Je n'apprécie pas vraiment Duhamel mais son analyse, bien que superficielle, mérite débat. En tout cas, sur le constat, il rejoint entièrement ce que je dis depuis plusieurs années sur ce forum, à savoir que les Français détestent le changement mais aussi plus largement l'expérimentation. L'attachement viscéral aux acquis, qu'ils soient sociaux, culturels, identitaires, est très prégnant en France. Le but de mon sujet n'est pas de faire du French bashing, juste de constater que les Français manquent d'imagination et que la France n'est plus une nation avant-gardiste, en ce sens où elle n'est plus depuis longtemps le pays qui en inspirera d'autres mais au contraire, celle qui suivra les autres... avec 15 à 20 ans de retard en moyenne.ÉDITO - Un sondage publié le 14 septembre montre qu'une majorité de Français sont contre une remise en cause de la loi Taubira. Même les électeurs de droite sont de moins en moins favorables à l'abrogation du Mariage pour tous.
Les Français, y compris les électeurs Les Républicains, estiment qu'il ne faut pas revenir sur la loi qui instaure le mariage pour tous, révèle un sondage publié dans le journal Le Monde. Ainsi, une courte majorité de ces électeurs est opposée à l’abrogation de la loi Taubira (54 %, contre 40 % entre octobre 2014). "Ce n'est pas une surprise, mais c'est une nouvelle significative", estime Alain Duhamel. Pour l'éditorialiste ce n'est pas une surprise car dans l'histoire, en terme de mœurs, on a pu voir qu'on ne revient pas en arrière sur les changements votés dans la loi. "On n'est pas revenu en arrière sur le divorce, on n'est pas revenu en arrière sur l'avortement, on ne reviendra pas en arrière sur le mariage pour tous". (...)
Cette ouverture en matière de mœurs ne contraste-t-elle pas avec des attitudes des Français beaucoup plus conservatrices dans d'autres domaines ? Alain Duhamel estime que même si les Français sont en avance sur certains débats de société, ils ne le sont pas dans tous. "Par exemple, à propos de l'immigration, les Français sont beaucoup plus traditionnels et méfiants que d'autres peuples européens", juge Alain Duhamel. Mais surtout, note le journaliste, "les Français sont progressistes en matière de mœurs et au contraire conservateurs en matière économique et sociale". Selon lui, les Français détestent le changement et se réfugient immédiatement dans le protectionnisme.
RTL
Pour reprendre un sujet qui m'intéresse, on remarque par exemple que la France a été incapable d'anticiper le besoin en transport fluvial et maritime et que ses ports sont insignifiants au regard de ceux des Pays-Bas, de Belgique ou dans une moindre mesure d'Italie. Pourquoi ? Parce que le lobby routier a eu raison des ambitions maritimes et fluviales de la France mais aussi parce qu'on a été obsédé par cette histoire de TGV, qui a été un gouffre financier. Conséquence : les ports français ont mauvaise réputation et sont incapables de répondre à la demande. On lui préfère les ports des pays voisins.
Malheureusement, cet exemple n'est pas isolé. Il concerne tous les domaines d'activité. Duhamel reprend l'exemple du mariage pour tous. Ce n'est pas celui qui m'intéresse le plus mais il a fini par se banaliser, comme le PACS a fini lui aussi à se banaliser, malgré l'opposition pavlovienne de Français qui ont peur du changement. En politique, c'est évidemment flagrant qu'ils ne souhaitent pas le changement mais au lieu de se remettre en question, ils préfèrent accuser la classe politique. La lecture sur ce forum de sympathisants de gauche radicale prêts à voter pour un Valls car il a la bonne couleur - rose - de "social-démocrate" crédite hélas mon propos.
Pareil pour la laïcité, où l'on n'est toujours pas sorti d'un débat sur le foulard islamique qui date au minimum des années Jospin. Aujourd'hui, le foulard est devenu la burqa ou le burkini.
Au niveau d'Internet, ce n'est guère mieux. La France est très mal dotée en haut débit, faute de lui avoir trouvé au bon moment un intérêt. Après l'avoir vainement concurrencé (et donc perdu du temps) avec le Minitel, elle est aujourd'hui en première ligne pour déclarer la guerre aux sites de type Uber ou Airbnb, sans se rendre compte que la profession de taxi n'a pas eu besoin d'Uber pour mourir à petit feu ; et que l'hôtellerie décline sans que cela ne soit la faute d'Airbnb.
D'où vient ce refus du changement ? Est-ce culturel ? Je n'en sais trop rien mais une chose est sûre : la France est dans une continuelle situation d'outsider parce que la classe politique est composée d'outsiders réfractaires au changement eux-mêmes élus par des Français réfractaires au changement. Balto disait à juste titre que la France est nostalgique de sa splendeur passée et il n'y a rien de nationaliste dans ce que je dis, elle a effectivement été à l'avant-garde d'un certain nombre de domaines. Mais depuis l'après-guerre, qui a consacré l'immobile république et les choix politiques désastreux, difficile de trouver un domaine dans lequel la France a pu inspirer ses voisins. C'est triste à dire mais la France n'a plus qu'une issue de secours : la militarisation de son économie car c'est encore un domaine dans lequel elle arrive à convaincre le monde extérieur.
Qu'un pays perde de sa suprématie mondiale, en soi ce n'est pas très grave car ça lui donne une leçon d'humilité. Mais s'il perd en plus de son influence régionale, là ça devient inquiétant.