Qu'en pensez vous ?Paul Valéry l'affirmait déjà dans ses Cahiers : "Le baccalauréat est le certificat que donne l'État et qui atteste à tous que le jeune untel ne sait absolument rien faire." Ceux qui n'ont pas obtenu le précieux sésame, d'André Malraux à Georges Marchais, en passant par Sacha Guitry et Pierre Bérégovoy, n'auraient certainement pas dit mieux. Simple formalité ? Stérilisateur de talent ? Ode au "par coeur" ? Dans Le bac inutile (L'Oeuvre éditions, avril 2012) le sociologue de l'adolescence Michel Fize ose croire que la réforme est encore possible. Explications.
Le Point.fr : Vous dénoncez la "pure mystification" qu'est devenu le baccalauréat, faisant ainsi des bacheliers de "pauvres mystifiés". N'est-ce pas un peu fort ?
Michel Fize : Je ne pense pas. M'intéressant au système éducatif depuis de nombreuses années, il est naturel que je me pose des questions sur celui qui nous a longtemps été présenté comme le meilleur au monde. Malheureusement, au fil des ans, on s'est aperçu que non seulement nous n'étions pas les meilleurs, mais que nous étions même complètement à la traîne ! En tant que sociologue, tout dysfonctionnement m'interpelle. Le bac n'est rien de moins que l'illustration de la défaillance du système scolaire français.
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Comment expliquez-vous cela ? La France serait-elle nostalgique de ce "monument historique national" si cher à Jack Lang ?
La France est très attachée à la "diplomation". Depuis l'arrêt impérial de Napoléon qui crée l'examen du baccalauréat en 1808, le diplôme est resté le mode majeur d'évaluation de la société française. En 1894, on mettait déjà à l'honneur les familles les plus diplômées et un certain Heurtar, chroniqueur à la revue L'Éducation nationale, écrivait : "Le culte du diplôme existe parmi nous à l'état de fétichisme. C'est une superstition qui survit à toutes les autres." Or, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que nous avons commencé à introduire des diplômes quand les postes se sont faits rares pour établir un critère de sélection. Résultat, en 2012, il n'y a pas plus de boulot, mais il existe plus de 4 000 diplômes, de "conseiller en développement de tennis de table" à "clown-option service à la personne" ! Je n'invente rien.
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Le bac est souvent décrit comme un "rite de passage" au sens anthropologique du terme. Or, vous contestez cette idée. Pourquoi ?
Laissons aux mots leur sens premier. Le rite de passage, dans les sociétés primitives comme chez les chevaliers de l'Ancien Régime, représente une série d'épreuves qui permettent à toute une génération d'accéder à la "responsabilité sociale". Or, le bac est moins un rite de passage qu'un grand lavage de cerveau. Mgr Dupanloup, éducateur renommé de l'enseignement catholique, notait déjà au XIXe siècle que, "grâce au baccalauréat, la plus haute éducation intellectuelle n'est aujourd'hui le plus souvent qu'un emmagasinement de notions mnémotechniques dont on se sert pour un examen à un jour donné, sauf à l'oublier dès le lendemain, et à ne jamais s'en servir !" Soit le "bachotage" ou comment absorber en un minimum de temps un maximum de matières aussitôt oubliées... Un examen de mémoire, en somme, et non plus des compétences ou des talents. Supprimons le bac pour sauver le savoir !
Pour faire des économies aussi ?
Absolument. Le bac, ce sont 4 000 sujets, 4 700 centres d'examen, 167 000 correcteurs, des milliers de surveillants et toute cette armée coûte au bas mot 50 millions d'euros. Certains experts avancent même le chiffre de 150 millions. Soit une somme qui pourrait permettre de recruter 5 000 professeurs, 8 000 infirmières et offrir environ 250 000 bourses supplémentaires
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Vous préconisez de remplacer l'"examen-sanction" par une "évaluation positive". Qu'entendez-vous par là ?
Je suis pour le contrôle continu, comme en Allemagne, où il représente 70 % de la note finale. Si le bac "à la française" était si efficace et inestimable que cela, cela ferait longtemps que tous les pays d'Europe l'auraient adopté. Mais qui voudrait d'une telle confusion entre instruction et diplomation ? Qui voudrait de notre fardeau, de notre épave nationale ? Carl Rogers, un célèbre thérapeute américain, a affirmé que "le talent et le diplôme ne font pas nécessairement bon ménage". Je pense qu'il avait raison. L'intégralité de cet article sur Le Point.fr
A plus tard,