Article fort intéressant sur le phénomène Macron. Vous avez noté que je n'ai pas voté pour Macron, mais que je soutiens plus ou moins la majorité de ses réformes socio-économiques, je ne suis pas suspect d'hostilité en postant cette tribune de PA Taguieff.Trois mois seulement après son élection, alors même qu'il commence à peine à mettre en œuvre son programme, Emmanuel Macron est déjà confronté à une chute vertigineuse dans les sondages. Le nouveau président de la République peut-il être considéré comme un «mirage» pour reprendre le titre de votre livre?
C'est le prix à payer pour avoir bénéficié d'une opération publicitaire réussie dans un contexte politique ultra-favorable, qui, aux yeux des plus naïfs, lui a donné la figure d'un envoyé de la Providence ou d'un ange descendu du ciel. Le prétendu miracle, l'avènement imprévisible d'un «sauveur» de la France, aura eu le statut d'une apparition furtive. Nous sommes passés en quelques mois d'un événement improbable, perçu sous le signe du merveilleux, à la prise de conscience qu'il s'agissait d'un simple mirage en train de se dissiper. Les principaux thèmes du mythe macroniste, le héros combattant les «forces du monde ancien» qui veulent «faire échouer la France», le sauveur qui allait stopper le déclin de la nation, ont perdu leur attractivité. Mais la fascination a été telle que la dissipation du mirage peut durer un certain temps. Les croyants et les énamourés tiennent à leurs illusions. Quant aux intéressés, à tous ceux qui vivent ou bénéficient du nouveau pouvoir, ils tiennent à ce que les autres ne perdent pas leurs illusions et mettent toute leur énergie à les entretenir. De la com' à la com' en passant par la com': c'est à cette petite histoire stationnaire que se réduit le moment «révolutionnaire» que Macron s'est efforcé d'incarner.
Dans le grand entretien qu'il vient d'accorder au Point, Macron explique qu'il est absurde de prétendre le juger au bout de cent jours seulement … N'est-il pas trop tôt pour être conclusif?
Si les sondages lui étaient favorables, il dirait le contraire. Il s'agit d'un faux problème. Dans le roman de Balzac, Le Père Goriot (1835), Eugène de Rastignac voulait conquérir Paris: «À nous deux maintenant!», s'écriait-il. Macron est plus ambitieux: c'est la France qu'il a voulu conquérir. Dans Révolution, revenant sur sa découverte passionnée de Paris, à l'âge de seize ans, il fait cet aveu: «J'étais porté par l'ambition dévorante des jeunes loups de Balzac.» Le stratège machiavélien d'âge mûr semble avoir réalisé les rêves de l'adolescent: accéder aux sommets, être «grand» et reconnu comme tel en France et surtout ailleurs.
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Mais Macron, c'est bien de la "com" avant tout et un tribun de l'extrême-centre version libertaire qui sait réunir l'inconciliable en deux mots, un néant intellectuel et idéologique, un pantin des puissances d'argent.