L'Europe: Plus ? Moins ? Pareil ? Laquelle ? Comment ?

[albert]

"A quoi bon en finir avec la monnaie unique ?" débat entre Xavier Ragot (Paris School of Economics, Observatoire français des conjonctures économiques) et Jacques Sapir (Ecole des hautes études en sciences sociales) - mercredi 6 mai 2015 à l'Ecole Normale Supérieure :
[BBvideo 600,350]http://www.youtube.com/watch?v=evEcLIeDo90[/BBvideo]

[Nombrilist]

C'est à nous de nous mettre au niveau de l'Europe. Si la gauche de la gauche s'était hissée au niveau de l'UE en créant un parti de gauche européen (sorte d'agrégat de ses équivalents dans les autres pays), le message serait passé. Bien sûr, c'est vrai pour tous les partis nationaux qui sont incapables de regarder au_delà de la prochaine élection cantonnale.

Les intérêts de la vraie gauche française ne sont pas les mêmes que ceux de la gauche allemande, bulgare, roumaine, estonienne, polonaise, etc. Que représenterait un tel rassemblement fourre-tout ?

[pierre30]

Je regarderai la video ce week end.

En quoi les intérêts de la "vrai gauche" sont ils différents de ceux de la gauche espagnole, bulgare, ...?

Si le but de la "vraie gauche" française est de changer le système, elle ne peut le faire qu'au niveau européen, sauf à sortir de l'UE.

Mais si le but est d'envoyer un gugusse chauffer les bancs du conseil général, alors oui : il vaut mieux qu'elle continue à faire comme si l'UE n'existait pas.

[pierre30]

Le débat est intéressant.

Sapir parle bien.

Il veut que les banques soient contrôlées par le gouvernement et il est pour le contrôle des flux de capitaux. Il faut être patient pour comprendre ce point, mais il est très important pour comprendre sa volonté de supprimer l’euro (saper ? ^^). Il cite comme idéal un patron de banque viré dans la nuit par l’état dans les années 60 à cause d’une déclaration à la presse britannique.

Il ne propose pas seulement une analyse économique technique qui montrerait le coût acceptable de la sortie de l’euro. L’exposé (intox ?) indique le chemin vers un étatisme et même un isolationnisme incompatible avec la zone euro et même avec l’UE. Et là je commence à comprendre pourquoi Sapir s’en prend avec autant de virulence à l’Allemagne : s’il parvient à discréditer l’Allemagne, il justifie la sortie de l’euro et crée les conditions pour un étatisme fort.

Son idéologie teinte fortement les analyses économiques qu’il produit. Il prône un rapprochement de la France et des pays européens avec les émergents; la Russie en particulier (il a des origines russes). Cela afin de lutter contre la domination du dollar américain.
Ce qui est curieux, c'est qu'il souhaite la dissociation de la zone euro pour que les européens se rapprochent de la Russie et créent un système monétaire international.

Il n'aime pas les USA. Il n'aime pas l'Allemagne. Il aime la Russie. Tout ça relève de la psychanalyse.

Je préfère Ragot lorsqu’il dit qu’on focalise beaucoup trop sur le financier. Il parle de la participation des salariés à la gouvernance des entreprises : l’économie réelle.

[albert]

Les banques doivent être contrôlées. Si cela avait été le cas, il n’y aurait pas eu la crise de 2008. Le patron de banque viré en 1967 était à la tête d’une banque publique. Ce que dit Sapir, c’est qu’un haut fonctionnaire, tout comme un membre du gouvernement, a un devoir de réserve et qu’il doit démissionner s’il ne le respecte pas (c’est la jurisprudence Chevènement : « un ministre, ça ferme sa g..... ou ça démissionne ! »)

Pour en revenir au débat, il y a effectivement des différences d’analyses importantes entre Sapir et Ragot sur la sortie de l’euro. Ragot, selon ses propres termes, parle d’apocalypse et d’incertitudes majeures. Selon lui, les pays qui sortiraient de l’euro mettraient 5 ou 6 ans à s’en remettre, alors que selon Sapir, ce serait environ 18 mois maximum.

Pourtant, si l’on reste dans l’euro, Ragot n’est pas spécialement optimiste non plus. Il décrit deux scénarios possibles : une reconvergence churchillienne avec du sang et des larmes pendant dix ans ou une convergence dégradée avec une Europe du Nord qui s’enrichit et une Europe du Sud (dont la France) qui se désindustrialise. Le second scénario est le plus probable et c’est bien ce qui est en train de se produire.

[Nombrilist]

"Il parle de la participation des salariés à la gouvernance des entreprises"

C'est comme l'harmonisation fiscale. Le truc qui n'a absolument aucune chance d'arriver.

[pierre30]

Oui en effet. Ils n'annoncent pas des jours faciles. Et peut-être qu'ils se trompent, ou peut-être pas. Il faut certainement changer le logiciel. Sapir veut le changer dans le sens que j'ai expliqué. Pourquoi pas. Mais il semble faire de la politique plutôt que de l'économie : on dirait un candidat à l'élection présidentielle qui promet des lendemains qui chantent.

Moi je crois que l'UE politique est une aventure qui vaut la peine d'être tentée. Il est vrai que l'UE est historiquement proche des USA plutôt que de la Russie et ses régimes autoritaires. Je préfère les USA et je ne suis pas économiste. Cela me permet de le dire sans faire de l'intox.

La participation des salariés à la gouvernance des entreprises est facile à réaliser, même si il existe des réticences. Tout simplement parce que ça va dans le sens de l'amélioration de la performance économique. Beaucoup plus facile en tout cas que l'Europe politique.

[albert]

Son idéologie teinte fortement les analyses économiques qu’il produit. Il prône un rapprochement de la France et des pays européens avec les émergents; la Russie en particulier (il a des origines russes). Cela afin de lutter contre la domination du dollar américain.
Ce qui est curieux, c'est qu'il souhaite la dissociation de la zone euro pour que les européens se rapprochent de la Russie et créent un système monétaire international.

Sapir est favorable, en cas de dissolution de la zone euro, à un nouveau système monétaire européen.
La domination du dollar est de toute façon sur le déclin et c’est tant mieux. Il faut penser à un nouveau système monétaire mais l’euro a clairement échoué à prendre la relève du dollar. Dans un nouveau système, les BRICS devraient avoir une bonne place. Je vous rappelle que la Russie est un pays européen (ce qui n’est pas le cas des USA) et que le général de Gaulle voulait une Europe « de l’Atlantique à l’Oural. »

[pierre30]

Sapir veut surtout sortir de l'euro. Ensuite il prévoit des dévaluations non contrôlées et un contrôle des changes par chaque pays. Cela n'a rien d'un système monétaire organisé en Europe.

La Russie est géographiquement en Europe, mais ne partage pas les valeurs des pays de l'ouest du continent. Il est toujours compliqué de s'associer à un Grizzli quand on est un herbivore. Les USA partagent nos valeurs. C'est un élément important. Même si ils sont également un grand prédateur.

La domination du dollar est un vrai problème pour l'Europe. Mais de là à s'associer avec un régime comme celui de Poutine, il y a un pas !!

La mise en place de la banque asiatique, au sein de laquelle la Chine pèse beaucoup, c'est vrai, est peut-être une piste intéressante pour essayer de trouver un système alternatif au dollar.

[albert]

Sapir veut surtout sortir de l'euro. Ensuite il prévoit des dévaluations non contrôlées et un contrôle des changes par chaque pays. Cela n'a rien d'un système monétaire organisé en Europe.

Non, pas du tout. Il évoque plusieurs scénarios, mais celui qui a sa préférence est celui d’une dissolution coordonnée, mais hélas ce n’est pas le plus probable. Quant au contrôle des capitaux, son but est justement de maîtriser les dévaluations, il n’est donc pas question de dévaluations incontrôlées. D’ailleurs lorsque Ragot dit que l’Italie et l’Espagne dévalueraient de 20 ou 30 % (je ne sais plus) par rapport à la France, Sapir n’est pas d’accord.

[Nombrilist]

"La domination du dollar est un vrai problème pour l'Europe. Mais de là à s'associer avec un régime comme celui de Poutine, il y a un pas !!"

Je suis d'accord. Là où je ne suis pas la gauche française ou allemande, c'est dans un rapprochement avec la Russie.

[albert]

Il ne s’agit pas de faire rentrer la Russie dans l’UE. En tout cas pas avant très longtemps. Mais si l’on parle de nouveau système monétaire mondial , il faut bien y associer les BRICS.

Cela dit, je note que ceux qui vitupèrent contre la Russie sont souvent les mêmes qui voudraient voir entrer la Turquie ou l’Ukraine dans l’UE. Personnellement, si je ne partage aucune valeur avec Poutine, je n’en partage pas non plus avec Porochenko ni avec un pays qui, 100 ans après avoir perpétré un génocide, refuse toujours de le reconnaître.

[Nombrilist]

Moi je suis pour l'établissement de relation bilatérales et coopération sur des points précis avec les pays qui nous intéressent et point. On dimensionne la taille de la cuvette de chiottes et nos flacons d'huile d'olive comme on veut !

[pierre30]

Sapir veut surtout sortir de l'euro. Ensuite il prévoit des dévaluations non contrôlées et un contrôle des changes par chaque pays. Cela n'a rien d'un système monétaire organisé en Europe.

Non, pas du tout. Il évoque plusieurs scénarios, mais celui qui a sa préférence est celui d’une dissolution coordonnée, mais hélas ce n’est pas le plus probable. Quant au contrôle des capitaux, son but est justement de maîtriser les dévaluations, il n’est donc pas question de dévaluations incontrôlées. D’ailleurs lorsque Ragot dit que l’Italie et l’Espagne dévalueraient de 20 ou 30 % (je ne sais plus) par rapport à la France, Sapir n’est pas d’accord.

La dissolution incontrôlée est le plus probable, mais il nous raconte que tout ira bien. C'est pas très cohérent : il nous prend pour des ... électeurs.
Son objectif est un état qui contrôle les banques et les flux monétaires. Pour lui, ce n'est pas un simple outil temporaire destiné à gérer la dissolution, mais réellement un objectif. Si chaque pays contrôle les capitaux suite à une dissolution, on peut être sûr que ça va partir dans tous les sens puisqu'on aura supprimé l'outil de coordination des politiques monétaires qu'est l'euro. Et à partir de là, que restera-t-il de l'UE ? Un traité de libre-échange qui ne rimera plus à grand chose dans un contexte de guerre monétaire.

Sapir est simplement contre l'UE capitaliste libérale actuelle. Pour que la France puisse choisir un régime politique étatique fort, il veut remplacer l'UE par un système de coopération dans lequel rentrerait la Russie et qui s'opposerait aux USA.
Il en a le droit après tout ! Mais alors il ne faut pas qu'il nous raconte des histoires.

[Nombrilist]

Nous sommes déjà dans un contexte de guerre monétaire. On réussit même l'exploit de le faire avec une seule monnaie !