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par merlin » 21 sept. 2020, 12:28:44

Nombrilist a écrit :
21 sept. 2020, 08:09:16
Ce truc suprême est une anomalie dans une démocratie. Même en Chine ils n'ont pas ce machin.
Ya t'il une vraie démocratie parlementaire aux USA ? Je ne crois pas...
La justice (élue) en est la preuve ...

Avatar du membre
politicien
Site Admin
Messages : 34347
Enregistré le : 30 août 2008, 00:00:00
Compte Twitter : @LActuPolitique

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par politicien » 27 sept. 2020, 09:39:23


Etats-Unis: Donald Trump nomme la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour Suprême

Lors d'une allocution depuis la Maison Blanche, le président américain a présenté la juge qui remplacera Ruth Bader Ginsburg, décédée le 18 septembre.

Les médias américains l'avaient annoncé. Donald Trump a confirmé ce samedi la nomination de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour Suprême. Lors d'une allocution dans les jardins de la Maison Blanche, le président américain a présenté la magistrate qui succèdera à Ruth Bader Ginsburg, décédée la semaine dernière des suites d'un cancer.

(...)

https://www.bfmtv.com/international/eta ... 60190.html
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » Le débat ne s'arrête jamais sur Actu-Politique

Avatar du membre
Yakiv
Messages : 16560
Enregistré le : 09 avr. 2016, 18:10:15

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Yakiv » 27 sept. 2020, 09:40:25

Une ultra-conservatrice catholique.

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Nombrilist » 27 sept. 2020, 09:49:32

Trump effectue un joli coup en nommant une femme, pas excessivement âgée de surcroit.

Avatar du membre
Yakiv
Messages : 16560
Enregistré le : 09 avr. 2016, 18:10:15

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Yakiv » 27 sept. 2020, 10:02:29

Oui, c'est un choix morbide mais intelligent.
Par contre, je ne sais pas si les milieux évangélistes sont contents.

Avatar du membre
Baltorupec
Messages : 13912
Enregistré le : 13 juil. 2011, 00:00:00

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Baltorupec » 27 sept. 2020, 10:36:57

@Nombrilist @merlin J'ai déjà lu l'avis de certains républicains pour qui le USA sont une république mais pas une démocratie, et sans être pour une dictature. Ce sont des personnes qui mettent d'avantage l'accent sur la constitution plutôt que l'idée de volonté populaire.
“Tout ce que tu peux régler pacifiquement, n’essaie pas de le régler par une guerre ou un procès.” Jules Mazarin

Avatar du membre
El Fredo
Messages : 26459
Enregistré le : 17 févr. 2010, 00:00:00
Parti Politique : En Marche (EM)
Localisation : Roazhon
Contact :

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par El Fredo » 27 sept. 2020, 12:32:55

Nombrilist a écrit :
27 sept. 2020, 09:49:32
Trump effectue un joli coup en nommant une femme, pas excessivement âgée de surcroit.
Une femme anti-féministe qui doit sa carrière aux combats féministes de ses aînées et notamment de celle qu'elle remplace, pas de doute on est en plein post-moderniste.
If the radiance of a thousand suns were to burst into the sky, that would be like the splendor of the Mighty One— I am become Death, the shatterer of Worlds.

Avatar du membre
Yakiv
Messages : 16560
Enregistré le : 09 avr. 2016, 18:10:15

Re: Décès de la juge Ginsburg, les conséquences

Message non lu par Yakiv » 27 oct. 2020, 08:27:18

C'est fait pour Amy Barrett.
52 voix pour - 48 contre. (51 suffisait)
La sénatrice républucaine du Maine, Susan Collins, est finalement la seule à ne pas avoir apporté sa voix à la nomination de Barrett.

Voici un avant-après.

Positionnement idéologique des juges de la Cour suprême, d’après le classement dit « Martin-Quinn » développé par deux chercheurs des Universités du Michigan et de Washington.
Avant.jpg
Avant.jpg (74.64 Kio) Vu 3496 fois
Après.jpg
Après.jpg (72.89 Kio) Vu 3496 fois
Modifié en dernier par Yakiv le 27 oct. 2020, 08:30:54, modifié 1 fois.

Répondre

Retourner vers « Actualité étrangère et européenne »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré