Jusqu'à présent, les candidats à la primaire de droite rivalisaient de propositions d'ordre économique, à tel point que j'avais évoqué une surenchère libérale. Cela pourrait changer. En effet, Sarkozy semble vouloir replacer la thématique identitaire au cœur de cette campagne.Sarkozy attendu à Lille pour un «grand discours sur la France»
VIDÉO - Le patron de l'opposition se déplace dans le Nord pour une réunion publique qui devrait donner le ton de sa campagne de la primaire, même s'il n'est pas encore officiellement déclaré.
Ce sera donc l'acte I de la précampagne de Nicolas Sarkozy pour l'investiture présidentielle à droite. Mercredi soir, à Saint-André-lez-Lille (Nord), dans un discours présenté comme «fondateur» par son entourage, le président du parti Les Républicains entend prolonger d'autres discours prononcés depuis son retour, en septembre 2014, sur le thème de la République et de ses valeurs. Mais cette fois-ci, Nicolas Sarkozy a souhaité élargir le champ de son propos pour retrouver le ton d'un de ses premiers discours, sur le thème «la France éternelle». Il l'avait fait le 9 mai 2006, à Nîmes. Déjà à l'époque, le patron de l'UMP n'était pas candidat déclaré à la présidentielle et il allait maintenir ce faux suspense jusqu'au mois de janvier 2007. Il avait, pour la première fois, prononcé ce discours avec le concours d'Henri Guaino. Une nouvelle plume, qui allait être amenée à prendre une place décisive à son côté.
«Hier encore, affirmer publiquement qu'il existait une identité française était considéré comme une insupportable provocation. Aujourd'hui, la fierté de la France est un drapeau.»
Cette fois-ci, Nicolas Sarkozy, l'auteur de La France pour la vie, veut assumer l'importance d'un «débat culturel et politique majeur». C'est Édouard Balladur, son ancien mentor, qui en a apporté la confirmation il y a peu dans Valeurs actuelles : «La question identitaire sera au cœur de la présidentielle». Les thèmes de l'appartenance à la Nation, de l'autorité de l'État, de la laïcité seront donc au centre de son discours mercredi soir lors d'une réunion publique . «Ce sera un discours solennel où il s'adressera au peuple de France, sur ce que c'est qu'être Français», précise-t-on dans son entourage. «Hier encore, affirmer publiquement qu'il existait une identité française était considéré comme une insupportable provocation. Aujourd'hui, la fierté de la France est un drapeau», déclarait récemment Nicolas Sarkozy lors d'un colloque du groupe de réflexion «France fière».
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Si cette thématique identitaire devait dominer la primaire à droite, ce serait une bonne chose, pour deux raisons.
Tout d'abord, on a bien compris que, dans le contexte économique actuel, le prochain gouvernement aura peu de marges de manœuvre pour mener une politique économique différente de celle du gouvernement actuel (qui lui-même mène une politique économique assez proche de celle du quinquennat Sarkozy). Sur l'économie, les candidats de droite auront donc du mal à se distinguer entre eux, et à se distinguer du gouvernement, sauf à faire dans la surenchère austéritaire et libérale, mais il n'est pas certain que cette surenchère soit très populaire et leur fasse gagner des voix.
S'ils veulent vraiment se distinguer entre eux et se distinguer du gouvernement, il reste donc la thématique identitaire. Or ça tombe bien, parce que cette thématique est au cœur des préoccupations des Français. Il y a plusieurs moyens pour s'en convaincre :
- Comment expliquer qu'entre le Front national et le Front de gauche, qui partagent pourtant une même dénonciation de l'euro-mondialisme actuel, ce soit le FN qui engrange les meilleurs résultats électoraux, notamment chez les ouvriers ? Tout simplement parce que le FG reste sur l'économie et se refuse à aborder les questions identitaires.
- Durant les dernières semaines de la campagne présidentielle de 2012, sous l'influence de Patrick Buisson, Sarkozy avait campé une posture identitaire. Alors qu'il était largement devancé par Hollande dans les sondages à deux mois de la présidentielle, il avait finalement échoué à 49%, malgré un bilan économique désastreux. Si la campagne avait duré deux ou trois semaines de plus, il aurait peut-être gagné...
- Voyons un peu ce qui se passe chez nos voisins. L'extrême-droite engrange des succès électoraux dans des pays économiquement très prospères (Autriche, Pays-Bas, Danemark...). Dans ces pays, si tant d'électeurs se détournent des forces politiques habituellement dominants, c'est probablement en grande partie à cause d'un malaise identitaire. C'est pareil en France.
Bien sûr, Sarkozy souffre d'un bilan catastrophique, à tous points de vue. Il souffre donc désormais d'un déficit de crédibilité, quoiqu'il dise, quoiqu'il promette. Mais il a raison d'insister sur la thématique identitaire. S'il pouvait la replacer au cœur de la campagne, ce serait bien.