Communautarisme, radicalisation, djihadisme : l'effroyable escalade
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Guylain Chevrier analyse l'echec du multiculturalisme et démontre le lien entre communautarisme et radicalisation islamiste.
Guylain Chevrier, membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration (2010-2013), formateur en travail social et chargé d'enseignement à l'université, docteur en histoire.
L
E FIGARO. - Les attentats à Bruxelles ont révélé la ghettoïsation de quartiers entiers de la capitale européenne. Cette nouvelle tragédie est-elle aussi le résultat de l'échec du multiculturalisme?
Guylain CHEVRIER. - C'est ce qui éclate effectivement au grand jour, mais aussi, et cela va avec, l'échec patent de parvenir à faire dans ces conditions, d'une population aux origines très différentes, des nationaux qui se reconnaissant dans un même peuple. Ce n‘est pas en laissant les différences prospérer en prenant le contre-pied de la société d'accueil, sous prétexte de les respecter, que l'on parviendra à résoudre les problèmes de cohésion sociale, on ne peut au contraire que les créer où s'alimente la radicalisation. Selon l'aveu, on s'en rappelle, de Madame Merkel et de Monsieur Cameron, le multiculturalisme dans leurs pays est un échec. Les communautés séparées selon l'origine, la couleur ou la religion, produisent des sociétés absentes de mélange, qui ne partagent pas les mêmes valeurs, avec des individus se fermant aux autres. L'idéal démocratique n'en sort pas indemne, mais surtout, cela se traduit par un affaiblissement de la démocratie, la citoyenneté étant reléguée à la dernière place. La démocratie en devient d'autant plus vulnérable, à céder à la logique de reconnaissance des différences lorsqu'il faudrait au contraire défendre la citoyenneté avec fermeté.
Ce multiculturalisme est-il le propre de la Belgique? Existe-t-il des «Molenbeek» français?
Le multiculturalisme prend aussi racine en France, mais de façon plus invisible que dans les pays qui en ont fait le choix, par le bas. On a laissé s'installer dans des quartiers de nos banlieues la logique communautaire avec son noyau communautariste, et ce, dans de nombreuses villes, en concentrant des populations en difficulté sociale dans les parcs de logement sociaux. On a refusé de considérer la dimension culturelle et religieuse dans cette concentration, on l'a banalisé, alors qu'elle constituait un risque, non seulement pour notre cohésion sociale mais aussi en termes de radicalisation. Rappelons-nous comment des contrôles de femmes portant un voile intégral, contraire à la loi en France, ont dégénéré en émeutes, des quartiers entiers prenant le parti de la défense de ces pratiques, qui relèvent du salafisme, fondamentaliste et ultra-communautariste.
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